Colombie : un mois de résistance et de mobilisations (revue de presse)


Voilà plus d’un mois que la mobilisation du peuple colombien ne faiblit pas malgré une répression d’une violence inouïe. Les syndicats, la jeunesse, les mouvements paysans, les communautés indigènes et afro-descendantes, les organisations féministes, les associations de droits humains et les partis politiques progressistes ont lancé plusieurs appels à la grève générale et occupent les routes et les rues des grandes villes, résistant courageusement aux violences policières et à l’intervention militaire. Un bilan approximatif  fait état d’une soixantaine de morts, de plusieurs centaines de disparitions, tortures et blessures graves, de plus de 2000 détentions arbitraires, de nombreux cas d’agressions contre des journalistes ou des membres d’organisations humanitaires, de violences sexuelles et de viols. La communauté internationale s’en inquiète et des mouvements de solidarité se développent.

Campagne Defender la Libertad

Colombie : Un pas de plus vers la dictature ?
(Chloé García / Nouveaux Espaces Latinos)

Photo : Chloé Garcia

Le refus du président colombien, Iván Duque, de recevoir une visite de la Cour Interaméricaine des droits de l’Homme, chargée d’enquêter sur les violences policières lors du Paro Nacional,  témoigne de la situation  grave dans laquelle se trouve la Colombie.  

Depuis le 28 avril, les rues colombiennes sont remplies de drapeaux jaune, bleu et rouge, de tambours aux sonorités du Pacifique et les balcons font résonner le bruit des « cacerolazos » (casseroles). Lors des marches, on entend crier « Uribe, paraco, el pueblo está berraco » : paraco fait référence aux paramilitaires dont Álvaro Uribe, l’ancien président de la Colombie,  serait le complice. Au départ, la réforme fiscale qui prévoyait une hausse de la TVA a mis le feu aux poudres. Le peuple colombien manifeste aujourd’hui contre un système de corruption et de violences et une économie favorable aux plus riches, dans un pays où 42 % des personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Enfin, les chiffres de victimes alarment sur l’autoritarisme du gouvernement actuel dirigé par Iván Duque : 43 personnes tuées par les forces de l’ordre et 2905 cas de violences policières.  

Un théâtre de violences 

Les réseaux sociaux sont inondés de vidéos où les Escuadrones Móviles  Antidisturbios de la Policía Nacional (ESMAD), les forces de sécurité de la police nationale, font preuve d’une violence excessive envers les manifestants allant jusqu’à diffuser des images de cadavres. Un des cas de violence le plus médiatisé concerne Alison, jeune Colombienne de 17 ans embarquée de force et agressée par des policiers dans la ville de Popayán. Dans une vidéo, la fille est tenue de force par les jambes et les bras par l’ESMAD. La mineure a indiqué avoir été battue et avoir subi des attouchements sexuels. Le lendemain, Alison se suicide à son domicile. Le défenseur des droits, Carlos Camargo déclare : « des excès et des abus très graves de la part de la police, y compris des actes d’agression sexuelle (…) des actes de terrorisme contre les installations de médecine légale et le bureau du procureur général avec la destruction de preuves et de dossiers judiciaires, le vol de drogues saisies, des blocages et des violences de toutes sortes ». La police a nié ces abus, toutefois quatre policiers impliqués dans l’affaire sont suspendus.  

La colère des collectifs féministes  

Au lendemain du suicide d’Alison, de nombreux collectifs de femmes se rassemblent dans plusieurs villes du pays. Le mouvement prend de l’ampleur avec l’organisation de marches féministes organisées le samedi 15 mai. À Bogotá, elles se retrouvent devant le Parc de l’Indépendance pour faire un blocage, peindre des affiches et le sol. En fin de matinée, elles réalisent la performance « El violador eres tú » (le violeur, c’est toi), élaborée par le collectif chilien Las Tesis,  en réponse aux violences exercées en 2019, lors des manifestations au Chili. (…)

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La sourde colère d’une jeunesse qui ne veut plus se taire
(La Libre / AFP)

En Colombie, la sourde colère d'une jeunesse qui ne veut plus se taire
Photo : AFP

La colère sociale qui gronde depuis un mois en Colombie ne faiblit pas et persiste à défier dans les rues malgré coronavirus et répression policière. Cette crise soudaine a révélé, selon les analystes, la sourde colère d’une jeunesse politisée, appauvrie par l’épidémie, qui ne veut plus se taire.

Ce vendredi, un nouvel appel à manifester a été lancé dans tout le pays, un mois exactement après le soulèvement du 28 avril contre un projet de réforme fiscale, vite abandonné, porté par le président de droite Iván Duque, qui visait à augmenter la TVA et à élargir la base de l’impôt sur le revenu. Depuis, le pays a connu quatre semaines de vertige: le jour, les manifestations sont pacifiques et hyper-créatives, la nuit la rébellion se transforme en émeutes où mortiers d’artifice et cocktails Molotov se mélangent aux tirs à balles réelles.

Cette révolte sans précédent secoue les grandes villes, où sont érigées des barricades et des blocages d’axes routiers qui provoquent des pénuries et exaspèrent une partie de la population. Mercredi soir dans le sud de Bogotá, une énième manifestation a fait vingt-cinq blessés parmi les civils et quatre parmi les policiers. Mardi, deux personnes sont décédées dans le sud-ouest du pays, portant à 45 le nombre de morts depuis le début de la grogne sociale, selon le bureau du procureur général et le ministère de la Défense. Human Rights Watch évoque jusqu’à 61 morts. Le gouvernement, malgré des médiateurs chargés de négocier avec le Comité national de grève, initiateur du mouvement, est incapable de désactiver une crise qui, pour l’instant, ne menace pas de le renverser. (…)

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En Colombie, les jeunes chômeurs désespérés résistent
face à la répression policière
(un reportage d’Anne Proenza / Ouest France)

Depuis fin avril, des affrontements quotidiens opposent manifestants et forces de l’ordre en Colombie.
Photo : Ernesto Guzmán Jr / EPAMAXPP

Depuis fin avril, des affrontements quotidiens opposent manifestants et forces de l’ordre en Colombie. En première ligne, des étudiants et des « Nini », des jeunes chômeurs désespérés. La journée, les manifestations contre le gouvernement de droite d’Ivan Duque sont festives, en Colombie.  J’ai pleuré trois fois pendant la dernière manifestation, ça dépasse tous les secteurs, les jeunes, les indiens les camionneurs, les artistes, les syndicats, les dames qui applaudissent aux fenêtres, jamais on a vu une telle cohésion sociale pour demander à changer ce pays, souligne Brenda, une jeune cinéaste de Medellín.

Mais la nuit, la situation se crispe. Dans de nombreux quartiers de Cali ou de Bogotá, ou sur les routes bloquées du sud-ouest, les jeunes de Première Ligne, organisés en service d’ordre des manifestations s’arc-boutent derrière des boucliers de fortune, des bidons coupés, et affrontent la police et les bataillons anti-émeutes qui attaquent à coup de gaz lacrymogène ou parfois d’armes plus létales. Certains sont étudiants, d’autres n’ont accès ni aux études, ni au travail: dans les statistiques du gouvernement on les appelle les ni-ni et ils représentent aujourd’hui 27,7% des 14-28 ans.

Beaucoup n’ont rien à perdre. Depuis la pandémie qui frappe durement le pays d’Amérique du Sud – 83 000 morts pour 50 millions d’habitants -, le taux de chômage a atteint 16,8 % et celui de la pauvreté 42 %.

« L’État nous assassine »

À Pereira, à Popayán et même dans la chic Carthagène, sur la côte Pacifique… dans toutes les grandes villes, les étudiants grossissent ce mouvement social. . 84 % de la jeunesse colombienne approuvent les manifestations. L’État nous assassine et nous prend pour des c… », soupire Kevin, membre du Comité de défense des droits de l’homme de Siloe, dans la grande ville de Cali, où l’Université du Valle est l’une des plus militantes. (…)

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Reportage de Ouest France

L’armée se déploie dans Cali au lendemain
de violences qui ont fait treize mort
(Le Monde / AFP)

Secouristes lors d’une manifestation à Cali, le 28 mai 2021. Luis Robayo / AFP

Depuis le début de la contestation, lancée contre un projet de réforme fiscale, une cinquantaine de personnes, dont deux policiers, ont trouvé la mort. L’armée colombienne, obéissant à l’ordre du président Iván Duque, a commencé samedi 29 mai à déployer un millier de soldats dans la ville de Cali, où au moins treize personnes ont été tuées la veille. La troisième ville du pays, qui compte 2,2 millions d’habitants, est l’épicentre de manifestations anti-gouvernementales. Huit des victimes ont été tuées par balles, selon la police. Un enquêteur du parquet de Cali a tiré sur la foule, tuant deux civils, avant d’être lynché par les manifestants, selon le parquet. (…)

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L’ONU appelle à une enquête indépendante sur les morts à Cali
(Le Figaro / AFP)

Secouristes de la Croix Rouge transportant les corps lors des manifestations à Cali, le 28 mai 2021. STRINGER / REUTERS

La Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a exprimé son inquiétude dimanche après des manifestations violentes à Cali en Colombie qui ont fait 14 morts, appelant au dialogue et à une enquête indépendante. «Il est essentiel que tous ceux qui pourraient être impliqués (dans ces violences) ayant causé des blessures ou la mort, dont des responsables officiels, fassent l’objet d’enquêtes rapides, efficaces, indépendantes, impartiales et transparentes et que des comptes soient demandés aux responsables», a déclaré Michelle Bachelet dans un communiqué. (…)

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Une journée à «Puerto Resistencia»,
poumon de la mobilisation colombienne
(reportage de Reporterre)

Manifestants de «première ligne» (Photo : Nolwenn Jaumouillé / Reporterre)

Dans un quartier pauvre de Cali, centre névralgique des protestations colombiennes, les exclus d’une société inégalitaire occupent une vaste place depuis près d’un mois. Face à la droite dure et à la répression policière, la mobilisation de «Puerto Resistencia» nourrit l’espoir d’un changement.

Sur Google maps, le nom de Puerto rellena a cédé la place à celui de Puerto resistencia. C’est ainsi que les protestataires ont rebaptisé ce secteur de l’est de Cali, capitale du sud-ouest de la Colombie. À la croisée de quatre quartiers qui concentrent parmi les populations les plus vulnérables de la métropole, une vaste place est ainsi devenue un point de blocage emblématique des mobilisations qui agitent le pays depuis le 28 avril.

Aux abords de cette sorte de zone autonome, des cordelettes tendues et des parpaings empilés ferment les rues environnantes. Deux, parfois trois barrières se succèdent, aisément contournables à pied mais inaccessibles aux véhicules motorisés. Il est onze heures et une chaleur moite pèse déjà sur la place, où déambulent une centaine de personnes. Toutes les enseignes ont fermé boutique, à l’exception d’un kiosque qui propose des sodas et des sandwiches. Son gérant se réjouit. «Dans cette société individualiste, ils ont réussi à réveiller la solidarité. C’est très beau ce que font ces muchachos», dit-il en désignant de la tête le centre de la place.

Là, une dizaine de jeunes sont assis à côté d’une tente de fortune, au-dessus de laquelle flotte le drapeau colombien. Cagoulés de peur d’être identifiés, ces manifestants dits de «première ligne» — qui défendent la zone en cas d’attaque — brandissent leurs boucliers, sur lesquels une inscription donne le ton : «Cali résiste.» (…)

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Pourquoi Cali est le centre de la grève nationale du 28 Avril?
(Alejandro Martín / Pazport Presse)

Leer en español ¿Por qué el paro nacional 28A tiene su centro en Cali?

Peinture de Laura Campaz, Gerson Vargas, Johan Samboní et voisins.
Photo: Erika Pantoja

Ce qui a été vécu à Cali ces derniers jours est à la fois excitant et terrifiant. Il est important de souligner les deux, car la terreur ne doit pas s’imposer sur le pouvoir et la beauté des manifestations courageuses, créatives et vitales de collectifs et de communautés qui veulent critiquer un système économique et politique qui ne répond pas aux besoins minimaux d’une énorme partie de ses habitants. 

Des dizaines de collectifs, d’organisations et de citoyens se sont réunis et sont descendus dans la rue pour élever leur voix dans une revendication légitime, pour s’opposer à un système qui n’offre pas de possibilités, à un moment où les conditions d’exclusion ont été exacerbées par la pandémie.

Bien sûr, la première chose à faire est de dénoncer l’horreur afin de protéger la vie. Les droits de l’homme ont été bafoués et l’escalade de la violence des forces de l’État contre les manifestants semble démesurée. Des dizaines de morts et un grand nombre de personnes sont disparues. Les organisations internationales telles que le Bureau des droits de l’homme de l’ONU qui veille à leur respect, qui veillent au respect de leurs obligations, ont rejoint les voix qui réclament avec insistance la fin de la violence et de la terreur. Même eux ont été victimes d’abus de la part de la police. Quoi qu’il en soit, le sentiment demeure que la réaction internationale a servi à contrôler un peu les forces, car elles n’ont pas continué sur la même échelle dans les jours qui ont suivi l’appel à l’aide international.

En même temps, nous avons vécu depuis le premier jour de la grève la destruction massive de la ville par des bandes criminelles qui ont détruit presque tout le système de transport “MIO”, et pillé des centaines de magasins et de banques. Ils ont laissé une bonne partie de la ville détruite et un sentiment total de chaos et d’anarchie.

Et dans tout ce chaos, le maire s’est retrouvé perdu et déconnecté, tant des mouvements sociaux qui l’ont soutenu que des forces de sécurité et d’autres secteurs de la société ; il s’est retrouvé seul. Il est naturel de se sentir dépassé par cette situation extrême, mais il est très grave que le maire de la ville ait déclaré qu’il n’était pas responsable des actions de l’armée ou de la police. Dans une interview accordée au journal espagnol El País, le maire Jorge Iván Ospina a déclaré :

“En Colombie, il y a une contradiction dans les termes. La Constitution dit que les maires sont les chefs de la police, mais le maire ne nomme pas le commandant de la police, le maire ne paie pas le commandant. Quand un policier est appelé par le général de rang supérieur, il lâche le maire et court lui obéir “

Les habitants de Cali ont été témoins du déploiement disproportionné de la force publique et ont suivi les messages de multiples organisations sociales qui soulignent la violence à l’encontre des manifestants. Lors d’une manifestation, en direct sur Instagram, des milliers de personnes ont assisté avec angoisse au meurtre d’un jeune artiste urbain, Nicolás Guerrero, qui accompagnait avec d’autres citoyens une veillée funèbre au Paso del Comercio. Il faut s’approcher du témoignage de sa mère lors de ses funérailles, pour nous rapprocher du monde des jeunes qui se mobilisent aujourd’hui.

Pourquoi cela arrive-t-il à Cali ? Que se passe-t-il dans la ville ?

Cali est une ville extrêmement inégale et violente. Une ville divisée. Sa culture et sa vie quotidienne sont marquées par deux extrêmes : d’une part, une petite classe supérieure enfermée dans son monde, et d’autre part, une grande partie de la population dans une grande pauvreté qui accueille des migrations depuis des décennies; et au milieu, une énorme tranche de classe moyenne largement appauvrie par des décennies de crise économique (…)

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Colombie : des experts condamnent la répression des manifestations pacifiques et demandent une enquête
(ONU-Infos)

Des experts des droits de l’homme des Nations Unies et de l’Organisation des États américains (OEA) ont condamné, vendredi 14 mai, la violente répression des manifestations pacifiques en Colombie.

Dix-huit experts indépendants ont appelé le gouvernement colombien à mener une enquête approfondie et indépendante sur les meurtres, violences sexuelles et allégations la torture et les cas présumés de détention arbitraire et de disparition forcée. « Nous sommes profondément affligés par l’usage excessif et illégal de la force par la police et les membres de l’ESMAD (Escadron mobile anti-émeutes) contre des manifestants pacifiques, des défenseurs des droits humains et des journalistes à travers la Colombie », ont déclaré les experts dans un communiqué. (…)

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Voir également nos revues de presse précédentes et les communiqués de solidarité de France Amérique Latine
 Colombie: “el paro no para” (revue de presse)

Colombie: troisième semaine de mobilisations, répression, solidarités 
– Colombie : violence économique et répression en pleine pandémie
– FAL solidaire du peuple colombien en lutte. Les institutions françaises et européennes doivent exiger l’arrêt de la répression
– Mobilisations et répression en Colombie (revue de presse fr./esp.)
– Colombie : “paro nacional” du 28 avril 2021. Multiples manifestations contre un projet de réforme fiscale