🇧🇷 Au Brésil, l’extrême droite menace de contester l’élection présidentielle en cas de victoire de la gauche (Erika Campelo / Basta Média)


Une victoire du candidat de la gauche, l’ancien président Lula, à la présidentielle d’octobre est très probable. Mais Jair Bolsonaro et ses partisans ne cessent d’agiter le spectre d’une remise en cause violente de la démocratie.

Lula, candidat de la gauche à l’élection présidentielle brésilienne, devant une assemblée regroupant 8000 délégué.e.s indigènes, en avril à Brasilia, aux côtés de Sônia Guajajara, présidente du mouvement Articulation des peuples autochtones du Brésil et candidate du Parti socialisme et liberté (PSOL) au congrès fédéral / CC Midia Ninja

Crédité d’environ 45 % des intentions de vote au premier tour, il semble difficile que Lula perde l’élection présidentielle d’octobre prochain. Jair Bolsonaro, le président d’extrême droite sortant, malgré ses 34 % dans les sondages, n’est pas encore battu. Une victoire dès le premier tour de l’ancien président de centre-gauche, Luis Inacio Lula da Silva (du Parti des travailleurs, PT), éviterait au pays de se retrouver dans une situation similaire à celle qui est survenue aux États-Unis en 2020, avec une contestation du résultat par Jair Bolsonaro et ses partisans. Mais une telle victoire semble très peu probable.

Cette élection est assez atypique. Elle a pour enjeu la pérennité de la jeune démocratie brésilienne – les Brésiliens vivaient sous dictature militaire il y a encore quarante ans – alors que les institutions censées la préserver sont très affaiblies. L’érosion démocratique a commencé en 2016 avec la destitution, sans motif valable, de la présidente Dilma Rousseff (PT). Elle s’est poursuivie avec Sérgio Moro, magistrat opportuniste et proche de Bolsonaro, qui à l’aide d’accusations en grande partie fausses, a écarté Lula d’une candidature à la présidentielle en 2018. Ce qui a contribué à rendre possible la victoire de Bolsonaro. Depuis, celui-ci, à l’image d’un Trump, ne cesse de remettre en cause et de saper les institutions garantes de la démocratie.

La campagne électorale a officiellement commencé le 16 août dernier : 40 jours de meetings et de débats jusqu’au 2 octobre, avec un quintuple scrutin. Les 156 millions d’inscrits voteront à la fois pour leur prochain président, leurs députés fédéraux, un tiers des sénateurs, ainsi que les gouverneurs et les assemblées des 27 États (le Brésil est un pays fédéral, comme l’Allemagne ou les États-Unis).

La force politique du bolsonarisme

L’écart entre les deux principaux candidats est, pour l’instant, en train de se réduire. Cela montre la force politique de Bolsonaro et du « bolsonarisme » en dépit de ses mauvais résultats : une gestion déplorable de la pandémie de Covid avec officiellement plus de 650 000 morts, ses déclarations anti-vaccin et l’explosion de la pauvreté et de la faim. Il y a à peine un an, nombre d’analystes de la vie politique brésilienne expliquaient que Bolsonaro n’allait pas pouvoir se représenter. Son rejet dans l’opinion reste important, mais malgré ses multiples déclarations choquantes et provocations, il se maintient en deuxième position, loin devant le candidat de centre-droite, Ciro Gomes (entre 5 % et 10 % des intentions de vote).

Le 7 septembre, jour du bicentenaire de l’indépendance du pays (ancienne colonie portugaise) a marqué un tournant de la campagne présidentielle. Bolsonaro s’y est comporté en candidat et non en chef d’État, allant même jusqu’à évoquer très vulgairement la virilité de ses ébats sexuels lors du discours officiel.

Comment expliquer la relative popularité du président sortant ? D’abord, ses accords, parfois illégaux, selon les révélations du site d’information Intercept Brasil, avec le centrão, rassemblant les députés du centre-droit à l’extrême droite, coalition permettant d’obtenir la majorité des voix à l’Assemblée nationale, dont son président, Arthur Lira, est un soutien important de Bolsonaro. Un deuxième facteur est la poursuite des aides sociales (initialement mises en place par la gauche) au bénéfice des populations les plus vulnérables. Grâce à ses positions réactionnaires et homophobes, Bolsonaro continue de recueillir un fort soutien des églises évangélistes. Sa femme, Michelle Bolsonaro, est une croyante fervente et conservatrice assez active, multipliant les apparitions publiques. Jair Bolsonaro peut aussi compter sur le soutien du secteur de l’agrobusiness – responsable notamment de la déforestation de l’Amazonie et du Pantanal – et d’une partie du patronat qui financent sa campagne.

Un Capitole version « tropicale » ?

La gauche ne s’attendait pas à une telle résilience de son adversaire. La probabilité d’un second tour – si Lula n’atteint pas les 50 % – inquiète beaucoup. Dans ce cas, Bolsonaro n’hésitera pas à mettre en doute la sincérité du scrutin – ce qu’il a déjà commencé à faire – et ne reconnaîtra pas sa défaite. Depuis un an, le président d’extrême droite profite de la moindre occasion pour dénoncer la possibilité de truquer les urnes électroniques, une accusation sans fondement, le système électoral brésilien étant jusqu’à présent reconnu pour sa fiabilité. Que se passera-t-il s’il n’accepte pas le résultat des urnes ? (…)

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