🇫🇷 🇨🇴 Trois banques françaises mises en demeure pour leurs activités climaticides en Colombie (Géo – AFP / France Culture)


Les banques BNP Paribas, Crédit Agricole et BPCE ont été mises en demeure par l’association Tierra Digna pour leur investissement financier dans l’entreprise suisse Glencore et sa filiale Prodeco, que l’ONG accuse “de graves dommages à l’environnement, notamment en termes de santé publique” en Colombie, selon les courriers consultés par l’AFP.

Glencore et sa filiale Prodeco procéderaient à des activités illégales ou irrégulières dans les mines de La Jagua et de Calenturitas, en Colombie. RAUL ARBOLEDA

L’association colombienne accuse Glencore d’activités illégales ou irrégulières dans les mines de La Jagua et de Calenturitas avec de “la poussière de charbon qui, pendant des années, n’a pas respecté les normes fixées par l’OMS” et une contamination “des sources d’eau, tant superficielles que souterraines, par des matériaux tels que le plomb et d’autres substances toxiques”, selon les mises en demeure envoyées mardi 23 mai aux établissements.

“Pour exercer son activité, la société Glencore bénéficie de nombreux financements et d’investissements de la part d’institutions financières internationales”, poursuit Tierra Digna, ajoutant que des rapports d’ONG “ont mis en évidence l’implication (des trois banques françaises) dans ces flux financiers climaticides”.

Obligation de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement

Depuis 2017, la loi française sur “le devoir de vigilance” impose aux grandes entreprises de prendre des mesures effectives pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement sur l’ensemble de leur chaîne d’activité.

Depuis la première action lancée en 2019, contre TotalÉnergies, leur nombre s’est multiplié et une vingtaine de procédures sont aujourd’hui en cours. (…)

(…) Lire la suite ici


Les banques Crédit Agricole, BNP et BPCE sommées d’arrêter de financer l’industrie du charbon (reportage de France Culture)

Trois banques françaises accordent des prêts et sont actionnaires de Glencore, le géant minier suisse décrié pour son impact environnemental. Une ONG colombienne vient de lancer une procédure contre les trois groupes pour qu’ils cessent ces financements.

Vue aérienne de la mine de charbon à ciel ouvert de Calenturitas, en Colombie, fermée par Glencore en 2021 pour manque de rentabilité. – Google Earth

“L’investisseur durable d’un monde qui change.” Voilà comment se définit sur son site internet BNP Paribas Asset Management, la filiale de la BNP chargée de la gestion d’actifs. Amundi, son équivalent dans le groupe Crédit Agricole, affirme, dans son rapport de responsabilité sociale d’entreprise, être “un pionnier dans le domaine de l’investissement responsable”. Le groupe BPCE n’est pas en reste. Selon son rapport climat 2022, il aurait adopté “une trajectoire net zéro” en matière de financement et d’investissement et “contribue ainsi à la neutralité carbone d’ici 2050”.

Il est difficile pour un groupe bancaire français en 2023 de ne pas prendre d’engagements environnementaux forts. Mais il est difficile aussi, apparemment, de les tenir. Selon les informations de la cellule investigation de Radio France, les groupes Crédit Agricole, BPCE et BNP Paribas viennent de recevoir une mise en demeure leur enjoignant de cesser de prêter de l’argent et d’investir au sein du géant minier suisse Glencore. Cette procédure a été rendue possible par la loi de 2017 sur le devoir de vigilance, qui impose aux entreprises françaises de plus de 5 000 salariés de prévenir les risques que font peser leurs activités sur les droits humains, la santé et l’environnement. Dans le cas contraire, elles peuvent être poursuivies en justice et contraintes de réparer les dommages causés.

Des cancers du poumon et du plomb dans l’eau

Glencore emploie 155 000 personnes dans le monde. Ses activités principales sont l’extraction minière (charbon, zinc, cuivre, aluminium…) et le négoce de matières premières. C’est peu dire qu’il s’agit d’un mastodonte controversé. Il est sous le coup de plusieurs procédures judiciaires. Il a notamment été condamné en novembre 2022 par la justice britannique à payer 280 millions de livres (soit 320 millions d’euros), pour des faits de corruption en Afrique. Un jugement sans précédent.

Ce n’est pourtant pas en Afrique, mais en Colombie qu’a été initiée la procédure de mise en demeure qui concerne les trois banques françaises. À l’origine de cette démarche, une ONG basée à Bogota, Tierra Digna. “Nous avons découvert que les groupes Crédit Agricole, BPCE et BNP Paribas finançaient l’activité de Glencore, et en étaient actionnaires, explique maître Emmanuel Daoud, l’avocat français de Tierra Digna. Or Glencore, via sa filiale Prodeco, exploite deux mines de charbon à ciel ouvert en Colombie qui viennent d’être fermées et qui ont pollué de façon dramatique l’environnement.”

L’ONG Tierra Digna documente depuis des années les effets délétères de l’exploitation minière sur les terres et la population, en particulier près des mines de Calenturitas et de la Jagua (nord-est de la Colombie). “Il y a une pollution atmosphérique et aquatique très importante”, affirme Andrea Rocío Torres Bobadilla, l’une des avocates fondatrices de Tierra Digna. “L’État colombien a établi qu’il y avait plus de cinq rivières contaminées par l’exploitation minière. Il y a du plomb dans nos cours d’eau. L’eau n’est plus potable”, poursuit-elle. Plus grave encore, “des taux anormalement élevés de maladies respiratoires, sans doute liées aux poussières de charbon, ont été relevés, ainsi que de nombreux cancers du poumon et de l’estomac et des maladies dégénératives”. La fermeture anticipée et sans préavis de ces deux mines en 2021 a entraîné le licenciement de “6 200 travailleurs directs et indirects qui n’ont reçu aucune proposition de reclassement”, ajoute l’avocate. Andrea Rocio Torres Bobadilla parle de “véritable tragédie humaine”.

Légalement parlant, les mines de Calenturitas et de la Jagua ne sont plus la propriété de Glencore. Le groupe en a cédé les droits en 2021 car les sites n’étaient plus assez rentables en période post-Covid. “Glencore-Prodeco a exploité intensément ces mines pendant 25 ans et décide du jour au lendemain de les céder sans respecter le plan légal de dépollution des sites”, dénonce Tierra Digna dans un plaidoyer rédigé à destination de l’Europe. “Glencore est coutumier du fait”, renchérit l’avocat français de l’ONG, Emmanuel Daoud. “Rappelez-vous en 2003.” Cette année-là, la multinationale suisse, actionnaire majoritaire de Metaleurop, avait fermé son usine de production de métaux lourds à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais) du jour au lendemain, en licenciant 830 salariés et en laissant à la charge de la collectivité les coûts de décontamination du site estimés à 150 millions d’euros. À l’époque, le président Jacques Chirac avait dénoncé des méthodes de “patron voyou”. Aujourd’hui, d’après France 3 Hauts-de-France, 650 hectares de terres seraient pollués par le plomb autour de l’ancienne fonderie, ce qui en fait la zone la plus polluée de France.

Des banques françaises qui ferment les yeux ?

Vingt ans après, le scénario semble donc se répéter. Pour maître Emmanuel Daoud, “il est de la responsabilité des banques françaises d’y mettre fin en faisant pression sur Glencore. Elles en ont les moyens”, estime l’avocat. L’engagement financier des groupes Crédit Agricole, BPCE et BNP Paribas au sein de Glencore est en effet loin d’être anecdotique. Selon l’ONG Reclaim Finance qui étudie les activités des banques et investisseurs dans le secteur des énergies fossiles, “le groupe BPCE est le premier investisseur européen de Glencore et le 9e au niveau mondial à hauteur d’un milliard de dollars”. Dans le détail, le groupe BPCE détient 821 millions de dollars en actions et 182 millions en obligations, via ses filiales Loomis Sayles et Harris Associates. (…)

(…) Lire la suite et écouter le podcast de l’émission ici


Pour rappel, voir Les banques françaises financent massivement la déforestation de l’Amazonie (enquête Disclose / Reporter Brésil) (novembre 2022)