🇦🇷 Argentine: Javier Milei assoit son hégémonie à droite de l’échiquier politique (Théo Conscience – RFI) / Milei, l’audace et le calcul (Mariano Schuster et Pablo Stefanoni / À l’Encontre)


Le parti du président est arrivé en tête d’un scrutin local à Buenos Aires le dimanche 18 mai 2025. La capitale argentine était depuis près de vingt ans le bastion électoral de la droite traditionnelle.

Le président argentin Javier Milei s’apprête à voter lors des élections municipales, le 18 mai 2025 à Buenos Aires. © Rodrigo Abd / AP

Un an et demi après son élection à la présidence de l’Argentine, Javier Milei a passé haut la main son premier véritable test électoral hier. Son parti, La Libertad Avanza, est arrivé en tête d’un scrutin local à Buenos Aires. Manuel Adorni, fidèle du président et porte-parole du gouvernement, est arrivé en tête avec 30 % des voix. C’est deux fois plus que la candidate du PRO, le parti de droite traditionnelle, qui régnait sans partage sur la capitale argentine depuis près de deux décennies.

L’opposition péroniste de centre gauche arrive en deuxième position avec 27 % des suffrages, et manque une occasion de profiter de la dispersion des voix à droite. Destiné à renouveler en partie le parlement local de la ville de Buenos Aires, le scrutin, par ailleurs marqué par une faible participation (50 %, contre 70 % en moyenne habituellement), ne bouleversera pas la gouvernance de la capitale argentine.

Mais à six mois des élections législatives nationales, la victoire de La Libertad Avanza envoie un message symbolique fort. « Désormais, l’instrument du changement, c’est nous », a assené Manuel Adorni dans son discours de victoire, avant d’inviter « tous ceux qui veulent soutenir ce projet d’un réel changement pour notre pays à rejoindre La Libertad Avanza, qui est l’instrument que la société a choisi pour transformer l’Argentine ».

Une main tendue ambiguë, comme pour inviter les perdants du scrutin à faire allégeance à Javier Milei. Élu fin 2023, notamment grâce aux voix de la droite conservatrice, le président argentin avait fait le pari de « nationaliser » cette élection locale pour asseoir son hégémonie sur la droite argentine incarnée depuis vingt ans par le PRO, le parti de l’ancien président Mauricio Macri, et phagocyter son électorat dans la perspective des élections législatives nationales qui auront lieu au mois d’octobre.

Pour y parvenir, Javier Milei s’est impliqué personnellement dans la campagne. Il a accompagné son candidat à plusieurs reprises sur le terrain, et a même renoncé à assister à la messe inaugurale du pape Léon XIV à Rome pour être à Buenos Aires au moment des résultats. (…)

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Milei, l’audace et le calcul (Mariano Schuster et Pablo Stefanoni / À l’Encontre)

Javier Milei aurait pu se présenter, le 18 mai 2025, aux élections législatives locales de la ville de Buenos Aires en alliance avec la droite libérale-conservatrice de l’ancien président Mauricio Macri [décembre 2015-décembre 2019]. S’ils s’étaient présentés ensemble, les partis Propuesta Republicana (Pro, Mauricio Macri) et La Libertad Avanza (Javier Milei) auraient peut-être obtenu un résultat proche de 50% des voix.

Photo : Nueva Sociedad

Mais le dirigeant libertarien a décidé de rechercher une position hégémonique pour la droite dure, et pour cela, il devait vaincre le macrisme dans son bastion électoral, où il gouverne sans interruption depuis 2007. La capitale argentine était le seul territoire véritablement macriste de la géographie électorale et Milei a décidé de s’y attaquer, au risque de diviser le vote de la droite et de permettre une victoire du péronisme.

Au final, il a obtenu plus que ce qu’il espérait: non seulement il a détrôné les forces de Macri, reléguées à une lointaine troisième place avec 15,9% des voix, mais son candidat, le porte-parole présidentiel Manuel Adorni, est arrivé en tête avec 30,1% des suffrages, contre 27,3% pour le candidat péroniste de centre-gauche Leandro Jorge Santoro (Es Ahora Buenos Aires). Le taux de participation le plus bas de l’histoire (53% tenant compte du vote obligatoire) témoigne toutefois d’une forte désaffection politique et des limites de l’engouement pour le libertarianisme [en 2021, la participation pour les élections législatives dans la Ciudad Autónoma de Buenos Aires-CABA était de 73,4% et en 2017 elle a atteint 78%].

Les résultats des élections législatives de Buenos Aires du dimanche 18 mai auraient été importants, mais de nature locale (il s’agissait d’élire le Conseil législatif de la ville), si le chef du gouvernement, Jorge Macri, cousin de Mauricio, ne les avait pas séparées des élections nationales, fixées dorénavant du 26 octobre, afin que les enjeux municipaux pèsent davantage que les enjeux nationaux. Mais l’effet a été inverse: plusieurs partis ont décidé de placer en tête de liste des personnalités de premier plan et le gouvernement s’est lancé dans une campagne visant à transformer ces élections en référendum pour le président. «Adorni, c’est Milei», a insisté la campagne libertarienne, qui a également cherché à unifier sous ses drapeaux le camp anti-péroniste: «Kirchnerisme ou liberté» était son autre slogan de campagne, afin d’attirer le «vote utile» de la droite, craignant une victoire de Leandro Jorge Santoro [Es Ahora Buenos Aires] dans une ville qui fait office de «vitrine» politique importante.

Milei s’est personnellement impliqué dans l’élection et tous ses ministres ont participé au meeting de clôture de campagne d’Adorni, le porte-parole présidentiel à l’esthétique troll qui fait partie du cercle restreint de Karina Milei, la puissante sœur du président, et qui est un rouage important de la machine discursive et propagandiste du gouvernement. En quête de victoire, le président n’a pas hésité à s’en prendre frontalement à Macri, dont le soutien avait été décisif dans sa large victoire au second tour en 2023 et pour faire adopter les lois les plus importantes de son gouvernement, étant donné que le pouvoir exécutif dispose d’une faible représentation parlementaire. La sale guerre a atteint son paroxysme lorsque, à la veille des élections, une vidéo réalisée à l’aide de l’intelligence artificielle a été publiée, dans laquelle on pouvait voir l’ancien président déclarer que sa candidate, Silvia Gabriela Lospennato [Buenos Aires Primero], se retirait de la course et appelait à voter pour Adorni afin d’éviter une victoire du kirchnérisme. Un message similaire a été diffusé par Lospennato elle-même, dans une autre vidéo tout aussi frauduleuse. Le jour même des élections, Macri a dénoncé une «fraude numérique» orchestrée par le gouvernement lui-même et son armée de trolls financés par l’Etat. Milei a répondu, implacable envers son ancien allié: «Macri est devenu un pleurnichard.» (…)

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