Les chefs d’État face à la justice : les cas de Bolsonaro, Piñera et Lasso (Culture Monde / France Culture)


Alors que les procès de Nicolas Sarkozy rythment l’agenda médiatique français, des enquêtes touchent des présidents anciens et actuels dans le reste du monde, mettant à mal la tradition de l’impunité des dirigeants. Les présidents du Brésil, du Chili et de l’Équateur sont concernés.

Une série d’émissions de Florian Delorme.

Jair Bolsonaro : une gestion criminelle du covid

Le 20 octobre, un rapport incriminait le Président Jair Bolsonaro pour “crime contre l’humanité”, estimant que sur les 610 000 décès liés à la pandémie, au moins 127 000 sont imputables au chef de l’État. Cette enquête de plusieurs mois aboutit à des conclusions sans appel, puisqu’on y parle de « retards inexcusables », de « négligence intentionnelle », de « charlatanisme », et même de « crime contre l’humanité », tout en considérant que Jair Bolsonaro a « délibérément exposé les Brésiliens à une contamination de masse ».

Que va-t-il se passer à présent ? Bolsonaro pourrait-il être inquiété par les conclusions de ce rapport, ou sa mainmise sur les institutions du pays suffira-t-elle à sauver son mandat ? De quels pouvoirs dispose le Tribunal suprême fédéral, avec lequel Bolsonaro est en conflit quasi-permanent depuis son arrivée à la tête du pays ? Enfin, quelles conséquences politiques à moins d’un an du scrutin présidentiel ? 


Seconde partie
Déforestation de l’Amazonie : Bolsonaro bientôt devant la CPI ?

Le 12 octobre dernier, l’association autrichienne AllRise déposait devant la Cour Pénale Internationale de La Haye une plainte contre Jair Bolsonaro pour “Crime contre l’humanité envers les dépendants et les défenseurs environnementaux.” Selon l’association et les juristes qui ont constitué le dossier, la déforestation de l’Amazonie s’est brutalement accélérée depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro en 2019, et serait responsable de la mort de populations d’Amazonie et de défenseurs de l’environnement. À travers Bolsonaro, un pas en avant pour faire reconnaître les dégâts environnementaux comme crimes contre l’humanité ? 

Écouter l’émission ici avec:
– João Sette Whitaker Ferreira, professeur d’urbanisme à l’Université de Sao Paulo
– Silvia Capanema, historienne du Brésil contemporain
– Maud Sarliève, avocate en droit international


Sebastian Piñera : ¡ basta de corrupción !

L’opposition chilienne a ouvert le procès en destitution du président Sebastian Pinera, mis en cause pour la vente d’une exploitation minière à un ami. À une semaine des élections, cette procédure achève Sebastian Piñera et toute la droite présidentielle. C’est au terme d’un discours de quatorze heures du député socialiste Jaime Naranjo, pour permettre à des parlementaires de terminer leur quarantaine et de venir voter, que l’opposition chilienne est parvenue à ouvrir le procès en destitution du président Sebastian Piñera. En cause, la vente d’une exploitation minière à l’un de ses amis, conditionnée au fait que la zone en question ne soit jamais classée sanctuaire écologique – ce à quoi il s’est ensuite opposé en tant que président. 

Même si la destitution a finalement été rejetée par le Sénat hier [16 novembre], cette procédure intervient à une semaine des élections présidentielles et scelle le sort de Sebastian Piñera. Elle vient aussi considérablement affaiblir son camp, dépassé sur sa gauche par des mouvements issus de la société civile et du soulèvement populaire de 2019, et sur sa droite par un candidat ultraconservateur nostalgique de Pinochet.

Pour les uns comme pour l’autre, cette affaire de corruption est une nouvelle arme contre le président sortant, milliardaire issu des milieux d’affaires et symbole d’une oligarchie dont le Chili semble las. Alors que le pays est en plein processus constitutionnel pour remplacer la loi fondamentale héritée de la dictature, la nécessité de tourner une page semble plus urgente que jamais.

Comment les affaires qui touchent Piñera influent-elles sur la campagne électorale, et plus largement sur la recomposition politique en cours au Chili ? Au-delà de cette procédure institutionnelle, où en est l’enquête judiciaire contre le président ? Que risque-t-il, une fois qu’il aura quitté le pouvoir ? 

Écouter l’émission ici avec:
– Sebastián Pérez Sepúlveda docteur en sociologie de l’EHESS, attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Le Havre Normandie
– Franck Gaudichaud, professeur d’études latino-américaines à l’Université Toulouse Jean Jaurès.


En Équateur, Guillermo Lasso rattrapé par les Pandora Papers

Sebastian Piñera n’est pas le seul président latino-américain à apparaître dans les Pandora Papers. Son homologue équatorien, Guillermo Lasso, y est également cité, comme détenteur de pas moins de quatorze sociétés offshores. S’il s’en est “débarrassé” à temps pour ne pas tomber sous le coup du règlement interdisant de telles possessions aux candidats à la fonction suprême, ces révélations interrogent néanmoins, après une campagne axée sur l’éthique et la transparence. Le Parlement a donc lancé une enquête, mais le chef d’Etat refuse d’y collaborer.  

Écouter l’émission ici (2ème partie du podcast) avec Emmanuelle Sinardet, professeure de civilisation latino-américaine et responsable du Centre d’études équatoriennes à l’Université Paris-Nanterre.