🇪🇨 Voix des femmes autochtones. Entretien avec Zenaida Yasacama (Contretemps)


Zenaida Yasacama Gayas est une femme autochtone, mère et militante, originaire du peuple Kichwa de Pakayaku, Amazonie équatorienne, actuelle vice-présidente de la Confédération des nationalités autochtones de l’Équateur (CONAIE). Zenaida est titulaire d’une licence en sciences économiques par l’Université de Cuenca et d’un Master en économie par l’Université de La Havane. Elle participe depuis plus d’une décennie au mouvement autochtone régional et national.

L’objectif de cet entretien est d’aborder la trajectoire de Zenaida, à travers le récit de son histoire, ses souvenirs de la lutte de son peuple et ses impressions sur les défis actuels auxquels les femmes autochtones de l’Amazonie sont confrontées. Cet entretien a été réalisé en juin 2022, dans le cadre d’un travail de recherche mené par l’anthropologue Sofia Cevallos sur l’organisation des femmes amazoniennes dans le cadre de leurs luttes contre l’extractivisme. 

Photo: Yvette Sierra Praeli

Zenaida,  pourriez-vous m’expliquer un peu plus ce que cela signifie d’être une femme autochtone en Équateur aujourd’hui ? 

Être une femme autochtone implique d’abord de traverser par de nombreuses situations de discrimination, bien que nous, en tant que peuples autochtones et femmes autochtones, sachions clairement que nous sommes dans un pays de diversité culturelle, de diversité ethnique, de diversité de peuples, de nationalités et de modes de vie. Mais, en tant que femmes autochtones, nous continuons de subir de nombreuses violations de nos propres droits. Nous devons aussi dire que nous avons vécu le machisme de nos propres compagnons et que cela aussi nous a permis d’apprendre et d’affronter, nous a permis de dire aux hommes que les femmes aussi peuvent faire. Notre objectif en tant que leaders autochtones est collectif. Une femme autochtone pense toujours au collectif et non à l’individuel. (…)

Quelle a été la devise principale des femmes autochtones amazoniennes dans leur lutte ? 

La devise des femmes dans leur lutte a toujours été « les femmes luttent pour la vie ». 

Et en quoi consiste cette lutte pour la vie ? 

Cette lutte pour la vie implique d’en finir avec les menaces, avec la persécution, avec la discrimination. Cette lutte pour la vie implique le thème de la défense territoriale, le thème des droits collectifs, implique le combat pour l’environnement. Nous pensons que si la nature est détruite, les cultures, l’éducation, les savoirs ancestraux sont pratiquement détruits. Si on détruit la nature, on perd tout, la faune, les rivières. Si nous disons que les femmes se battent pour la vie, nous disons aussi que les femmes participent à l’organisation et à la politique, nous parlons aussi d’un développement et une participation équitable. Les hommes et les femmes doivent se battre avec le même objectif. Nos réalisations doivent toujours être en faveur des générations futures et il doit y avoir une revendication pour que les États nous respectent et ne piétinent pas notre mode de vie. 

Que signifie le combat pour la défense des territoires et comment ce combat s’inscrit-il dans une revendication plus large des femmes pour la défense de la vie ? 

Lorsque nous parlons de territoire, il existe de nombreuses expressions : “la mère nature”, la “forêt vivante”, que les rivières sont vivantes, que les montagnes sont vivantes, que dans la forêt il y a toute la sagesse concentrée, dans les rivières, dans les lagons, dans les montagnes. Les femmes ont une relation très étroite avec ceci, car grâce aux territoires, elles existent. Pour tout nous avons besoin du territoire, pour nous nourrir, nous avons besoin du territoire pour faire notre artisanat, même pour nous soigner. Pour nous le territoire est un tout : ce qui apporte l’harmonie. La conception des femmes est que, si nous ne prenons pas soin du territoire, nous n’aurons pas pris soin de nos vies, car en lui et à partir de lui la chakra est faite, les fruits sont produits, récoltés. Cela a toujours été pensé en corrélation. (…)

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