🇲🇽 Mexique: dix ans après, les parents des étudiants disparus d’Ayotzinapa réclament toujours justice (reportage de Gwendolina Duval – RFI / article de Jean-Jacques Kourliansky-Espaces latinos)
Le 26 septembre marque un triste anniversaire au Mexique. Il y a dix ans, jour pour jour, 43 étudiants de l’école rurale d’Ayotzinapa disparaissent à Iguala dans l’État de Guerrero, situé à 300 kilomètres de Mexico. Une décennie après, l’affaire pleine de mystère continue de hanter la société mexicaine. Les jeunes n’ont toujours pas été retrouvés et on ne sait toujours pas précisément ce qu’il s’est passé.

Après dix ans d’enquête, une « vérité historique » bidon inventée par le gouvernement Peña Nieto de l’époque, des rapports d’experts indépendants internationaux qui mettent en évidence la participation de la police et de l’armée dans le drame, la justice n’est toujours pas faite. À Mexico, ce jeudi après-midi, les parents des victimes marcheront sur l’avenue Reforma jusqu’au Zocalo pour une fois encore réclamer la vérité. Plusieurs actions ont eu lieu cette semaine dans le Guerrero et à Mexico pour que cette affaire ne tombe pas dans l’oubli.
« Nous levons la voix pour que le cas Ayotzinapa ne reste pas impuni. Nous savons que cette affaire est un crime d’État », lance Isidoro Aguilar, porte-parole des familles. C’est un sentiment de rage qui domine désormais à chacune des actions, parfois très tendues, pour Ayotzinapa dans la capitale. Sans relâche, depuis dix ans, les familles des étudiants réclament la vérité aux autorités mexicaines.
« Honnêtement, c’est compliqué pour une maman, témoigne Nicanora Garcia Gonzalez, maman de Saul. Qu’est-ce qu’il lui est arrivé, où est-il ? Qu’est-ce qu’il fait ou plutôt qu’est-ce qu’on lui a fait ? Pourquoi on nous impose toute cette souffrance ? Parce que le gouvernement sait très bien ce qu’il s’est passé. Ils ont été enlevés par des policiers. Ils savent où ils les ont laissés. Pourquoi ils ne disent pas la vérité : où sont nos fils ? »(…)
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Ayotzinapa – Mexique : quarante-trois disparus – Dix ans d’impunité (Jean- Jacques Kourliandky / Espaces latinos)
Mexico – Ciudad de México, jeudi 26 septembre 2024, plusieurs milliers de personnes battent le pavé. Le flot continu des manifestants parti du pied de la colonne de l’indépendance sur l’avenue de la Reforma, s’écoule lentement vers la Grand Place du Zócalo, siège des pouvoirs religieux, municipal et depuis 2018, présidentiel. RAS, sinon comme en France et ailleurs en Europe et aux Amériques, la présence latérale de Zorros, cagoulés et tout de noir vêtus, qui cassent avec méthode devantures bancaires et restaurants rapides de marques anglo-saxonnes.
Pourquoi tant de monde, ce jour-là ? Qui sont tous ces protestataires ? Que demandent-ils, que disent leurs banderoles, et leurs calicots ? Qu’exigent-ils en donnant de la voix, de façon répétitive tout au long de leurs kilomètres de marche ? Que disent les affiches, collées par les hommes et les femmes en noir, sur les décombres de leurs casses ? Un mot émerge de ce tohu-bohu, « Ayotzinapa ». 43 élèves de l’école normale rurale d’Ayotzinapa, dans l’État de Guerrero, ont disparu la nuit du 26 au 27 septembre 2014, dans la commune d’Iguala. Dix ans plus tard, on ne sait toujours pas ce qui s’est passé cette nuit-là, à Iguala. Seule certitude, les bus, dans lesquels ils se trouvaient, au nombre de quatre ou cinq, selon les témoignages et les enquêteurs, ont été interceptés par des gens armés, membres de bandes criminelles, policiers locaux, militaires, peut-être les trois à la fois, ici encore l’incertitude étant de rigueur. La suite est depuis 2014 dans les mains d’une justice n’ayant apporté aucune réponse cohérente et convaincante sur le sort des 43 interceptés. Ils sont donc portés disparus.
Le cortège ayant cheminé le 26 septembre 2024, de la colonne de l’indépendance au Zóalo, a été ouvert par quatorze parents de normaliens enlevés, encore en vie, et les proches des vingt-neuf autres, tous porteurs de leurs photos, sous-titrées, d’un, Où sont-ils ? Ils les ont pris vivants ! Nous les voulons vivants ! » Familles, proches, amis et manifestants, groupes solidaires de l’Université nationale de Mexique, et de diverses universités (UAM, IPN, UACM), représentants de la Coordination nationale des travailleurs de l’éducation, du Comité 68 (en référence au massacre de plusieurs dizaines d’étudiants sur ordre des autorités priistes de l’époque le 6 octobre 1968), du Front des peuples défenseurs des terres d’Atenco, d’Amnistie internationale et d’autres mouvements de défense des droits humains, ont symboliquement édifié un monument dédié aux « 43 », sur l’avenue « Reforma ». « Nous installons ce mémorial », ont-ils expliqué, « pour exiger la vérité, la justice et la fin de l’impunité dans notre pays. Dix ans après les faits, notre demande est absolue, nous exigeons du gouvernement la présence, en vie, de nos enfants ». « Que les yeux des disparus les poursuivent ! », Que les pleurs des mères les empêchent de dormir », ont-ils alors scandé.
Rendez-vous a été pris avec la nouvelle présidente, Claudia Sheinbaum. À défaut d’avoir pu obtenir satisfaction du sortant, , Andrés Manuel López Obrador AMLO qui avait pourtant au cours de sa campagne électorale de 2018, promis aux parents de faire toute la vérité. Le chef d’État en fonction, en 2014, au moment des faits, Enrique Peña Nieto, (PRI), avait en effet enlisé l’enquête de 2014 à 2018. Le policier chargé du dossier, ancien directeur de l’Agence des enquêtes criminelles, Tomas Zerón de Lucía, a pris la fuite et s’est exilé en Israël, qui n’est lié par aucun traité d’extradition avec le Mexique. Les services de l’Avocat général de la République PGR, installés dans un gratte-ciel donnant sur l’avenue de Reforma, ont fermé et déménagé. Les familles avaient installé un campement permanent, décoré des photos des disparus, devant ses locaux … AMLO conscient de l’impasse a remplacé dès décembre 2018 le PGR par un FGR, Procureur général de la République, évolution sémantique ayant justifié le déménagement de l’institution…
Mais un contact avec les familles a été établi par le président, dès les premiers moments de sa mandature un rapporteur spécial a été nommé. Une Commission de la vérité a été mise en place. La vérité n’a pas été au rendez-vous. En 2023 les familles ont demandé des comptes au président. Le 3 octobre 2023 il les a rabrouées, signalant que tout avait été fait pour rétablir la vérité. En 2024 il leur a écrit, pour leur dire qu’il reconnaissait que son engagement de 2018, n’avait malheureusement pas pu être tenu. Au terme de sa présidence, plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées puis souvent relâchées. L’Avocat général de l’État, qui le premier a eu à gérer l’affaire, Jesús Murillo Karam, a été mis en examen pour falsification de preuves. Il attend son éventuel procès en prison domiciliaire. En conclusion, depuis 2014, personne n’a été condamné, ni même jugé. (…)
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