🇪🇨 Équateur : victoire de Daniel Noboa à l’élection présidentielle (revue de presse)
Dimanche 13 avril en Équateur, le président sortant Daniel Noboa a été déclaré vainqueur du second tour de la présidentielle par l’autorité électorale avec près de 56% des suffrages à l’issue d’une journée sans incidents, marquée par une participation record de plus de 84% des 13,7 millions d’électeurs équatoriens. Sa rivale de gauche Luisa González ne reconnaît pas les résultats et réclame un recomptage des voix. L’état d’urgence avait été déclaré samedi 10 avril pour soixante jours dans sept provinces équatoriennes, ainsi que dans la capitale Quito et dans toutes les prisons du pays.
Victoire de la droite à l’élection présidentielle en Équateur (Sabine Bahi / Alter Québec)
En plein cœur d’un état d’urgence décrété la veille de l’élection présidentielle en Équateur, plus de 13 millions d’électeur.trices ont été appelé.es aux urnes le dimanche 13 avril. Avec un taux d’appui de 56 %, Daniel Noboa débutera un second mandat à la présidence. L’impact de cette élection est majeur au sein du pays, qui traverse une période de violences extrêmes. Il l’est également à l’échelle internationale, alors que l’administration Trump aux États-Unis bénéficie désormais d’un nouvel allié de droite en Amérique latine.
Représentante de gauche et issue du «corréisme» de l’ancien président Rafael Correa, Luisa González aspirait à devenir la première femme à occuper la présidence de l’Équateur et avait misé sur une importante alliance avec les peuples autochtones.
Leónida Iza, président de la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador — CONAIE) et troisième candidat en lice à la première ronde de l’élection présidentielle sous les couleurs du parti Pachakutik, avait récemment publiquement appuyé la candidature de González. Il affirmait ne vouloir céder aucun vote à la droite de Noboa (ni un solo voto a la derecha).
Hausse des violences en Équateur
L’élection présidentielle équatorienne a pris place dans un contexte marqué par la violence depuis plusieurs années. Si l’Équateur était connu pour être un des pays d’Amérique latine les plus calmes et stables, le portrait actuel se dissocie de cette image et a été en grande partie façonné par la croissance du narcotrafic. Ayant d’abord profité de l’instauration d’un état d’urgence en 2020 et d’une hausse de la pauvreté chez la population, le crime organisé a progressivement pris de l’ampleur dans le pays.
Du fait de son économie dollarisée et de son positionnement géographique entre la Colombie et le Pérou, où se concentrent les plus grandes productions mondiales de cocaïne, l’Équateur s’est converti en point stratégique pour le développement du narcotrafic.
En 2023, le syndicaliste Fernando Villavicencio, candidat à la présidence ayant tenté de dénoncer l’infiltration des narcotrafiquants dans la campagne électorale, s’est fait assassiner. En 2024, des groupes criminels ont pris le contrôle de plusieurs prisons équatoriennes, et ont même mené une attaque armée contre une chaîne de télévision nationale.
Aujourd’hui, selon les données du ministère de l’Intérieur de l’Équateur, environ 26 homicides y sont commis quotidiennement. Ce nombre dépasse largement celui de 2022 — auparavant considérée l’année la plus violente de l’histoire du pays — où étaient enregistrés 22 homicides par jour.
Consolidation d’un «noboisme» ou rejet du «corréisme»?
Fils de l’homme le plus riche d’Équateur et héritier d’une centaine d’entreprises d’exportation de bananes, Daniel Noboa est issu de l’oligarchie équatorienne. Il a d’abord été élu à la présidence en 2023 après la destitution de l’ancien président Guillermo Lasso.
En plus de défendre des positions associées à la droite néolibérale — politiques d’austérité, renforcement de la sécurité nationale et augmentation des investissements privés à l’étranger — Noboa incarne une image de renouveau qui s’oppose fermement au «corréisme» lié à Rafael Correa. (…)
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Équateur : « Daniel Noboa veut instaurer un néolibéralisme autoritaire », décrypte le politologue Eduardo Meneses (Luis Reygada / L’Humanité)
Le politologue Eduardo Meneses revient sur le résultat de l’élection présidentielle au terme de laquelle le candidat-président Daniel Noboa se maintient au pouvoir, sur fond de forts soupçons de fraude.

Créditée de onze points de moins que son adversaire par les autorités électorales équatoriennes, la candidate porte-étendard de l’alliance progressiste Luisa González a dénoncé une « fraude électorale grotesque » et a refusé de reconnaître les résultats.
Dans le camp corréiste, certains élus locaux et alliés politiques ont toutefois reconnu la victoire du libéral Daniel Noboa, tout comme l’UE, les États-Unis et l’Organisation des États américains, mais aussi les gouvernements de gauche brésilien, chilien, colombien (concernant la Colombie, lire notre mise à jour du 16/04/2025), uruguayen ou encore espagnol. De son côté, la présidente du Mexique Claudia Sheinbaum s’est montrée plus prudente en déclarant qu’elle attendrait le décompte final avant de se prononcer.
Sur quoi se fondent les allégations de fraude avancées par Luisa González ?
Absolument tous les observateurs, toutes les enquêtes d’opinion ainsi que certains sondages de sortie des urnes prévoyaient une élection extrêmement serrée, avec un écart d’à peine 2%. Difficile de croire aux chiffres présentés par le Conseil national électoral (CNE, victoire de Daniel Noboa avec 56,63 % contre 44,37 % pour sa rivale – NDLR).
Par ailleurs, il est totalement incompréhensible que Luisa González ait obtenu moins de voix au second tour que lors du premier. Cela n’a absolument aucune logique, puisqu’elle a pu compter sur un soutien politique plus large grâce à des alliances nouées durant l’entre-deux-tours. Enfin, les preuves matérielles des irrégularités commises durant le scrutin commencent à remonter peu à peu.
La campagne avait déjà été entachée de graves irrégularités…
Tout à fait, il y a eu des violations aux normes constitutionnelles qui a elles seules devraient remettre en cause la légalité de l’élection.
En Équateur, nous sommes malheureusement habitués aux campagnes électorales qui ne se basent pas sur les programmes, les arguments ou le débat d’idées. Encore une fois, la droite a misé sur une campagne très sale, en s’appuyant notamment sur le lawfare (guerre judiciaire ou instrumentalisation de la justice à des fins politiques, NDLR) et la désinformation. La Révolution citoyenne notamment s’est vu coller l’étiquette de terroristes ou de narcotrafiquants ; la manipulation et l’anti-corréisme primaire ont fait rage en s’appuyant sur la peur avec en toile de fond le contexte de violence qui frappe le pays. (…)
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Analyse sur les présidentielles en Équateur : les jeux sont faits à droite… Rien ne va plus à gauche ? (Jean-Jacques Kourliandsky / Espaces latinos)
Le 13 avril 2025 au soir, les dés électoraux jetés dans les urnes ont roulé en faveur du sortant de droite, Daniel Noboa de l’Action Démocratique Nationale, vainqueur par KO de la candidate de gauche Luisa González de Révolution Citoyenne. Onze points d’écart et un million de voix les séparent. Daniel Noboa est arrivé en tête avec plus de 50 % des suffrages dans 19 des 24 provinces.

La participation a été exceptionnellement élevée. Près de 84 % des suffrages soit deux points de plus que lors des précédentes présidentielles. Le vote est obligatoire pour tous les citoyens âgés de 18 à 65 ans. Il est facultatif au-delà de 65 ans et entre 16 et 18 ans. Selon divers observateurs, sans qu’il y ait eu de sondages sur le sujet publiés pour l’instant, il semble que ces deux tranches de personnes se soient mobilisées de façon sensiblement plus élevée que d’habitude. Ils représenteraient une part importante des 200 000 votants supplémentaires du deuxième tour.
La mission de l’Organisation des État Américains dirigée par le Chilien Heraldo Muñoz, ancien ministre des Affaires étrangères de Michelle Bachelet, a validé le résultat, considérant que les Équatoriens s’étaient exprimés dans le calme et avec clarté. Le constat a été identique pour la délégation européenne. Nacho Sanchez Amor, responsable de la délégation envoyée par le parlement européen, a été on ne peut plus clair, « nous n’avons observé » a-t-il déclaré, « aucun indice de fraude, comme signalé par certains acteurs ».
Les présidents latino-américains ont quasiment tous félicité Daniel Noboa, le vainqueur. Les premiers à avoir envoyé leurs vœux ont été les voisins, argentin, chilien et péruvien, ainsi que le Costa Rica, le Guatemala, Panama et le Paraguay. Très vite Brésil, Colombie, Uruguay, ont suivi le mouvement. Manquent à l’appel Mexique, Nicaragua et Vénézuela. Le Mexique et le Nicaragua, qui ont rompu leurs relations diplomatiques avec l’Équateur après la violation de la légation aztèque par la police équatorienne le 5 avril 2024, attendent, selon le propos de Claudia Sheinbaum, premier magistrat du Mexique, des éclaircissements sur le déroulement d’un scrutin qui a été contesté. Le Venezuela, compte tenu des allégations de fraude a refusé de valider le résultat. Cuba s’était limité au lendemain du vote à signaler le vainqueur proclamé, et les critiques émises par la candidate de l’opposition.
La perdante, Luisa González a en effet contesté le résultat, dénonçant une fraude massive. Ici et là quelques votants ont été pris en train de photographier leur bulletin. Il peut s’agir en effet d’une tentative de fraude, un vote acheté devant être prouvé matériellement. Mais les doutes émis ne font pas l’unanimité. Les alliés de Luisa González, du Parti Pachakutik et de la Confédération des nationalités indigènes, ont pris acte de la victoire de Daniel Noboa. Tout comme un certain nombre l’élus de Révolution citoyenne, en particulier les maires des deux villes les plus importantes, Pabel Muñoz à Quito, la capitale, et Aquiles Álvarez, à Guayaquil.
Rien ne va plus ?
La démocratie a-t-elle été affectée par l’exercice ? La perdante a-t-elle raison ou est-elle seulement une « mauvaise joueuse » ? Luisa González a demandé que les bulletins fassent l’objet d’un nouveau dépouillement. Pêle-mêle ont été officieusement contestés le déroulement de la campagne placé sous contrôle militaire, l’absence d’effet arithmétique de l’accord d’entre deux tours de Révolution citoyenne qui avait obtenu 44 % des suffrages exprimés et de Pachakutik, qui en avait recueilli plus de 5%. Sont avancés aussi le grand écart constaté entre ce que laissaient entrevoir les sondages, une victoire de l’un ou l’autre des candidats dans un mouchoir de poche, et le résultat, donnant un avantage de onze points à l’un d’entre eux.
Mais au lendemain du 13 avril, aucune plainte argumentée n’avait été présentée au Conseil national électoral, sur le déroulement du scrutin. L’importance de l’écart entre vainqueur et vaincu relativise-t-elle la fraude éventuelle ? C’est en tous les cas ce qu’on manifestement pensé plusieurs grands élus ayant soutenu Luisa González. Luisa González et son parti n’ont par ailleurs pas contesté le résultat des législatives qui se tenaient le même jour. Révolution citoyenne a obtenu un très bon résultat. Ses députés, 67 sur 151, sont les plus nombreux.
Le camp des droites a incontestablement marqué un point en Équateur, et par ricochet, dans le reste de l’Amérique latine. Ce qui explique les réticences de certains et l’enthousiasme d’autres. Les milieux d’affaires ont célébré le résultat obtenu par l’un des leurs. Daniel Noboa en effet est un « héritier », le fils d’un papa régnant sur le commerce de la banane, dont l’Équateur est premier producteur et premier exportateur du monde. Il est né à Miami, plate-forme de négoce et de loisirs des Latino-américains bien dotés. Il a fait ses études aux États-Unis. Donald Trump l’avait invité le 20 janvier à sa prise de fonction. Daniel Noboa a été reçu une seconde fois quelques semaines plus tard par son ami nord-américain. Le télégramme de félicitations de Donald Trump a été particulièrement chaleureux. « Félicitations à Daniel Noboa, qui sera un grand leader, pour le merveilleux peuple équatorien », a-t-il écrit sur son compte Truth Social. Rien donc d’étonnant que le risque pays, évalué par des officines proches des investisseurs internationaux, ait chuté saluant ainsi l’évènement. (…)
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Équateur : élection présidentielle de 2025, perspectives historiques sur la victoire de la droite (Nils Breton / Édito IHEAL)
Le second tour de l’élection présidentielle équatorienne s’est tenu le 13 avril 2025. Le président sortant, Daniel Noboa, candidat du parti Action Démocratique Nationale (ADN), l’a emporté avec 55,6 % des voix. Cette victoire marque la troisième défaite consécutive de la gauche à la présidentielle depuis 2021. Ces résultats s’expliquent par une incapacité de la gauche corréiste à dépasser sa base électorale et par l’habileté du candidat d’ADN à agréger le reste des électeurs.
La défaite de la gauche corréiste
Les causes de l’échec de Luisa González, candidate de la Révolution Citoyenne (RC), sont évidemment multifactorielles. Certaines propositions, comme la création de comités de quartier pour lutter contre l’insécurité ou une réforme de la loi sur la liberté de culte, ont inquiété une partie de l’électorat. Par ailleurs, son adversaire a exploité les inquiétudes autour de son engagement à maintenir le dollar comme monnaie nationale, un sujet central en Équateur, ou de sa proximité avec le gouvernement de Nicolás Maduro au Venezuela, un épouvantail pour la droite équatorienne. Luisa González n’a ainsi gagné que 170 000 voix supplémentaires au second tour, contre 1,3 million pour Daniel Noboa.
Malgré cette défaite, la RC reste la première force politique à l’Assemblée nationale, avec 67 sièges sur 151 (44 %) et domine les institutions locales depuis les élections de 2023 (neuf provinces sur vingt-trois et cinquante municipalités sur 221). Cependant, les résultats du 13 avril montrent son incapacité de réunir une majorité d’Équatoriens·nes derrière son projet politique à l’échelle nationale. Les onze années de pouvoir de la RC continuent d’être associées par une partie de l’électorat à la répression des mouvements indigènes et écologistes, un contrôle plus strict des médias, ainsi qu’à des scandales de corruption. Luisa González a eu du mal à se démarquer de son mentor politique : l’ancien président Rafael Correa (2006-2017), qui huit ans après la fin de son mandat, semble encore faire figure de repoussoir pour une partie de l’électorat équatorien. Ces ombres éclipsent ses réussites : des infrastructures modernisées dans les domaines des transports, de l’éducation et de la santé, une croissance économique soutenue et la baisse de la pauvreté et de la criminalité.
Ce passé perçu négativement peut en partie expliquer la contre performance de la candidate de la RC. En effet, à la sortie du premier tour, elle est en position favorable, distancée d’à peine 17 000 voix, elle reçoit le soutien du troisième homme, Leonidas Iza qui vient réunir sur son nom 540 000 électeurs (5,25%). Cet ingénieur-environnemental et leader syndical quichua-panzaleo est le candidat de Pachakutik (MUPP), le principal parti indigène équatorien, il est considéré comme à gauche de la RC et en pointe dans les luttes contre les politiques néolibérales et extractivistes. Or les reports de voix au deuxième tour sont très mauvais. Sur les trois provinces où Iza a fait ses meilleurs scores en voix (Pichincha, Cotopaxi et Chimborazo) au premier tour, environ 277 000 voix, Luisa Gonzalez n’augmente son score que de 67 000 voix au deuxième tour. L’électorat d’Iza n’a pas, dans sa grande majorité, suivi la consigne de vote. La RC paie, peut-être, ainsi sa vieille rupture avec le mouvement indigène et écologique. (…)
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Pour rappel, voir également :
– L’Équateur sur la voie de « l’autoritarisme compétitif » (Vincent Arpoulet / María Luisa Ramírez / Le Vent se Lève)
– Présidentielle en Équateur : vers un deuxième tour entre Daniel Noboa et Luisa González (revue de presse)
– Équateur. Justice pour les quatre enfants de Guayaquil. Communiqué de France Amérique Latine / Ecuador. Justicia para los cuatro niños de Guayaquil. Comunicado de France Amérique Latine
Análisis en español : ¿Por qué la derecha se impuso otra vez en Ecuador? (Nueva sociedad)