Au Brésil, la démonstration de force d’une gauche en quête de stratégie ( Chantal Rayes / Libération)

Ils étaient nombreux, mais dûment masqués. Face à Jair Bolsonaro, la gauche brésilienne a finalement pris la rue, samedi [29 mai 2021], bravant l’épidémie de Covid-19 qui endeuille lourdement le pays (déjà 461 000 morts).

Parce que «Bolsonaro est pire que le virus», qu’il aurait laissé courir au nom de l’immunité collective et quoiqu’il en coûte en vies humaines. «Pour la destitution d’un président génocidaire !» s’époumonaient les manifestants qui se sont mobilisés dans les vingt-sept capitales d’Etat, et plus massivement dans les deux principales, São Paulo et Rio.

Manifestation contre le président Jair Bolsonaro, à Sao Paulo, le 29 mai. 
(Amanda Perobelli / Reuters)

Manquements du gouvernement

Grisée par cette démonstration de force, comme par le retour inopiné dans le jeu politique de Lula (dont les condamnations ont été annulées début mars), la gauche surfe sur l’affaiblissement de Bolsonaro, alors qu’une commission parlementaire d’enquête examine les manquements de son gouvernement face à l’épidémie : boycott des mesures de restriction des déplacements, défense de traitements médicamenteux à l’efficacité non avérée, réticences à acquérir le vaccin.

Mais même les plus optimistes ne croyaient pas jusqu’ici à un «impeachment», objet de plus d’une centaine de demandes acheminées au président de la Chambre, Arthur Lira, qui a compétence pour déclencher – ou non – la procédure. Or, Lira, représentant du Centrão – groupe de partis qui appuient les gouvernements en place, quels qu’ils soient, en échange d’accès au pouvoir et aux deniers publics –, est un allié du chef de l’Etat. Du moins pour l’instant. Seule une mobilisation populaire pourrait changer la donne. Destituée en 2016, Dilma Rousseff, la dauphine de Lula, avait été abandonnée du jour au lendemain par le Centrão, après des mois de manifestations sans relâche à l’appel de la droite.

Étonnante résilience dans les sondages

La gauche est donc mise au défi de transformer l’essai, de tenir sur la durée, alors que l’imminence d’une troisième vague épidémique est évoquée par les spécialistes. Le temps joue contre elle. À seulement dix-sept mois de la présidentielle, il est peut-être trop tard pour chasser Bolsonaro. Une procédure en destitution dure des mois au Congrès. (…)

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