🇦🇷 Argentine: entre inflation et “audit” de l’aide, les soupes populaires comptent leurs pâtes (Leila Macor / AFP / TV5 Monde)


Comment cuisiner pour davantage, avec moins ? Les soupes populaires d’Argentine raclent les fonds de celliers, en tenaille entre des demandeurs plus nombreux et une aide publique raréfiée, officiellement dans l’attente d’un “audit” par le gouvernement Milei en vue d’une aide plus “transparente”.

Des personnes font la queue pour obtenir un repas distribué à la soupe populaire “Las Hormiguitas Viajeras”, à Loma Hermosa, dans la province de Buenos Aires, le 9 février 2024 en Argentine/  AFP Juan Mabromata

Les récipients en plastique s’amoncellent sur la table, déposés comme chaque jour par les voisins, dans cette soupe communautaire de Loma Hermosa, faubourg défavorisé à 40 km du centre de Buenos Aires.

Les cuisiniers, échangent un regard inquiet. Il n’y a que huit kilos de pâtes pour les remplir. “Je ne sais pas si on va y arriver aujourd’hui…”, grince Carina Lopez, cinquante ans, qui gère cette cantine, dans une maison appartenant à deux frères, aux fourneaux.

Depuis deux mois l’inquiétude monte dans nombre des 40.000 comedores d’Argentine, ces soupes populaires héritage de la vague d’entraide, spontanée puis organisée, dans la foulée de la “Grande crise” économique de 2001.

Car comme dans la cuisine de Loma Hermosa, les gamelles se multiplient, à mesure que l’inflation s’affole (plus de 58% cumulés sur trois mois), notamment sous l’effet des premières mesures d’austérité du gouvernement ultralibéral: dévaluation et libération des prix. Mais en parallèle, le gouvernement a quasi-gelé l’octroi d’aide alimentaire.

Officiellement, pour “auditer” les besoins de chaque comedor, et instaurer un système de “transfert direct” pour que chaque site réalise ses achats, au plus près de ses besoins.

Objectif: en finir avec l’aide alimentaire “discrétionnaire”, la rendre “transparente”, et “supprimer les intermédiaires”, ou “gérants de la pauvreté”, expression fétiche qui dans le langage des autorités vise les mouvements sociaux –clientélistes selon elles– proches de l’opposition péroniste (centre-gauche).

Le problème, c’est qu’en attendant cette “méthode innovante qui permettra que l’aide arrive à qui en a vraiment besoin”, selon les mots du porte-parole présidentiel Manuel Adorni, aucun schéma transitoire n’est en place.

Et les garde-mangers des comedores se vident, dépendant de municipalités ou de dons privés pour leurs achats au jour le jour. “Ils m’ont dit de réduire le nombre de jours servis, ou réduire le nombre de gens servis”, se plaint Carina de ses contacts récents avec les autorités. “Mais je ne peux ôter personne ! J’ai même des gens nouveaux, des nouvelles personnes âgées”.

Nouveaux, comme Daniel Barreto, maçon de trente-trois ans, qui peine à trouver un emploi, des petits boulots, dans un contexte où nombre de chantiers sont à l’arrêt, où chacun, des collectivités aux PME et aux particuliers, compte au plus près. “J’ai mon épouse, quatre gamins. Travail ou pas, quand tu vas faire tes courses, t’as jamais assez d’argent” à cause de la hausse continue des prix, gémit Daniel à l’entrée du comedor. (…)

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