🇭🇹 « 200 ans après la dette odieuse imposée à Haïti, non au mépris persistant de la France » (Communiqué collectif)
Un collectif de signataires juge insuffisantes les annonces du président de la République à l’occasion du bicentenaire de l’indépendance d’Haiti. La Plateforme française de solidarité avec Haïti, dont FAL est membre actif, est à l’initiative de ce texte.
Nous, actrices et acteurs de la société civile, membres d’organisations de solidarité internationale et défenseur·es de l’autodétermination des peuples, unissons nos voix pour rappeler une vérité longtemps occultée : Haïti est la victime d’une dette injuste, d’un mal-développement structurel et d’une violence historique dont la France demeure comptable.
Il aurait été temps que justice soit faite, que la France reconnaisse officiellement la dette odieuse qu’elle a imposée à Haïti.
Il aurait été temps qu’elle restitue ce qu’elle a extorqué. Qu’elle répare. Mais il n’en fut rien !
Le président Emmanuel Macron, ce 17 avril 2025, a manqué ce moment historique, sans geste solennel, sans discours à la hauteur des enjeux historiques et humains, il a esquivé le rendez-vous de ce bicentenaire en un silence assourdissant. Un mépris néocolonial de plus.
Une dette injuste, fruit de la vengeance coloniale
Haïti, première République noire indépendante, a conquis sa liberté en 1804 au terme d’une révolution antiesclavagiste exemplaire. Mais cette victoire fut lourdement sanctionnée : en 1825, la France imposa à cette jeune nation une indemnité de 150 millions de francs-or pour « indemniser » les anciens colons – une exigence inique, extorquée sous la menace des canons.
Cette dette, qualifiée à juste titre d’odieuse, fut en réalité une rançon qui a étranglé l’économie haïtienne pendant plus d’un siècle. Pour la payer, Haïti a dû emprunter aux banques françaises et européennes, entrant dans une spirale d’endettement et de dépendance. La dernière tranche fut remboursée en 1947 – mais les conséquences économiques, sociales et politiques de cette dette continuent de peser.
Un héritage colonial toujours vivant
Ce fardeau s’inscrit dans une continuité historique d’exploitation. Pillée pendant la colonisation, puis abandonnée à un ordre mondial inégal, Haïti fait aujourd’hui encore les frais d’un système où les puissances occidentales – dont la France – refusent de reconnaître leur responsabilité, où des Tonton Macoutes aux Gangs, est soumise à des régimes d’extrêmes droites d’une extrême violence…
À la dette coloniale s’ajoute désormais une dette climatique : Haïti, faiblement émettrice de gaz à effet de serre, subit pourtant les ravages des catastrophes climatiques, aggravés par la déforestation et l’insécurité alimentaire.
À cela s’ajoutent des décennies d’ingérences étrangères – notamment américaines – qui ont contribué à déstabiliser les institutions haïtiennes, remis en cause son agriculture, favoriser la corruption et les violences armées, et priver le peuple de sa souveraineté.
Un mal-développement structurel imposé
Haïti, autrefois surnommée « la perle des Antilles », est aujourd’hui prisonnière d’un mal-développement structurel : santé, éducation, infrastructures, sécurité – tout est en crise. Les urgences se superposent : violences extrêmes, féminicides, contrôle de territoires par des groupes armés, catastrophes naturelles, effondrement institutionnel.
Ce drame n’est pas le fruit du hasard. Il est le résultat d’une histoire de spoliation, de domination, de silence.
Nous exigeons : justice, restitution, réparation
Face à cela, nous exprimons notre profonde indignation.
Nous attendions de la France un acte fort, historique, symbolique et concret.
Mais une fois encore, l’État français s’est dérobé à ses responsabilités.
Nous appelons donc à une mobilisation internationale pour exiger :
- La reconnaissance officielle et sans ambiguïté de la dette odieuse imposée à Haïti ;
- La restitution immédiate des sommes extorquées ;
- Le versement de réparations justes et appropriées pour les crimes coloniaux et l’esclavage ;
- Un soutien concret, sans ingérence, aux institutions haïtiennes et à la société civile ;
- L’annulation de toute dette actuelle illégitime et un engagement réel en faveur d’un développement juste et durable.
- Haïti mérite un avenir digne, libre, éclairé. Le peuple haïtien mérite justice.
Nous ne nous tairons pas. Nous resterons mobilisé·es.
Pour Haïti. Pour la mémoire. Pour la vérité. Pour la justice.
Premiers signataires :
- La Plateforme Française de solidarité avec Haïti (PFSH)
- Françoise Vergès, auteure, militante
- Frédéric Thomas, politologue spécialiste d’Haïti, chargé d’études au Centre tri-continental (CETRI) à Louvain-la-Neuve (Belgique) et auteur de l’ouvrage Haïti notre dette
- Verónica Carrillo Ortega, Promotora pour la Suspension du paiement de la dette publique au Mexique, membre du réseau CADTM AYNA, Mexique
- Camille Chalmiers, économiste, professeur, représentant de la Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA), membre du réseau CADTM-AYNA et CADTM Internacional
- Thérèse Di Campo, photojournaliste indépendante
- Murielle Guibert & Julie Ferrua, Union Syndicale Solidaires
- Laurence Marandola, porte-Parole de la Confédération Paysanne
- Maxime Perriot – CADTM International
- Fabien Cohen, secrétaire général de France Amérique Latine et Caraïbes (FAL) et conseil d’administration du CRID
- Ruth Pierre, Haut conseil de coopération et de développement pour Haïti ; cofondatrice Ayiti ChanjeJean-Pierre Giordani, Président Centre Anacaona droits humains Haïti (CADHH)
- Jane-Léonie Bellay, militante Enjeux et Mobilisations Internationales, ATTAC France
- Priscillia Ludosky, Présidente du CLSE
- Sadrac Charles, Festival Haïti Monde ; cofondateur Ayiti Chanje
- Samuel Colin, Forum Haïtien pour la paix et le développement durable (FOHPDD)
- Ornella Braceschi, Présidente Collectif Haïti de France (CHF)
- Mackendie Toutpuissant, Président d’honneur de la Plateforme des associations franco- haïtiennes de France (PAFHA)
- Marie-Michelle Legrand, Vice-Présidente de Konbit Agency
- William Rolle pour l’association ASSOKA asosyation solidarité karayb
- Christian Mahieux, syndicaliste & éditeur
- Nils Anderson, Agir contre le colonialisme (ACCA)
- Capdevielle Colette, députée Parti Socialiste, Bayonne
- Adja Meissa Gueye, secrétaire générale de l’ADDEA Sénégal
- Serigne Sarr, membre de l’association pour la Défense des droits à l’eau et à l’assainissement (ADDEA), Sénégal
- Clémence Lukeba Dialakana, fondatrice du Parlement des Femmes, militante franco-congolaise
- Tania Nioka, présidente de l’association Rdjeunes
- Ilunga Désiré, Co-fondateur de Team-Congo
- Nasteho Aden, conseillère municipale et territoriale Stains, présidente carré citoyen, afroféministe
- Augusta Epanya Coordinatrice générale de la Dynamique Unitaire Panafricaine, Cameroun
- Gérard Halie, ancien co-secrétaire national du Mouvement de la Paix
- Collectif Viêtnam Dioxyne
- Union pour le Reconstruction Communiste (URC)
- Haut Commissariat des Congolais HCCF-E
- Réseau syndical international de solidarité et de luttes
- Synergie Outre-Mer
- Christian Mahieux, syndicaliste & éditeur
- Patricia Pol, militante Attac France
- David Redon, militant Guyanais
- Cussey Marie-Claire, militante Guadeloupe
- Paul Laury-Ann, militant Martinique
- Morland Lourdy
- Rudy Louis-Philippe
- Saskia Lissa Maria Vierheilig
Voir également : France-Haïti 1825-2025 : une reconnaissance partielle et partiale (Frédéric Thomas / CETRI)