🇧🇷 Brésil: un barrage menace la biodiversité en Amazonie (La Croix / AFP)
Un poisson mort à la main, Junior Pereira regarde avec tristesse une petite mare, vestige du fleuve Xingu, affluent de l’Amazone qui passait par là avant que son cours ne soit détourné par l’imposant barrage de Belo Monte.
Entre rage, détresse et impuissance, cet indigène du peuple Pupekuri a du mal à contenir son émotion quand il évoque l’impact de Belo Monte, la quatrième plus grande centrale hydroélectrique de la planète, sur son quotidien.
Un impact dévastateur sur l’écosystème d’une des régions les plus riches en biodiversité au monde, dénonce ce Brésilien de 39 ans, qui vivait de la pêche et s’est vu désemparé en l’absence du Xingu qui serpentait dans sa région de l’État septentrional du Para.
“La pêche, c’est notre culture. Avant, nous vivions de ce que le fleuve nous apportait (…) Aujourd’hui, nous devons acheter de la nourriture en ville”, déplore Junior Pereira, qui semble à cheval entre deux mondes, arborant un collier traditionnel indigène et une casquette de baseball rouge. Il désigne, dépité, le paysage autrefois inondé, que le détournement du fleuve causé par le barrage a transformé en un patchwork de flaques et petites mares pleines de poissons morts : “Nous avons perdu notre fleuve”.
Écosystème unique
Le fleuve Xingu s’étend sur 2.000 kilomètres, avec de nombreuses crues lors de la saison des pluies, qui créent des “iguapos”, zones de forêt inondée cruciales pour la survie de nombreuses espèces.
Inaugurée en 2016, la centrale Belo Monte, qui a coûté 40 milliards de reais (environ 7 milliards d’euros) est dotée d’une capacité de 11.233 megawatts, soit 6,2% de la production brésilienne d’électricité. Pour ériger le colossal barrage, il a fallu détourner le Xingu sur 100 kilomètres.
“En amont du barrage, c’est comme si la zone était dans une période de crue perpétuelle. En aval, c’est la sécheresse permanente”, explique André Oliveira Sawakuchi, professeur de l’institut de géoscience de l’Université de Sao Paulo. Au grand dam des poissons et des tortues, dont le cycle de reproduction est réglé sur le volume des “iguapos”.
Admirant les majestueuses chutes de Jericoa, qui sont sacrées pour son peuple, le leader indigène Giliarde Juruna estime que Belo Monte est l’opposé de sa vision du progrès. “Pour nous, le progrès, c’est la protection de la forêt, des animaux, des rivières, telles qu’elles ont été créées par Dieu. La vision du progrès des blancs est totalement différente”, lance-t-il.
“Ils croient que ce projet est bénéfique, mais en fait, ils détruisent la nature et c’est nocif pour tout le monde, y compris pour eux”.
Lula attendu au tournant
Le projet de Belo Monte a été élaboré dans les années 1970, durant la dictature militaire (1964-1985), mais le feu vert pour les travaux a été donné sous la présidence de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010). Lula, 77 ans, vient d’être élu pour un troisième mandat, qui débutera le 1er janvier. Il est attendu au tournant, après avoir promis une politique environnementale diamétralement opposée à celle du président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro, qui a vu la déforestation en Amazonie augmenter fortement sous son mandat.
Belo Monte, présentée par les autorités comme une source d’énergie propre et un moteur de développement économique, n’a pas vraiment été à la hauteur des attentes. (…)
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