🇵🇪 Pérou. Quand l’actualité répressive renvoie à la «guerre intérieure» du passé (Carlos Noriega / Página 12 – Traduction par À l’Encontre)
La droite a tenté d’empêcher la présentation du rapport annuel d’Amnesty International. Elle n’y est pas parvenue. Un rapport annuel à l’échelle mondiale qui, dans le cas du Pérou, dénonce de graves violations des droits humains : la mort de manifestants abattus par les forces de sécurité et détentions arbitraires. Cela effectué au cours de la répression des manifestations sociales contre le gouvernement de Dina Boluarte [en fonction depuis le 7 décembre 2022, après avoir été vice-présidente sous la présidence de Pedro Castillo de juillet 2021 à décembre 2022].
La municipalité du district [résidentiel] de Miraflores à Lima, administrée par l’extrême-droite qui gouverne avec Boluarte, a ordonné la fermeture du Lieu de Mémoire, Tolérance et Inclusion Sociale (LUM-Lugar de la Memoria, la Tolerancia y la Inclusión Social), un espace de mémoire et de réflexion sur le conflit armé interne des années 1980 et 1990 et les violations des droits de l’homme. Le rapport d’Amnesty International devait y être présenté mardi 28 mars. La fermeture du LUM a eu lieu quelques heures avant la présentation du rapport. Grâce à une action de dernière minute d’Amnesty, il a pu néanmoins être présenté mardi soir dans un hôtel de Lima.
Le rapport
Le rapport d’Amnesty, dont on a essayé d’empêcher la présentation, dénonce «l’usage illégitime de la force», y compris les tirs à balles réelles, contre les manifestations réclamant la démission de Dina Boluarte et des élections anticipées. Depuis que les manifestations ont éclaté après l’éviction et l’emprisonnement de Pedro Castillo le 7 décembre 2022 et son remplacement par Boluarte, 49 manifestants ont été abattus par la police et l’armée. Le nombre total de personnes tuées lors des manifestations s’élève à 67 et plus d’un millier de personnes ont été blessées, souvent par des armes à feu. De hauts responsables du gouvernement ont soutenu les forces de sécurité accusées d’avoir tiré sur les manifestants. Amnesty a qualifié la répression gouvernementale de «crimes contre les principes du droit international» et l’a dénoncée comme ayant «un biais raciste». La plupart des victimes sont issues des populations andines quechua et aymara.
«La situation des droits humains au Pérou est très préoccupante. Le caractère raciste de la répression a été déterminant. L’impunité constitue l’une de nos principales préoccupations. Les manifestations ont entraîné de nombreuses morts et personne n’a été arrêté pour cela. Nous demandons que des enquêtes soient menées tout au long de la chaîne de commandement. Si la justice n’est pas rendue au Pérou, nous devrons nous adresser aux instances internationales», a déclaré Marina Navarro, directrice exécutive d’Amnesty International Pérou.
La gauche a demandé au Congrès la destitution de Dina Boluarte pour la répression des manifestations. Un débat aura lieu jeudi 30 mars sur la question de savoir s’il faut autoriser la mise en accusation de la présidente, ce qui nécessite 52 voix sur les 130 membres du Congrès, un objectif difficile à atteindre dans un Congrès dominé par la droite. Si ces votes sont obtenus, Dina Boluarte devra se présenter devant le Congrès afin de se justifier pour les personnes tuées lors de la répression. Mais le soutien dont elle bénéficie de la part de la droite et de l’extrême-droite la met à l’abri d’une destitution, qui nécessiterait le vote de 87 député·e·s. [Selon la presse, une enquête pour financement interdit de la campagne électorale concerne aussi la présidente. Mais pour l’heure aucune procédure n’a abouti et le vote sur la destitution est dans l’impasse – réd.]
La tentative de censure
La fermeture précipitée du LUM avait pour but d’empêcher la présentation du rapport d’Amnesty, mais cette décision va plus loin. La droite veut mettre fin à cet important lieu de mémoire ouvert en 2015, qui permet de se remémorer la violence de l’Etat et des groupes armés Sentier lumineux (Sendero Luminoso, fondé dans les années 1970, actions militaires dès 1980) et MRTA (Movimiento Revolucionario Tupac Amaru, actif dès 1984) entre 1980 et 2000. Une violence qui a fait environ 70 000 morts, parmi lesquels 75% de villageois andins parlant le quechua. La droite cherche à réécrire l’histoire en effaçant, en faisant oublier, les massacres de communautés paysannes, les enlèvements, les tortures, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions causés par la violence d’Etat. Dans ce but, elle souhaite la fermeture du LUM, qui présente l’ensemble de l’histoire de manière nuancée. (…)
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Leer en español : Perú: cómo fracasó un intento de censura a un informe sobre violaciones de DD.HH.
Voir aussi :
– Pérou : Amnistie présente des preuves d’exactions contre des manifestants
– Pérou : Violence institutionnelle et mobilisations (Revue de presse)