🇧🇷 Lula 2023-2027, quelle politique étrangère ? (Jean-Jacques Kourliandsky / Espaces Latinos)


Lula a emporté sur le fil les présidentielles brésiliennes le 30 octobre dernier. Le Brésil devrait bientôt entrer en alternance politique. Le changement attendu est multiforme. Il est démocratique, et sans doute social. Mais sera-t-il aussi diplomatique ?

Photo : La Nación

La politique extérieure n’est jamais au cœur des campagnes électorales. Qu’il s’agisse du Brésil, de la France ou de tout autre pays du monde. Malgré tout, elle figure toujours en bas de page, en queue de débats, voire au hasard d’initiatives et de publications consacrées à d’autres sujets. La question concernant le Brésil mérite cela dit une attention particulière. Lula, de 2003 à 2010, pendant donc ses deux mandats présidentiels, avait attiré l’attention des médias et des chancelleries en raison de son activisme international. Son ex-ministre des affaires étrangères, Celso Amorim, lui avait trouvé une appellation d’origine révélatrice : celle de « política externa ativa e altiva ». Dénomination que l’on pourrait traduire de la façon suivante, « une politique active et ambitieuse [1]».

La formule a été revendiquée pendant cette campagne tout à la fois par Celso Amorim et par Lula. Dans sa « Lettre pour le Brésil de demain [2]», publiée le 27 octobre, trois jours avant le deuxième tour, le candidat du PT, réaffirme en effet en paragraphe 12, la nécessité pour le Brésil, « de retrouver une politique extérieure souveraine active et ambitieuse ».

Il est difficile d’interpréter à partir de là, le cap que pourra prendre la politique extérieure brésilienne. Le point 12 de la lettre adressée par Lula aux électeurs du deuxième tour reste en effet très général.

Le Brésil, est-il annoncé, dialoguera « démocratiquement » et en « respectant l’autodétermination des peuples » avec, dans l’ordre, « les BRICS [3], les pays africains, l’Union européenne, et les États-Unis ». Il agira pour « l’intégration régionale », plus particulièrement celle du Mercosur. Suivent ensuite des engagements non précisés sur « le commerce extérieur, la coopération technologique, des relations plus justes et démocratiques entre pays, le développement durable dans le cadre de la Convention du climat ».

Son conseiller diplomatique et ex-ministre des Affaires étrangères Celso Amorim a donné quelques explications de texte, permettant de nourrir le point 12 de la Lettre au Brésil de demain« Quelles seront les grandes lignes de la politique extérieure de Lula » lui a demandé un journaliste espagnol [4] au lendemain de la courte victoire du candidat pétiste ». Réponse du diplomate, « Elle ne sera pas très différente de celle qu’elles ont été dans le passé, défense du multilatéralisme, bonnes relations avec les États-Unis, mais aussi avec l’Union européenne, la Chine, avec les BRICS (principales économies émergentes), tout comme avec l’Afrique, si importante pour le Brésil, (..) et le plus important l’intégration sud-américaine, de bonnes relations avec les voisins. La lutte contre le changement climatique sera un aspect clef (…), la pandémie, les droits humains et la justice sociale internationale ».

En réponse à d’autres questions et à d’autres sollicitations, l’ex-ministre a apporté quelques compléments, en particulier sur les BRICS et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces additifs arrondissent quelque peu les propos tenus par Lula le 5 mai 2022. « Ce gars-là », avait-il dit en parlant de Zelensky, « est aussi responsable que Poutine (…) Comme  Saddam Hussein était aussi coupable que Bush ». Les BRICS selon Celso Amorim, peuvent jouer un rôle positif dans le règlement du conflit entre la Russie et l’Ukraine, des BRICS renforcés par l’adhésion de l’Argentine [5]. L’invasion, a-t-il expliqué, doit être condamnée parce qu’elle rompt les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies. Cela dit, la Russie « a de sérieux motifs permettant de comprendre son désagrément ». C’est pourquoi les BRICS peuvent jouer un rôle positif, parce que la Russie est l’une des parties au conflit et la Chine, qui a une forte influence, pourrait avec les Européens et le Brésil agir en recherche de paix.

L’intégration, a-t-il confirmé, est celle de l’Amérique du Sud. Elle peut être accélérée par le renforcement du Mercosur et son élargissement à la Bolivie. D’autant plus que beaucoup de gouvernements sont à gauche. Il va être plus facile aujourd’hui par exemple de dialoguer avec la Colombie de Gustavo Petro, qu’avec hier celle d’Álvaro Uribe. D’autre part, conséquence de la guerre en Ukraine, les États-Unis et l’Europe ont besoin du pétrole vénézuélien. Ce qui va « ouvrir la voie à une négociation, quelle qu’elle soit » conduisant ces pays à « ne plus insister dans les stratégies de reconnaissance d’un quelconque nouveau Juan Guaidó [6]». (…)

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