Lettre à l’ONU : Justice pour les victimes du choléra en Haïti
Cher Monsieur le Secrétaire Général,
Nous vous écrivons en tant qu’organisations qui partagent l’objectif de l’ONU de promouvoir les droits de l’homme pour exprimer notre préoccupation concernant la situation des victimes du choléra en Haïti, et leurs droit d’accès à des recours efficaces.
Pendant six ans, l’ONU a nié toute responsabilité légale pour déclencher l’épidémie de choléra en Haïti, à la face des preuves scientifiques accablantes selon lesquelles les casques bleus de l’ONU avaient introduit la maladie. Ce déni a été à juste titre rencontré un tollé mondial ; le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur l’Extrême Pauvreté et les Droits de l’Homme l’a qualifié « moralement déraisonnable, juridiquement indéfendable et politiquement autodestructeur ». Le refus d’accepter la responsabilité en Haïti a nui aux victimes et à la crédibilité de l’ONU dans le monde entier.
En tant qu’organisations engagées dans la protection des droits universels, y compris le droit fondamental à un recours, nous avons été heureux de voir les Nations Unies commencent à réparer en 2016 en présentant des excuses au peuple haïtien et en lançant un nouveau plan pour éliminer le choléra. (« Nouvelle approche du choléra en Haïti »). Les Nations Unies s’engagent à fournir un « paquet d’assistance matérielle » aux personnes le plus touchées par le choléra, à « placer les victimes au centre de l’effort » et à les consulter lors de l’élaboration du programme d’assistance. L’ONU a également pris l’engagement d’aider les victimes non seulement en adoptant une approche communautaire mais aussi en « versant de l’argent aux familles des personnes décédées du choléra » et en consultant les victimes sur cette question. Pris ensemble, ces engagements représentaient de progrès important vers l’accomplissement du droit des victimes à un recours.
Pour s’acquitter de ses devoirs envers les victimes et leurs familles, l’ONU doit maintenant veiller à ce que ces promesses soient tenues et que les droits de l’homme soient au centre de son nouveau plan. Pourtant, près de dix-huit mois après le lancement de la Nouvelle Approche, nous sommes de plus en plus inquiètes par le fait que l’ONU se détourne de la responsabilité. Des consultations significatives avec les victimes n’ont pas encore été menées et, pourtant, l’ONU semble favoriser des solutions communautaires pour les victimes sans un plan d’action pour explorer les paiements individuels. Cela ne correspond pas à votre assurance d’une approche participative dans votre Op-Ed du Miami Herald en novembre 2017 où vous avez promis un « nouvel esprit de partenaires » avec le peuple haïtien et « des consultations communautaires et individuelles significatives avec les victimes du choléra » et des « renseigner de notre réponse et notre travail futur en apportant un soutien aux personnes touchées par la tragédie. »
Une réponse axée sur les droits et centrée sur les victimes exige une participation significative des victimes à chaque étape du processus. Les victimes doivent être consultées sur toutes les décisions concernant la réponse, y compris l’équilibre entre les projets communautaires et les paiements individuels aux victimes. Les décisions doivent être mises en oeuvre conformément aux priorités et aux perspectives des victimes. L’interaction limitée de l’ONU avec les victimes à ce jour est loin de répondre à cette norme.
Alors que le « Track 2 » (volet ou facette) « assistance matérielle » de l’ONU commence à prendre forme, il est troublant que l’ONU n’ait engagé aucune discussion publique sur la rémunération individuelle et qu’il ait plutôt fait état des défis de la mise en oeuvre d’une telle approche pendant qu’il poursuit son modèle préféré de développement communale. Ceci est particulièrement inquiétant étant donné la responsabilité de l’ONU d’assurer un recours complet, efficace et transparent, y compris une indemnisation significative des victimes, conformément aux principes établis des droits de l’homme, y compris les Principes fondamentaux et directives sur le droit à un recours et à la réparation des victimes des violations graves du droit international humanitaire. L’indemnisation des morts et des blessés est également prévue par la loi haïtienne et le cadre juridique des Nations Unies régissant les réclamations des tiers.
Alors que l’établissement de projets collectifs peut constituer une forme de réparation, les projets seuls ne répondent suffisamment ni aux dommages individualisés des victimes ni aux restitutions adéquates. Huit ans après le début de l’épidémie, les victimes continuent de souffrir gravement. Des milliers de familles qui ont perdu leurs revenus ou leurs moyens de subsistance et qui ont été obligées de payer des frais médicaux et d’inhumation élevés à cause du choléra ont été plongées plus profondément dans la pauvreté. Les enfants orphelins ou forcés de quitter l’école sont condamnés à une autre génération de pauvreté. La compensation individuelle est l’un des éléments principaux du droit à un recours et à des réparations, et les victimes du choléra l’ont recommandé depuis longtemps. Bien qu’il y ait sans doute des défis à cette approche, d’engager les victimes en tant que partenaires dans le plan de la Nouvelle Approche aidera probablement l’ONU à surmonter ces obstacles. En fin de compte, une décision d’abandonner la compensation ne peut être prise sans les victimes.
L’ONU a la possibilité de reconstruire la vie de milliers de victimes du choléra grâce à la Nouvelle Approche et de donner l’exemple de l’ONU qui incarnera les principes des droits de l’homme et de l’autorité de la loi qu’elle promeut aux autres. De l’autre côté, le succès de la Mission des Nations Unies pour l’Appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH) pourrait être très compromis si l’ONU ne reste pas fidèle a ses promesses.
Dans le contexte de la publication par l’ONU du rapport de suivi sur la Nouvelle Approche, nous vous encourageons fortement à exercer votre direction afin de maximiser cette opportunité et de transformer les promesses de l’ONU en résultats concrets, pour le peuple d’Haïti et pour l’ONU.
Sincèrement,
1. AIDS-Free World
2. Allard K. Lowenstein International Human Rights Clinic, Yale Law School
3. Alternative Chance
4. American Jewish World Service
5. Amnesty International
6. Avocats sans frontières Canada
7. Bertha Foundation
8. Bureaux des Avocats Internationaux
9. Center for Applied Legal Studies
10. Center for Constitutional Rights (CCR)
11. Center for International Law (CenterLaw), Philippines
12. Centre Europe Tier Monde (CETIM)
13. Centre Tricontinental (CETRI)
14. Church World Service (CWS)
15. Comisión de Derechos Humanos del PIT-CNT
16. Comité Exécutif Régional de l’Assemblée des Peuples de la Caraïbe (CER_APC)
17. Corporación Colectivo de Abogados “José Alvear Restrepo” (CCAJAR), Colombia
18. Environmental Justice Initiative for Haiti
19. EqualHealth
20. Family Action Network Movement
21. Fondasyon Mapou
22. Foundation for Fundamental Rights Pakistan (FFR), Pakistan
23. France Amérique Latine (FAL)
24. Franciscans International
25. Frank C. Newman International Human Rights Clinic, University of San Francisco
26. Fundación Mario Benedetti
27. Fundación Vivián Trías
28. Gender Action
29. Gillis Long Poverty Law Center, Loyola University New Orleans
30. Global Justice Clinic, NYU School of Law2
31. Health and Human Rights Clinic, Indiana University, Robert H. McKinney School of Law
32. Human Rights Advocates
2 This communication does not purport to represent the institutional views, if any of NYU.
33. Human Rights Clinic, University of Miami School of Law
34. Human Rights Research and Education Centre, University of Ottawa
35. Institute for Justice & Democracy in Haiti
36. International Association of Democratic Lawyers
37. International Federation for Human Rights (FIDH)
38. International Fellowship of Reconciliation (IFOR)
39. International Human Rights Clinic, Western New England University School of Law
40. International Service for Human Rights (ISHR)
41. International Youth and Student Movement for the United Nations (ISMUN)
42. Jubileo Sur / Americas
43. Konbit Lakay
44. Legal Resources Centre (LRC), South Africa
45. Li, Li, Li! Read
46. Mennonite Central Committee United Nations Office 47. Mujeres de Paz Uruguay
48. National Human Rights Defense Network (RNDDH)
49. National Lawyers Guild
50. National Lawyers Guild, International Committee
51. Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA)
52. Proyecto de Derechos Económicos, Sociales y Culturales, A.C (ProDESC), Mexico
53. Quixote Center
54. Red de Economistas de Izquierda de Uruguay (REDIU)
55. Robert F. Kennedy Human Rights
56. Servicio Paz y Justicia / Uruguay
57. Sociedad de Economía, Política y de Pensamiento Crítico de América Latina (SEPLA)
58. The Canada-Haiti Information Project
59. The Center for Gender & Refugee Studies (CGRS), University of California Hastings
60. The United Methodist Church, General Board of Church and Society
Lettre disponible sur : https://bit.ly/2NbgZfI