Coup d’État constitutionnel en Haïti: le double jeu de l’OEA et de l’ONU en appui au PHTK néoduvaliériste (Robert Berrouët-Oriol / Le National)


La société civile haïtienne, à travers ses voix diverses et ses manifestations publiques, est unanime dans son diagnostic du drame haïtien contemporain. Pour l’essentiel, ce drame se caractérise par la dégradation accélérée des conditions de vie de la population, la déliquescence de la situation sécuritaire au pays et l’amplification des enlèvements contre rançon perpétrés par les gangs armés réputés proches et / ou instrumentalisés par l’Exécutif néoduvaliériste issu du Parti haïtien tèt kale, le PHTK d’extrême droite de Martelly / Lamothe / Moïse / KPlim / Jouthe / Joseph.

Manifestation à Port-au-Prince (février 2019 / DR)

La peur et l’anxiété se réinstallent dans les familles haïtiennes comme au temps de Papa Doc Duvalier à l’aune des assassinats ciblés, des disparitions et des pogroms exécutés en toute impunité dans les quartiers populaires. Ce drame se caractérise aussi par l’étiolement des institutions de l’État, la décapitation et l’affaiblissement du système judiciaire, la dilapidation des ressources financières de l’État, la gangstérisation de la gouvernance de l’État instituée par le dictateur François Duvalier et qui s’est exacerbée depuis la mainmise népotique des caïds du PHTK sur l’Exécutif suite aux élections frauduleuses des dix dernières années, ainsi que par le double jeu de l’ONU et de l’OEA en appui au PHTK néoduvaliériste.

En quoi consiste ce double jeu ? Comment sert-il d’appui à peine masqué de l’International au « coup d’État constitutionnel » dont a récemment fait état le juriste haïtien Patrick Pierre-Louis, membre du conseil de l’Ordre des avocats du Barreau de Port-au-Prince ?

Le diagnostic des organisations de la société civile haïtienne est conforme au vécu quotidien de la population partout au pays et les Haïtiens de toutes les catégories sociales en ont une connaissance à fleur de peau. Il est relayé avec constance par la presse haïtienne malgré les assauts subis par nombre de journalistes. Il se donne à voir notamment à travers les courageuses prises de position de la Fédération des Barreaux d’Haïti, celles des syndicats, des associations de juristes, des organismes des droits humains, des Églises protestante et catholique, etc. Ces prises de position ont gagné en intensité depuis que le PHTK, par l’intermédiaire de son « commis d’office », l’ex-président Jovenel Moïse, ouvertement soutenu par le Core Group, le Bureau des Nations Unies en Haïti (le BINUH) et l’OEA, a entrepris de faire voter illégalement par référendum, le 27 juin 2021, une « Constitution » liberticide et impunitaire d’inspirationtontonmakout rédigée en cachette par une petite confrérie de courtisans choisis pour leur fidélité au PHTK néoduvaliériste.

Et relayant le diagnostic de la société civile haïtienne, le journaliste Lemoine Bonneau, du Nouvelliste, dans un éditorial courageux daté du 20 mai 2021 et titré « Quelle sera la durée de vie de la Constitution de Jovenel Moïse ? », rappelle à juste titre deux évidences : d’une part, « En prenant les dispositions relatives à la création du Comité consultatif indépendant pour l’élaboration de la nouvelle constitution, Jovenel Moïse savait très bien qu’il allait faire face à la résistance de toutes les couches de la population. »

D’autre part, « qu’il s’agisse du secteur privé des affaires, des confessions religieuses, des organisations de femmes, des partis politiques, des syndicats de toutes sortes, des organisations paysannes, des organisations de jeunesse et d’autres associations socioprofessionnelles, il n’y a jusqu’à présent aucune entité représentative de la société qui s’affirme en prenant fait et cause pour ce référendum prévu le 27 juin [2021] par le président Jovenel Moïse. » Cette juste et objective caractérisation de l’opposition de la majorité des Haïtiens au projet illégal de nouvelle « Constitution » de Jovenel Moïse a également été analysée et mise en contexte par Luckson Daréus, avocat au Barreau des Gonaïves, dans un article paru au National le 28 avril 2021 et intitulé « 2011 – 2021 : PHTK, dix ans de mauvaise gouvernance ». Le juriste pose avec clarté que « Joseph Michel Martelly était l’erreur à ne pas commettre, Jovenel Moïse était la limite à ne pas franchir, a réagi sur son compte Twitter un citoyen engagé. Cette petite phrase résume la catastrophe socio-économique et politique et la descente aux enfers dans lesquels [a été] plongée Haïti au cours de la décennie 2011 – 2021, causées par un « cabinet » de gouvernements « PHTKistes » composé de corrompus véreux, de bandits/gangsters et d’incompétents (…) ».

Et quant au projet de référendum en vue de l’adoption d’une nouvelle « Constitution » PHTKiste, la Cellule de réflexion et d’action nationale (Cran), dans une étude menée conjointement avec la Commission épiscopale nationale (catholique romaine) Justice et Paix (Ce-Jilap), estime que « ce projet affaiblit la lutte contre l’impunité au lieu de la renforcer, mettent en garde la Cran et la Ce-Jilap, tout en soulignant combien la conjoncture actuelle, marquée par un climat de terreur, la violence d’État et une prolifération de gangs armés, ne se prête nullement à la tenue d’un référendum, interdit par la Constitution, ni à l’organisation d’élections (…)

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