Marée féministe au Chili (Franck Gaudichaud/ Monde Diplomatique)

La gauche chilienne cherche son unité. Les étudiants ont ouvert la voie en 2011, réhabilitant l’héritage de Salvador Allende ; de nouveaux venus en politique ont tenté de transformer l’essai lors des élections de 2013, avant que les organisations syndicales ne sortent de leur torpeur. En réussissant l’une des plus importantes mobilisations depuis la fin de la dictature, le mouvement féministe ravive à son tour l’espoir.


Georges Bartoli. — Graffiti et peinture murale, université de Concepción.

Ce n’est pas une vague, mais un tsunami haut en couleur qui, ce 8 mars 2019, inonde les rues de Santiago, sous un soleil radieux et sous… l’œil torve de nombreux carabiniers, les gendarmes locaux. Pour célébrer cette première grève féministe de l’histoire du Chili, plus de 350 000 personnes chantent, dansent, chahutent dans le centre de la capitale. Des femmes, surtout, le plus souvent jeunes. Le corps peint, pour certaines d’entre elles, elles manifestent en famille, avec leurs compagnons, leurs enfants. Des chiens des rues accompagnent cette marche joyeuse et rageuse, en cette journée internationale des droits des femmes.

Les grands-mères survivantes de la répression de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990) et les militantes de défense des droits humains sont là. Telle Mme Alicia Lira, présidente du Collectif des familles d’exécutés et exécutées politiques, elles défilent avec les photographies de leurs disparues : « Les raisons pour lesquelles la dictature les a assassinées sont exactement les mêmes que celles pour lesquelles nous marchons aujourd’hui : elles voulaient construire une société de personnes libres et égales. »

Les mots d’ordre sont aussi divers que le public présent : contre les violences à l’encontre des femmes, la discrimination que subissent les homosexuelles et les transgenres, les conditions d’accueil déplorables des migrantes, pour l’égalité de salaire avec les hommes. Aux côtés d’organisations non gouvernementales (ONG), d’associations et de syndicats, des femmes mapuches, vêtues de leurs habits traditionnels, dénoncent l’oppression que subit leur peuple, tandis qu’une étudiante brandit une pancarte où l’on peut lire : « Liberté pour mes ovaires. Avortement libre, sûr et gratuit ! » Des habitantes des quartiers populaires organisées au sein du réseau Ukamau insistent sur le droit au logement. Un peu plus loin, l’organisation Du pain et des roses, proche du petit Parti des travailleurs révolutionnaires, entonne des chants de lutte sous un flot (…)

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