Le Brésil de Bolsonaro se divise sur l’«anniversaire» du coup d’État militaire (Chantal Rayes/ Libération)

Le chef de l’État a ordonné à l’armée de commémorer le coup d’État de 1964 ayant mis en place la dictature, remettant le passé douloureux du pays sur la table.

Vous avez dit dictature ? Pour Jair Bolsonaro, le régime militaire qui a sévi au Brésil entre 1964 et 1985, éliminant ou poussant à l’exil ses adversaires, n’était pas une dictature, mais une «contre-révolution» qui aurait sauvé le pays d’un supposé péril communiste. La répression, qui a fait 434 victimes officielles, sans parler des milliers de dissidents arrêtés, torturés ou portés disparus ? Simplement de «petits problèmes» pour le président brésilien.

Rien de neuf dans le discours de l’ex-député et ancien militaire d’extrême droite, arrivé au pouvoir il y a trois mois. Et pourtant. Bolsonaro a suscité un vif émoi en ordonnant à l’armée de «commémorer comme il se doit» les cinquante-cinq ans du coup d’État militaire du 31 mars 1964. «Il a réveillé les fantômes d’une polémique que l’on croyait dépassée»,regrette Daniel Aarão Reis, historien de la dictature, pour qui «le négationnisme du chef de l’État n’est plus partagé aujourd’hui que par une petite minorité de Brésiliens».

Un régiment de Sao Paulo a déjà célébré cet anniversaire. (Andre Penner / AP)

Silence

La justice n’est pas sortie grandie de cette nouvelle provocation. Vendredi, une juge avait bien interdit toute célébration du putsch, «un acte incompatible avec le processus de reconstruction démocratique», selon elle. Mais le lendemain, et alors que le gouvernement a fait appel, une autre magistrate invalidait son verdict. Anticipant les commémorations prévues ce dimanche 31 mars, plusieurs unités militaires avaient déjà lu le message du ministère de la Défense, le premier du genre depuis la création du portefeuille il y a vingt ans. Le texte passe sous silence le caractère autoritaire du régime, justifiant par le contexte de la guerre froide la prise du pouvoir par l’armée, mais exaltant aussi le retour à la démocratie. «Le ton général était plutôt sobre, reprend Daniel Aarão Reis. Bolsonaro aurait voulu une défense plus énergique du coup d’État.» Sa décision de célébrer les années de plomb aurait mis les militaires dans l’embarras. «Ces derniers ne veulent pas être vus comme des tortionnaires mais ils ne souhaitent pas davantage faire du passé un grand enjeu», renchérit l’historien.

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