Recrudescence des assassinats en Colombie (analyses)

Entre le 26 juin et le 4 juillet 2018,  plus de 20 leaders sociaux, défenseurs des droits humains et paysans ont été assassinés en Colombie. Depuis la signature des accords de paix, le nombre de ces assassinats systématiques dépasse les 200.  Le 6 juillet 2018, dans tout le pays et à l’étranger, des rassemblements pour la vie et pour la paix ont été organisés, réunissant des milliers de citoyen.ne.s (plus de 20 000 à Bogotá).  Voir des photos de ces rassemblements

L’assassinat des leaders sociaux en Colombie a-t-il un caractère systématique ? (Traduction par Catherine Marchais)

¿Hay sistematicidad en asesinatos a líderes sociales en Colombia? (Radio Contagio/ en español abajo)

La recrudescence des assassinats de leaders sociaux dans le pays a déclenché toutes les alarmes face au manque d’actions du gouvernement pour garantir leurs vies. Alberto Yepes, membre de la Coordination Colombia-Europa-Estados Unidos, qui regroupe plus de 300 organisations de défense des droits humains, souligne combien il est important que soit accepté le caractère systématique des homicides car cela oblige à changer le mode d’instruction juridique des faits. Ce qui pourrait permettre de faire la lumière sur leurs responsables.

Protestation contre les assassinats de leaders sociaux en Colombie.

La première caractéristique qui peut déterminer le caractère systématique dans l’assassinat des leaders sociaux tient au profil même des victimes : Elles dénonçaient la violation des droits humains, elles étaient victimes dans la restitution des terres, elles soutenaient la substitution des cultures d’usage illicite, entre autres. La deuxième caractéristique se trouve dans le modus operandi des assassinats, c’est à dire la façon dont ils ont été commis. Selon Yepes, ils sont généralement perpétrés par des hommes qui font partie de groupes de tueurs à gages et qui ont réalisé un plan préalable de suivi du leader pour déterminer la meilleure manière de réaliser leur contrat. Pour Yepes, si le gouvernement reconnait le caractère systématique des assassinats de leaders, cela permettrait d’abord d’enquêter transversalement sur les cas et non séparément comme on le fait actuellement. Par ailleurs, on pourrait avancer de manière beaucoup plus forte sur les responsables intellectuels.

Le caractère systématique signifie qu’il y a un plan derrière les assassinats, c’est à dire que des structures décident de mettre en place un plan d’extermination des leaders sociaux dans le pays” affirme Yepes. À ce propos, il assure que si on connait ceux qui ont donné l’ordre “d’appuyer sur la gachette”, on pourra établir les relations entre les structures paramilitaires, principales responsables des assassinats de leaders, et les bandes criminelles ou de tueurs à gages. Dans ce sens, il a lancé un appel au Parquet pour que soit analysé le lien qui pourrait exister entre l’augmentation des assassinats des leaders sociaux et l’élection de Ivan Duque comme président, et pour que l’unité de démantèlement du paramilitarisme fasse son devoir au sujet des crimes effectués par ce groupe armé.

L’État doit reconnaître le caractère systématique de l’assassinat des leaders sociaux

Suite aux affirmations du ministre de l’intérieur Guillermo Rivera qui a insisté sur le fait que les assassinats des leaders sociaux n’avaient pas un caractère systématique, Diana Sánchez, membre de l’organisation Somos Defensores, a réaffirmé l’importance de la reconnaissance du caractère systématique des faits violents qui se présentent dans le pays et de la responsabilité des institutions gouvernementales par omission et manque d’investigation. Pour Diana Sánchez, les assassinats sont bien systématiques. Leur première caractéristique tient au profil des victimes : des dirigeant.e.s sociaux, qui travaillent sur le terrain, dans des processus de mobilisation sur le territoire, qui ont dénoncé des violations des droits humains et qui ont une visibilité dans la sphère publique. Le deuxième élément est lié à l’augmentation du nombre d’assassinats de leaders sociaux qui, selon Diana Sánchez, ne cesse de croître. Et le troisième facteur concerne la typification qui a pu être établie sur la manière dont sont assassinées les personnes : elles sont généralement assassinées par des sicaires (tueurs à gages), avec des armes à feu, dans des lieux qu’elles sont habituées à fréquenter comme leurs logements ou leurs lieux de travail. À ce propos, elle rappelle que pour le génocide de l’Union Patriotique, on avait aussi demandé à l’État de reconnaître le caractère systématique des assassinats contre les membres de ce parti politique pour activer des mesures de protection. Et qu’il ne l’avait pas fait. C’est seulement plusieurs années après les faits que la reconnaissance de la modélisation des assassinats qui provoquèrent l’extermination a été obtenue.

Le manque d’actions de la part des institutions

Si Diana Sánchez reconnait qu’il y a une avancée dans les enquêtes du Parquet dans 170 cas, ce n’est que trop peu par rapport au nombre des assassinats de leaders sociaux qui, selon Somos Defensores, s’élève à un total de 580 cas d’homicides sur les deux périodes présidentielles de Santos (…)

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Colombie. La faute à la négligence de l’État, pas à la feuille de coca (Traduction par Catherine Marchais)

No es la coca: es la negligencia del estado colombiano (Itayosara Rojas/ Radio Contagio/ en español abajo)

Il y a deux jours, sept corps sans vie ont été retrouvés dans le département du Cauca. Les corps présentaient des traces de tortures et la presse a présenté plusieurs versions du fait. Certains secteurs ont affirmé que les corps appartenaient à des membres de groupes paramilitaires, pour en minorer l’importance et cacher la vague de violence contre les leaders sociaux qui a lieu en ce moment dans le pays. En moins de 8 jours, 19 personnes ont été assassinées. Elles l’ont toutes été dans des zones isolées, ce sont tous des paysans et des indigènes sans terres, qui habitent des zones où l’Etat arrive avec des troupes militaires, mais jamais avec des hôpitaux, des écoles ou des routes. Le massacre à Argelia (Cauca) nous ramène aux années les plus rudes du paramilitarisme, il nous rappelle les massacres de El Salado, la Rochela, el Aro, les matchs de foot entre paramilitaires où c’est la tête d’un paysan qui devenait le ballon.
Pour la presse et certains secteurs, ce massacre est un fait mineur dans le cadre du trafic de drogue, on insinue même qu’il ne faut pas pleurer la mort de ces personnes parce qu’elles cultivaient la coca. Certains partisans du Centre Démocratique ont exprimé dans les réseaux sociaux que c’était la conséquence de l’accord de paix et du développement des cultures de feuille de coca. Opinions totalement éloignées de la réalité car elles méconnaissent les circonstances de ce lamentable événement (…)