🇨🇱 🇫🇷 Chili : la contribution française à la lutte pour la justice (Tribune de Claude Katz, avocat honoraire au Barreau de Paris et de Sophie Thonon-Wesfreid, avocate au Barreau de Paris / L’Humanité)
En ce 11 septembre 2023, nous commémorons les cinquante ans du coup d’état perpétré par Augusto Pinochet au Chili et les forces armées chiliennes, qui entraina la mort tragique du président Salvador Allende. Un énorme élan de solidarité parcourut alors la France qui dénonça les crimes perpétrés par la junte chilienne de Pinochet, ainsi que pour accueillir massivement les réfugies. L’Ambassade française à Santiago constitua un refuge sûr pour des centaines de Chiliens et les diplomates français ont joué un rôle important dans leur protection.
Il faut également rappeler un autre aspect de la contribution française à la lutte pour la justice au Chili, qu’a été le procès contre la junte chilienne, qui s’est tenu devant la Cour d’Assises de Paris, du 10 au 17 décembre 2010 et ce en raison de son caractère exemplaire et historique.
Pinochet est arrêté le 16 octobre 1998 à Londres sur mandat d’arrêt du juge espagnol Baltazar Garzón et quelques jours plus tard, une première plainte est déposée, devant le tribunal de grande instance de Paris, pour la disparition d’Etienne Pesle, ressortissant français, l’un des responsables de l’application de la réforme agraire mise en place par l’Unité Populaire, plainte qui fut ensuite suivie de celle relative à la disparition d’Alphonse Chanfreau, dirigeant étudiant, de Georges Klein, médecin de Salvador Allende, et enfin de Jean-Yves Claudet, disparu dans le cadre du fameux Plan Condor, alliance terroriste de répression transfrontalière passée entre les dictatures de l’époque et principalement entre le Chili, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay.
Plusieurs associations de défense des droits de l’homme se constituèrent également parties civiles.
C’est en vertu du principe de la compétence personnelle passive, à savoir la nationalité de la victime, que la juridiction française se voyait bien fondée à rechercher et juger les auteurs d’un crime perpétré à des milliers de kilomètres du territoire de la république française.
L’application de ce principe n’a nullement présenté de difficulté, à l’inverse de la question de la prescription des faits.
En effet, la qualification pénale de crime contre l’humanité – crime imprescriptible par définition – ne pouvant s’appliquer, celle-ci étant limitée aux crimes perpétrés durant la seconde guerre mondiale, il en résultait que les faits étaient largement prescrits.
C’est la raison pour laquelle les seuls faits retenus par la justice française furent les faits de disparition – plus exactement de séquestration – crime continu tant que la victime n’est pas réapparue en vie ou décédée.
Le premier juge d’instruction en charge du dossier, Roger Leloire mena une enquête fort active et compétente, afin d’élucider les circonstances des disparitions
Il fallut ensuite attendre plusieurs années avant que le dossier ne soit renvoyé devant la Cour d’Assises de Paris, et, en 2006 décédait Augusto Pinochet ce qui mettait fin aux poursuites diligentées à son encontre.
Furent renvoyés devant la Cour treize Chiliens dont un civil et un militaire argentin, complice du Plan Condor à Buenos Aires, pour des faits d’arrestations, d’enlèvements, de séquestrations ou de détentions arbitraires avec actes de barbarie ou de tortures.
En ouverture de l’audience, le Procureur Général François Falletti, qui salua le caractère exemplaire du procès qui s’ouvrait ce 10 décembre sous la président d’Hervé Stefan avec le concours de l’avocat général Pierre Kramer.
Plusieurs témoins historiques, grandes figures de la défense des droits de l’Homme, se succédèrent à la barre, dont les Français Stéphane Hessel et Louis Joinet, l’Américain John Dingues, l’avocat chilien Roberto Garreton, l’avocat paraguayen Martin Almada et la militante chilienne Carmen Hertz.
Le 10 décembre 2010, l’arrêt est rendu, prononçant des peines allant de trente années de réclusion à la perpétuité à l’encontre de treize inculpés et un non-lieu. (…)
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