Au Nicaragua, 1 600 personnes ont été détenues arbitrairement depuis 2018 (Angeline Montoya / Le Monde)

Un rapport pointe des conditions de détention exécrables et des « traitements cruels, inhumains ou dégradants, dont certains pourraient s’assimiler à de la torture ».

Plus de 1 600 prisonniers politiques. C’est le nombre d’opposants victimes de placement en détention arbitraire au Nicaragua entre avril 2018 et mai 2020, pour avoir participé aux manifestations contre le gouvernement de Daniel Ortega ou les avoir encouragées, selon un rapport rendu public mercredi 2 décembre par la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH).

Campagne “Noël sans prisonniers politiques

Ces opposants ont été placés en détention dans des cellules bondées et insalubres, sans le nombre de lits suffisant, et ont parfois été mis à l’isolement « sans critères objectifs », précise le rapport de la CIDH, un organisme émanant de l’Organisation des États américains (OEA).

Le texte, intitulé « Personnes privées de liberté au Nicaragua dans le contexte de crise des droits humains », cite l’exemple d’un opposant détenu dans un commissariat du département de Leon (ouest) dans une cellule de 6 m2 avec 18 autres personnes : « La cellule ne comptait que quatre couchettes sans matelas, faites de lattes de bois, raison pour laquelle ils dormaient les uns sur les autres par terre, ou assis, envahis par les moustiques et les cafards. »

Les arrestations, précise le rapport, ont eu lieu « de manière massive, sélective et réitérée, à travers l’utilisation abusive et disproportionnée de la force ». Les détenus ont subi « des traitements cruels, inhumains ou dégradants, dont certains pourraient s’assimiler à de la torture » : ongles arrachés, électrochocs, coups, humiliations… La CIDH documente également des « actes de violence sexuelle et de viols » à l’encontre de femmes.

Au moins 328 morts causés par la répression

Les manifestations avaient débuté en avril 2018 et visaient à s’opposer à une réforme de la sécurité sociale. Mais face à la violente répression exercée par les forces de l’ordre contre les protestataires, elles s’étaient transformées en une rébellion réclamant la fin du régime « népotiste » et « corrompu » de Daniel Ortega, au pouvoir depuis 2007 après avoir gouverné le pays de 1979 à 1990. Depuis avril 2018, la répression a fait au moins 328 morts et 2 000 blessés, et plus de 100 000 opposants se sont exilés, la plupart vers le Costa Rica voisin.

Les arrestations avaient d’emblée été massives et violentes, avec l’intention de « réprimer toute position d’opposition au régime actuel et de transmettre un message de peur et de contrôle de la population nicaraguayenne », affirme le document.

Le chiffre de 1 614 opposants détenus arbitrairement « ne représenterait qu’une fraction » de la réalité, explique le rapport, « à cause de l’absence d’information officielle » ou du fait que des arrestations ont parfois été faites avec la participation de « groupes civils armés » et que les personnes ont pu être transférées « vers des centres de détention illégaux ou clandestins ».

Sous la pression internationale, M. Ortega a libéré plus de 600 prisonniers politiques. Selon la CIDH, il restait 80 personnes en prison en mai. Les familles, qui ont lancé mardi, pour la troisième année consécutive, la campagne « Noël sans prisonniers politiques », en comptabilisent 118.

En décembre 2018, le gouvernement avait expulsé une commission de la CIDH qui s’était rendue au Nicaragua pour surveiller la mise en œuvre des recommandations faites par l’organisme afin de surmonter la crise politique que vivait le pays.

Le gouvernement n’avait pas encore réagi jeudi au rapport de la CIDH. Les autorités avaient qualifié de « partiel » et « subjectif » un autre rapport publié en juin 2018. « La répression des forces sociales n’est pas une politique d’État, et encore moins l’utilisation arbitraire de la force », avait assuré le ministre des affaires étrangères, Denis Moncada Colindres, lors d’une intervention devant le Conseil permanent de l’OEA. (…)

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