Milton Hatoum : «La victoire de Bolsonaro a libéré le racisme, le machisme, l’homophobie» (Chantal Reyes/Libération)
L’écrivain brésilien recevra le 13 décembre à Paris le prix Roger-Caillois de littérature latino-américaine. Avec l’élection du nouveau président d’extrême droite, il décrit un climat de peur, sur les réseaux sociaux comme dans la rue.
Milton Hatoum, 66 ans, est l’un des plus grands écrivains vivants du Brésil. Il recevra, le 13 décembre à Paris, le prix Roger-Caillois de littérature latino-américaine. Traduite en plusieurs langues, dont le français, son œuvre, cinq romans et un recueil de contes (1), tourne autour de sa ville natale, Manaus, au cœur de l’Amazonie. Seule exception à la règle, son dernier opus, une trilogie dont le premier tome sortira en France fin 2019. Pour Libération, Milton Hatoum revient sur les temps difficiles qui s’annoncent au Brésil, qui sera gouverné dès le 1er janvier par un président d’extrême droite, Jair Bolsonaro.
Que représente cette récompense dans le contexte politique actuel du Brésil ?
C’est important pour la littérature brésilienne, moins connue à l’étranger que sa consœur hispanique. Et politiquement, c’est une petite victoire. L’élection de Bolsonaro a été une défaite brutale, et pour la culture avant tout. Nous avons été battus par l’extrême droite, ce n’est pas anodin. Même si la presse brésilienne, par malhonnêteté intellectuelle, ne dit pas que Bolsonaro est d’extrême droite. Nous en appelons une nouvelle fois à la solidarité de la France, qui avait accueilli de nombreux exilés pendant les dictatures en Amérique latine.
Les intellectuels se sentent-ils menacés ?
Pour Bolsonaro, ils sont des ennemis. On les a taxés de communistes, d’athées, de libertaires voulant détruire la famille. Il ne fait pas de doute qu’ils seront inquiétés, de même que les universitaires et les artistes. Mais les plus menacés seront les minorités sexuelles, les Indiens, les Noirs, les femmes. La victoire de Bolsonaro a libéré le racisme, le machisme, l’homophobie. Il parle des Noirs comme s’ils étaient des animaux ; il a déclaré préférer voir mourir un fils homosexuel et admet tacitement le viol, lui qui a lancé à une députée qu’elle était «trop laide pour mériter d’être violée»… Etre écrivain dans un pays où le président a pour livre de chevet les mémoires d’un tortionnaire de la dictature, c’est fou ! Car cet homme, le colonel Brilhante Ustra, est le héros déclaré de Bolsonaro…