🇲🇽 Mexique : le peuple totonaque seul contre un géant pétrolier (Claire Lapique / Mr Mondialisation)
Le 16 septembre 2024, une coulée de pétrole se répand dans la rivière d’Ojital, village situé près de Papantla (Nord Veracruz). Cette marée noire aurait pu être évitée si PEMEX, l’entreprise pétrolière responsable, avait pris les mesures nécessaires face à la rupture d’un oléoduc situé en amont de la rivière, dénoncée par les habitants un mois auparavant. Reportage.
Loin d’être inédite, cette marée noire est le lot quotidien du peuple totonaque qui doit lutter pour survivre dans ce territoire meurtri par l’extraction sans limite de ses ressources souterraines.
Une lutte quotidienne
Don Elias se lève pour une nouvelle journée de travail. Ses clients vont bientôt l’attendre pour commander leur petit-déjeuner. Son stand de tacos est situé en haut du village, sur la route principale joignant Papantla à Poza Rica, la plus grande ville pétrolière de l’État de Veracruz.
En vitesse, don Elias remplit sa jarre avec l’eau du puit. Il s’en asperge le visage pour se réveiller et grimace : « Maintenant l’eau sent le pétrole ? » marmonne-t-il, encore endormi. Il fait quelques pas pour jeter le contenu de la jarre dans la rivière qui borde sa maison. Mais ses yeux s’arrêtent soudain. L’eau est noire. La terre est noire. L’horizon lui-même est noir. Partout où ses yeux se portent : tout est noir de pétrole.
À l’orée de la rivière, les habitants d’Ojital se réveillent avec le même cauchemar. Cette nuit, l’averse n’a pas cessé et le pétrole qui stagnait dans un barrage en amont s’est déversé. La coulée a atteint plus de 12 kilomètres de rivière, affectant jusqu’aux communautés voisines Troncones et Chote Coatzintla.
Les habitants font remonter l’information aux autorités municipales et à Pétroles Mexicain, PEMEX, l’entreprise responsable, mais personne ne répond. Alors, ils s’organisent rapidement. À 9h, ils bloquent la route Tajín-Coatzintla pour exiger la réparation des dommages au plus vite. En début d’après-midi, quatre ouvriers se présentent avec l’intention de poser des barrages en plastique. Mais le soir arrive et les ouvriers n’ont toujours rien fait. Don Alfredo, l’autorité traditionnelle de la communauté, constate, excédé : « On vous a vu poser quelques branches de palmier ! Vous êtes censés être spécialistes ! Un tel travail, nous pouvons le faire nous-mêmes. »
« Les ouvriers se moquent de nous » s’insurgent les habitants, avec un goût amer en bouche et l’odeur de pétrole qui flotte dans l’air. Ces dernières années, les fuites se sont multipliées dans la région du fait de la vétusté des installations – certains oléoducs ont plus de 70 ans et manquent d’entretien.
Or, PEMEX a pris l’habitude de fuir ses responsabilités, en témoigne l’attitude de son représentant venu le jour suivant : « C’est la prison que vous méritez pour bloquer la route », menace-t-il. Les habitants sont furax : « Plusieurs d’entre nous souffrent des vapeurs de pétrole ! Il y a des personnes âgées et des enfants vivant à quelques mètres de la rivière. Nous ne partirons pas si vous ne nettoyez pas la rivière de vos déchets ! »
La réponse de l’entrepreneur ne cache rien de ses intentions : « Il va falloir vous habituer à l’odeur comme à Poza Rica ! Le pétrole ne tue pas. » Depuis que sa réplique a fait le tour des médias, l’entreprise PEMEX a envoyé une poignée de travailleurs pour nettoyer une partie des dix kilomètres de rivière contaminée. Mais pour Don Alfredo, une telle réaction n’émet aucun doute : « selon eux, on devrait s’habituer à mourir, lentement ! »
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