🇨🇱 Mon pays imaginaire, film de Patricio Guzmán. Quand le Chili s’éveilla (Isabelle Le Gonidec / RFI) / Révolution (féministe) au Chili (Berenice Thevenet – Le Mag du Ciné)


Dans Mon pays imaginaire, le célèbre documentariste chilien exilé en France Patricio Guzmán, auteur dans les années 1970 de la Première Année (celle du gouvernement de gauche de Salvador Allende au pouvoir) et de la trilogie la Bataille du Chili (sur l’année 1973 et le coup d’État militaire), plus récemment de la trilogie Nostalgie de la lumière, le Bouton de Nacre, la Cordillère des songes, voyage une nouvelle fois à Santiago pour tourner son nouveau documentaire qui retrace les immenses manifestations de rue commencées en octobre 2019 au Chili et qui aboutiront à l’élection d’une assemblée chargée de réécrire la Constitution, héritée de la dictature de Pinochet.

Un film à ne pas manquer. Sur les écrans français à partir du 26 octobre 2022.

Synopsis : Octobre 2019, une révolution inattendue, une explosion sociale. Un million et demi de personnes ont manifesté dans les rues de Santiago pour plus de démocratie, une vie plus digne, une meilleure éducation, un meilleur système de santé et une nouvelle Constitution. Le Chili avait retrouvé sa mémoire. L’événement que j’attendais depuis mes luttes étudiantes de 1973 se concrétisait enfin.


Quand le Chili s’éveilla (Isabelle Le Gonidec / RFI)

Après tout un cycle consacré à l’histoire du Chili et sa mémoire blessée par la violence de la colonisation, de l’occupation indue des terres indiennes et de la dictature militaire, le documentariste chilien est revenu au pays pour suivre la révolte sociale de 2019 et ses effets politiques avec l’élection à la présidence de Gabriel Boric. Un film d’espoir, avec les femmes en première ligne.

Le film sort ce mercredi 26 octobre alors que les Chiliens ont dit « non » début septembre au projet de nouvelle Constitution évoqué dans le documentaire. Le temps du cinéma n’est pas celui de l’actualité. Il n’empêche, une page s’est tournée et c’est ce que raconte le film qui s’inscrit dans une boucle temporelle, de l’élection de Salvador Allende en septembre 1970, rappelée par des images d’archives, à celle de Gabriel Boric en décembre 2021. Patricio Guzman n’interroge plus la mémoire mais raconte le temps présent, celui de la révolte de 2019 jusqu’à ces derniers mois. Des images impressionnantes qui ont fait le tour de l’actualité par leur violence et par la mobilisation populaire, alors que le Chili avait disparu des radars médiatiques. Plus de vingt morts, des centaines de blessés notamment par armes à feu, des blessures oculaires par dizaines, dénoncées par ces manifestants qui se cachent un œil dans les rassemblements.

Pour raconter et expliquer cette histoire, l’explosion sociale qui a suivi la hausse brutale du ticket de métro, Patricio Guzman, que l’on peut considérer comme la conscience cinématographique du Chili, en appelle aux femmes. Ce sont elles, souvent les oubliées de la « grande » histoire, qui ont été en première ligne parce que ce sont elles qui ont le plus souffert de la libéralisation forcée de l’économie chilienne, rappelle une journaliste. Quelque 70% des familles pauvres sont composés de familles monoparentales avec des femmes seules et 73% des naissances se font hors mariage.

Les femmes de la première ligne 

Elles prennent la parole, face caméra, un dispositif souvent utilisé par Patricio Guzman. Elles sont photographe, sociologue, déléguée de quartier, militante de base, étudiante, joueuse d’échec, secouriste… Des témoignages forts comme celui de cette dernière qui a œuvré pendant les manifestations de 2019 –impressionnantes images aériennes des artères de Santiago et la place Baquedano – et raconte sa peur et la solidarité, ou encore celui de cette jeune maman d’un petit garçon, en « primera linea » pendant les manifestations et qui s’habille face caméra pour montrer comment elle se protège des coups de matraque et des gaz lacrymogènes. Sur son casque et son masque à gaz, une cagoule noire brodée d’une grosse fleur rouge, symbole de paix et d’amour, explique-t-elle, parce que c’est l’amour qui lui fait risquer sa vie : pour son petit garçon, pour les générations futures. L’amour et la colère : « Tengo la rabia de mi viejita pero no su miedo », peut-on lire sur une pancarte brandie par une jeune manifestante, les femmes sont en colère mais elles n’ont plus peur. Colère à l’égard de la répression, des injustices sociales et des violences faites aux femmes. Face caméra encore, les filles du collectif Las tesis, de Valparaiso, dont les performances de rue (el violador eres tù) ont fait le tour de la planète et ont été reprises par les femmes du monde entier.

« Marichiweu »

Raconter avec des actrices de premier plan comme Elisa Loncón, la première présidente de l’Assemblée constituante et première Mapuche à arriver à ce niveau de responsabilité politique, qu’accompagne le cliquettement de ses parures en argent, ou une des jeunes déléguées de la Constituante, mais aussi expliquer pourquoi le Chili a explosé. Rappeler le passé, le rôle de l’armée (pourquoi le président Piñera a appelé l’armée pour maintenir l’ordre), expliquer pourquoi une nouvelle Constitution était nécessaire, pourquoi les femmes sont aussi présentes, comment et par qui Gabriel Boric a été élu… Les analyses des invitées et le commentaire très écrit en voix off de Patricio Guzman apportent ces éclairages. Il est des flammes qui brûlent et d’autres qui nourrissent, sourit l’une des intervenantes à propos des manifestations. (…)

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Révolution (féministe) au Chili
(Berenice Thevenet – Le Mag du Ciné)

Présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2022, le nouveau documentaire du maître chilien Patricio Guzmán – Mi pais imaginario – revient sur les récentes révolutions, en faveur de la démocratie, qui ont secoué le Chili en octobre 2019. Brillant et nécessaire.

Filmer la révolution 2.0

Mi pais imaginario aborde un sujet passé à la trappe de nos actualités. Saviez-vous que le Chili a connu, en octobre 2019, une révolution qui a conduit à la modification de sa constitution ? Voire carrément à la suppression de celle-ci, supplantée par une Assemblée Populaire constituée uniquement par des civiles ? Si vous êtes stupéfait.e de l’apprendre, allez vite regarder le documentaire. Si vous étiez déjà au courant, allez le voir quand même (vous y apprendrez sûrement des choses nouvelles).

Tout débute, il y a presque trois ans, lorsque que le gouvernement chilien décide d’augmenter le prix des transports en commun. Cette mesure suscite d’emblée l’indignation du peuple chilien, à commencer par les jeunes. Ce sont eux qui, les premiers, commencent à se révolter. Dans les stations de métro, en montrant ostensiblement, à une police armée menaçante, qu’ils ne payent pas leurs tickets. Dans la rue, en formant des barricades, toujours face à une police armée, qui n’hésite pas à prendre le visage de la mort.

Si nous laissons au réalisateur le soin de revenir dans le détail sur les différentes étapes et autres évènements marquants de cet incroyable soulèvement populaire, nous pouvons, en revanche, évoquer en quelques lignes le soin accordé à la mise en scène. Patricio Guzmán fait le choix de n’interroger que des femmes. Qu’elles soient journalistes, photographes, combattantes, autrices féministes, celles-ci ont toutes participé, de près comme de loin, à l’avènement de la révolution la plus importante qu’ait connu le Chili depuis les révoltes étudiantes de 1973. Car, le réalisateur, en bon observateur de la société, est conscient que cette révolution est aussi – et peut-être – avant tout la leur.

Rêver d’un nouveau pays imaginaire (et féministe) 

La révolution qui a secoué le Chili de sa torpeur conservatrice a eu des conséquences multiples. Les affrontements qui ont violemment opposé les jeunes et la police accusent le coup, en révélant à quel point le Chili n’en a pas encore fini avec la dictature armée. La violence inacceptable (et follement absurde) d’une police, par ailleurs, contrôlée par l’armée, a permis de pointer du doigt les dysfonctionnements d’un gouvernement antidémocratique. La simple révolte s’est ainsi mue en indignation générale face aux abus et démonstrations de force d’une armée dirigée par des hommes de pouvoir, qui piétinent allègrement – et en toute impunité – les droits de l’homme. (…)

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Bande annonce de Mi país imaginario


Interview : Patricio Guzman
vous raconte son pays imaginaire
(La Montée Ibérique)