Bolivie : les féminicides dans l’ombre de la campagne (Nicolas Celnik/ Libération)

Le pays, qui vote ce dimanche aux élections générales, est le pire d’Amérique latine en termes de violences faites aux femmes. S’ils abordent le sujet, les candidats ne proposent pas de réelle solution.

Elle n’a pas prononcé un mot durant de longues minutes. Assise droite sur sa chaise, encore enveloppée dans sa doudoune rose flashy, un épais bonnet bleu marine sur la tête, elle suivait la conversation d’un œil triste, caché par des lunettes aux montures voyantes. Lorsque nous lui avons demandé de raconter son histoire, elle a tout débité d’une voix brisée, sans s’arrêter, entre les murs du centre Mujeres Creando de La Paz.

Photo Juan Karita. AP

«Ma fille unique, commence Maria Ela Murillo, Marinel Melizaba, avait 16 ans. Un jour, après le collège, elle est sortie avec son nouvel amoureux. Elle n’est jamais revenue. Une policière est venue me dire qu’il y avait eu un accident. Elle ne me laissait pas voir l’intérieur de sa voiture. Dedans, il y avait ma fille. Morte.»

La policière lui explique alors que Marinel a fait une chute. La version retenue par la justice : après avoir été surprise avec un autre garçon par son petit ami, Marinel s’est jetée du haut de la falaise. Celle de Maria : les deux jeunes l’ont fait boire, violée, frappée, puis tuée. Commence alors un second calvaire. Maria essaie de faire reconnaître à la justice qu’il s’agit d’un féminicide, et non d’un suicide. Des démarches infructueuses jusqu’à aujourd’hui, coûteuses en temps et en argent, et dont cette mère célibataire pense qu’elles ne sont pas étrangères au cancer qu’elle a développé depuis.

Parité

La Bolivie est le pire pays d’Amérique latine en termes de violences faites aux femmes. Selon le décompte du gouvernement, 104 féminicides ont été commis en 2016 pour une population de 11 millions d’habitants. Seuls 24 ont été suivis d’une condamnation. Une étude réalisée en 2016 montrait que 92 % des femmes déclarent être victimes d’une forme de violence ; 75 % de celles âgées de plus de 15 ans vivant en couple disent avoir subi des violences de la part de leur conjoint. Ces chiffres, en hausse, contrastent avec les efforts fournis pour améliorer la condition des femmes : la parité est requise sur les listes électorales, l’Assemblée nationale est composée à 52 % de femmes, et la loi 348 «pour garantir aux femmes une vie libre de violences» est un modèle du genre (…)

(…) Lire la suite de l’article ici