🇫🇷 🇵🇪 Mario Vargas Llosa à l’Académie française : une œuvre immense, des idées désolantes (Valérie Lehoux – Télérama) / Une élection polémique (Stéphanie Trouillard – France 24 avec AFP)


L’immense écrivain péruvien Mario Vargas Llosa rejoint ce jeudi 9 février les rangs de l’Académie française. Réception entachée par ses récentes et multiples prises de position en faveur de politiciens d’extrême droite en Amérique latine.

Mario Vargas Llosa avant son intronisation à l’Académie française, le 9 février. Photo Emmanuel Dunand / AFP

La journée s’annonçait fastueuse, en tout cas joyeuse pour l’Académie française : le vénérable collège n’accueille pas si souvent un géant des lettres tel que Mario Vargas Llosa ! L’écrivain péruvien, auréolé d’un Nobel de littérature (en 2010) et de tant d’autres récompenses au fil de son étincelante carrière, y a été élu fin 2021. On prend son temps au pays des immortels : ce 9 février 2023 signe le jour de sa réception solennelle sous la Coupole et de son traditionnel discours d’entrée – toujours consacré à l’éloge du prédécesseur, en l’occurrence le philosophe Michel Serres, décédé en juin 2019. Pour une Académie qui peine à attirer des noms d’envergure, la venue de Vargas Llosa est a priori une aubaine. De quoi braquer les projecteurs médiatiques et redorer joliment un blason terni par le temps.

Sauf que. Dès son élection, des voix se sont élevées pour signaler que le nouveau venu dépassait de beaucoup la limite d’âge habituelle pour intégrer le cénacle – 75 ans, alors que lui en a 86 ; rappelant au passage qu’il serait le seul de ses membres à n’avoir jamais écrit en français – « mais il le parle très bien », rétorquent ses partisans. D’autres ont alerté sur les soupçons de fraude fiscale qui pèsent sur Vargas Llosa, son nom ayant été cité dans les scandales des Panama puis des Pandora Papers – l’intéressé posséderait une société offshore dans un paradis fiscal, ce qu’il a toujours nié. Accrocs regrettables à l’éthique de l’Académie ? À vrai dire, tout cela n’était rien au regard de la polémique qui entache aujourd’hui son arrivée : ses récentes et multiples déclarations politiques.

Une intronisation encombrante

Coup sur coup, Mario Vargas Llosa s’est prononcé en faveur de Keiko Fujimori au Pérou, fille et soutien d’un ancien dictateur condamné pour crimes contre l’humanité ; il s’est dit favorable au leader de l’extrême droite chilienne, Antonio Kast, nostalgique assumé de l’ère Pinochet ; et au non moins droitier Jair Bolsonaro, lors de son dernier face-à-face présidentiel avec Lula au Brésil. (…)

(…) Lire la suite de l’article ici


Académie française : après son élection polémique, Mario Vargas Llosa intègre les rangs (Stéphanie Trouillard / France 24)

Élu fin 2021 à l’Académie française à 85 ans, malgré un âge plus élevé que ne le permettent les statuts, Mario Vargas LLosa doit être officiellement reçu sous la Coupole jeudi 9 février. Son élection n’avait pas fait l’unanimité, un collectif d’universitaires dénonçant alors les accointances politiques de l’écrivain péruviano-espagnol.

L’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, lors d’une conférence de presse à Guadalajara, au Mexique, le 26 mai 2019. © Ulises Ruiz, AFP

C’est au premier tour et avec dix-huit voix – contre une pour le réalisateur Frédéric Vignale –, un blanc et deux nuls, que l’écrivain péruviano-espagnol Mario Vargas Llosa a été élu, jeudi 25 novembre 2021, à l’Académie française.

Cette élection n’a d’abord suscité que peu de réactions, même si la candidature du prix Nobel de littérature âgé de 85 ans avait été retenue par les Immortels malgré des statuts précisant depuis 2010 qu’il faut avoir moins de 75 ans pour se présenter.

Un soutien apporté au candidat d’extrême droite chilien

Mais depuis, ses récentes déclarations au sujet de l’élection présidentielle chilienne n’ont pas manqué d’interpeller. Le 3 décembre 2021, lors d’un entretien en visioconférence avec José Antonio Kast, candidat de l’extrême droite arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle chilienne, l’écrivain lui a apporté son soutien.

“Ce qui se passe au Chili est absolument fondamental pour toute l’Amérique latine”, a souligné Mario Vargas Llosa auprès de son interlocuteur, comme le rapporte le site ActuaLitté. “Les yeux de l’Amérique latine sont tournés vers le Chili. Il n’y a aucune autre alternative possible à une victoire aux élections.” Le tout nouvel académicien assure qu’une victoire de José Antonio Kast permettrait “au Chili de reprendre la tête et de montrer ce qu’est le centre droit, la liberté, le soutien aux entrepreneurs, l’ouverture aux investissements étrangers”.

Dans une tribune publiée le 8 décembre 2021 dans le journal Libération, des professeurs et des chercheurs universitaires français et étrangers ont pointé du doigt cet engagement et dénoncé une “erreur” de l’Académie française. “Peut-être l’Académie a-t-elle considéré que l’écrivain péruvien incarnait l’idéal de l’écrivain engagé issu des Lumières. Mais cette élection pose de graves problèmes éthiques”, peut-on lire dans le texte.

“Nous avons écrit cette tribune précisément pour exprimer notre stupéfaction devant cette élection, en pensant que peut-être nos concitoyens ne connaissaient pas certains des éléments liés à l’Amérique du Sud, continent dont nous sommes spécialistes, depuis nos diverses disciplines”, ont également précisé auprès de France 24 trois des signataires, le linguiste César Itier, la géographe Évelyne Mesclier et l’anthropologue Valérie Robin Azevedo.

Les auteurs de cette tribune ont ainsi rappelé les précédents engagements de l’écrivain, notamment auprès du président colombien Iván Duque qui a mis fin aux accords de paix signés en 2016 entre le gouvernement et les Farc, auprès de la candidate populiste à l’élection présidentielle péruvienne Keiko Fujimori, fille de l’ancien dictateur Alberto Fujimori, ou encore son appel en 1995 “à enterrer le passé” en Argentine, se référant aux crimes commis pendant la dictature militaire.

Un “anticommunisme fervent” et un “ultralibéralisme économique”

Attiré dans sa jeunesse par la révolution cubaine, Mario Vargas Llosa s’en est détaché dans les années 1970. Il a ensuite été l’un des critiques les plus virulents de certains régimes autoritaires latino-américains, comme le Venezuela de Hugo Chávez. Il a aussi eu une carrière politique, avec en 1990 une candidature à la présidence du Pérou résolument à droite, mettant en avant des opinions libérales controversées, qui heurtaient une bonne partie de l’électorat.

Dernièrement, une polémique est née de soupçons d’évasion fiscale. D’après les révélations de plusieurs médias dans l’affaire des “Pandora papers”, Mario Vargas Llosa a été actionnaire entre 2015 et 2017 d’une société des îles Vierges britanniques, un paradis fiscal. Lui dément toute intention d’échapper à quelque impôt que ce soit. Pour les auteurs de la tribune, le dogme de l’écrivain est donc basé sur un “anticommunisme fervent” et un “ultralibéralisme économique”. “En lui donnant l’épée, les Académiciens ont commis une erreur, voire une faute, qui ternit l’image de la France en Amérique latine où les prises de position extrémistes de Mario Vargas Lllosa sont bien connues et suscitent un fort rejet”, concluent-ils. (…)

(…) Lire la suite de l’article ici