Pérou : la situation de Pedro Castillo après l’échec du couvre-feu (Carlos Noriega / Página 12 / Traduction Venesol)


Le gouvernement perd le soutien de ses alliés de gauche, et les manifestations appelant à sa démission ont rassemblé un  nombre de manifestants qu’ils n’avaient pas réussi à rassembler auparavant. Ce qui l’affaiblit face aux attaques de la droite.

Leer en español : Perú: Cómo quedó la situación de Pedro Castillo después del fallido toque de queda

Des militaires et des policiers contrôlent un arrêt de transport public dans les rues de Lima. (Source : EFE)

Le président Pedro Castillo a opté pour la répression face aux protestations sociales, ce qui complique encore sa situation. Plus de onze millions de Péruviens se sont réveillés ce mardi avec un couvre-feu et sous la loi déclarant l’état d’urgence, ce qui signifie que la police peut entrer dans les maisons et procéder à des arrestations sans mandat et supprime une série de droits des citoyens. Le couvre-feu, annoncé par M. Castillo quelques minutes avant minuit le lundi, était en vigueur de 2 heures du matin à 23h59 le mardi. Cependant, mardi en fin d’après-midi, face aux critiques de différents secteurs et aux manifestations de rue contre ces mesures, M. Castillo a annoncé au Congrès la levée du couvre-feu. Il n’a pas fait référence à l’état d’urgence.

État d’urgence

En décrétant l’état d’urgence et en imposant un couvre-feu, le gouvernement n’a pas su répondre aux manifestations sociales contre la hausse des prix, principalement du carburant et des denrées alimentaires, qui ont donné lieu à des violences, des barrages routiers et des pillages. Cela a eu pour effet de jeter de l’huile sur le feu des protestations sociales.

Des actes de violence et de pillages ont eu lieu lundi dans différentes régions de l’intérieur du pays, mais l’état d’urgence et le couvre-feu ont été décrétés pour Lima et Callao, une province portuaire territorialement liée à la capitale péruvienne, où aucun acte de violence n’a eu lieu. Le gouvernement a justifié cette décision en affirmant qu’il disposait de rapports de renseignement indiquant que des actes de violence et de pillage étaient en préparation dans la capitale pour mardi. Aucun détail n’a été donné sur ces supposés rapports.

Manifestations anti-gouvernementales

Malgré le couvre-feu, des milliers de personnes sont descendues dans les rues mardi. Dans les quartiers aisés et de la classe moyenne, des manifestations anti-gouvernementales ont eu lieu pour demander la démission de Castillo. Les manifestants sont allés jusqu’aux abords du Congrès, où ils ont été arrêtés par un cordon de police. À ce moment, Castillo s’y réunissait avec un groupe de législateurs. Les forces de choc du fujimorisme et d’autres groupes ont commis des actes de violence et des affrontements ont eu lieu entre les manifestants et la police.

Jusqu’à présent, les manifestations pour exiger la démission de M. Castillo, convoquées par le mouvement de droite pro-coup d’État, avaient été un échec en raison d’une faible participation, mais la déclaration de l’état d’urgence et le couvre-feu sont devenus un catalyseur qui a poussé de nombreuses personnes à se joindre aux manifestations. Dans les zones à faible revenu de Lima, durement touchées par les hausses de prix qui ont déclenché les protestations à l’origine de cette crise, il n’y a pas eu de mobilisations, mais l’indignation a grandi face à l’immobilisme qui affecte davantage leurs économies précaires.

Mardi après-midi [5 avril], M. Castillo s’est rendu au Congrès avec certains de ses ministres pour rencontrer la direction du Parlement et les porte-parole des différents partis. Il a justifié les mesures prises par son gouvernement en disant qu’elles étaient destinées à « protéger la population ». Mais quelques minutes plus tard, il a fait marche arrière et annoncé que le couvre-feu était levé « à partir de ce moment ». La violence qui s’était emparée des rues du centre-ville de Lima ne s’est pas calmée après cette annonce. Le fujimorisme et le groupe ultra-conservateur Avanza País n’ont pas participé à la réunion des congressistes avec le président. Leur seul agenda étant le coup d’état parlementaire.

« Réprimer, criminaliser et restreindre les droits »

L’ancienne candidate de gauche à la présidence, Verónika Mendoza, une alliée importante de M. Castillo, a sévèrement critiqué la ligne de conduite adoptée par le gouvernement. « Non seulement le gouvernement a trahi les promesses de changement pour lesquelles le peuple l’a élu, mais il répète maintenant la méthode de « résolution des conflits » de la droite : ignorer ceux qui se mobilisent pour exprimer leur mécontentement légitime face à la situation économique et politique, réprimer, criminaliser et restreindre les droits. Je rejette totalement cette mesure arbitraire et disproportionnée », a-t-elle déclaré, remettant en cause l’état d’urgence et le couvre-feu. Les législateurs de gauche, en dehors de Pérou Libre, le parti au pouvoir, qui ont soutenu le gouvernement, se sont joints à cette critique. (…)

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Voir aussi
Pérou: le défenseur des droits demande la démission du président Castillo (RFI)
et notre revue de presse précédente : Pérou : couvre-feu à Lima après des manifestations (revue de presse)