🇧🇷 Au Brésil, l’ancien président Bolsonaro inéligible mais pas «hors-jeu» (Chantal Rayes – Libération / France 24)


Le Tribunal électoral a condamné vendredi 30 juin l’ancien chef de l’État, coupable d’avoir déstabilisé la démocratie brésilienne. Privé d’élection jusqu’en 2030, il demeure très influent et populaire dans son camp.

L’ancien président Jair Bolsonaro à Rio de Janeiro, ce jeudi 29 juin. (Silvia Izquierdo/AP)

Tout le monde dit que je vais devenir inéligible», lâchait, il y a quelques jours, un Jair Bolsonaro résigné face à cette «injustice» à la Folha de São Paulo, premier titre brésilien. Et d’ajouter : «Que voulez-vous que j’y fasse ?» Ce vendredi, l’ancien président du Brésil a perdu le droit de se porter candidat jusqu’en 2030. Il ne pourra donc disputer ni les municipales de 2024 et 2028, ni les élections générales de 2026, quand les gouverneurs, les députés, une partie des sénateurs et le président de la République seront désignés.

À une nette majorité de cinq voix contre deux, le Tribunal supérieur électoral (TSE), saisi par une formation de gauche, le Parti démocratique travailliste (PDT), a reconnu l’ancien président d’extrême droite coupable d’«abus de pouvoir». Battu à l’automne par le leader de gauche, Lula da Silva, Jair Bolsonaro aurait utilisé sa fonction pour déstabiliser la démocratie au service de sa propre candidature. Le procès portait sur une réunion avec 71 ambassadeurs qu’il a convoquée le 18 juillet 2022. Devant le corps diplomatique, le chef de file de l’extrême droite – qui a finalement manqué de très peu se faire réélire – s’était permis de mettre en doute, sans la moindre preuve, la sécurité du vote électronique en vigueur dans le pays. La rencontre, retransmise par la chaîne publique, avait eu lieu à sa résidence officielle, le palais de l’Aurore.

Discrédit sur les institutions

Pour la défense, rien d’anormal puisque le Président menait campagne tout en exerçant ses fonctions, comme la loi l’y autorise. De plus, l’épisode aura été sans conséquences, puisque le résultat des urnes a finalement été respecté, et Lula investi le 1er janvier. «Ce n’est pas parce que le pompier a été efficace que l’auteur de l’incendie doit rester impuni», a rétorqué Floriano de Azevedo, membre du TSE, dans une métaphore sur la résistance des institutions brésiliennes. «Jair Bolsonaro n’[était] pas jugé sur une simple image, mais sur le film entier», a renchéri le juge rapporteur Benedito Gonçalves.

Depuis le coup de théâtre de mars 2021, lorsque Lula était revenu dans le jeu politique, retrouvant sa propre éligibilité avec l’annulation des verdicts qui le visaient pour corruption, Jair Bolsonaro a passé son temps à accuser la justice de rouler pour son adversaire. Comme aux États-Unis après la défaite de Donald Trump, le discrédit jeté sur les institutions a débouché sur les tentatives répétées des plus radicaux de ses militants de remettre en cause le résultat des urnes. D’abord, par le blocage d’axes routiers à travers le pays, dès le lendemain du scrutin du 30 octobre, puis par la tentative de coup d’Etat du 8 janvier, lorsque, une semaine à peine après l’investiture du leader de gauche, des émeutiers s’étaient lancés à l’assaut des lieux de pouvoir à Brasilia, la capitale fédérale.

«Pas hors-jeu pour autant»

«Le système politique se devait de punir Jair Bolsonaro», commente la politologue Daniela Mussi, qui reste cependant prudente. «La condamnation de celui qui est la figure la plus populaire de la droite brésilienne ne le met pas hors-jeu pour autant», estime-t-elle. «Bolsonaro va désormais mobiliser cette popularité au service de son camp politique», puisqu’il pourra toujours faire campagne pour ses candidats. Pour Daniela Mussi, croire que son inéligibilité peut ouvrir la voie à une reconstruction de la droite modérée – qu’il a réussi à écraser – est optimiste : «Au contraire, nous risquons de voir un bolsonarisme revigoré dans les urnes, même sans Bolsonaro officiellement candidat.»

D’autant que les prétendants à sa succession sont nombreux, à commencer par sa propre femme, Michelle Bolsonaro, désormais présidente de la section féminine du Parti libéral (PL), qui abrite l’essentiel du clan familial. Dans son interview à la Folha, l’ancien président a reconnu pour la première fois que celle-ci pourrait être candidate à la présidentielle en 2026. Cependant, le grand favori pour lui succéder reste son ancien ministre Tarcísio de Freitas, élu, grâce à son soutien, à la tête de l’État de São Paulo, le plus riche et peuplé de la fédération brésilienne. (…)

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Le tribunal électoral brésilien a atteint, vendredi, la majorité nécessaire à une condamnation de l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro pour “abus de pouvoir”. Cela le rendra inéligible durant huit ans pour s’être livré à de la désinformation avant sa défaite à l’élection présidentielle de 2022. Jair Bolsonaro a qualifié le vote de “coup de poignard dans le dos” et a déjà indiqué qu’il saisirait la Cour suprême.

Reportage de France 24