Chili : une révolution éborgnée (reportage vidéo de Paul Cabanis / France 24). Campagne pour le référendum (article d’Olivier Bras / France 24)

Le 25 octobre s’annonce comme un jour historique pour le Chili. Les électeurs sont appelés à se prononcer par référendum sur une révision de la Constitution, héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). Un vote qui marque l’aboutissement d’un an de manifestations, violemment réprimées par les autorités. Avec 31 morts, des milliers de blessés et environ 12 000 arrestations, le tribut payé par les protestataires est lourd. Parmi les blessés, 468 personnes ont été éborgnées par les tirs de policiers ou de militaires.

Nos reporters sont allés à la rencontre de ces mutilés, qui sont devenus le symbole de la lutte contre les héritiers du régime Pinochet. Ils ont aussi mesuré la colère de la jeunesse du Chili.


Le Chili en campagne pour initier la réforme de sa Constitution (Olivier Bras / France 24)

Les électeurs chiliens choisiront le 25 octobre s’ils acceptent ou refusent de lancer le processus de révision constitutionnelle qui permettra, à terme, de débarrasser le pays de la loi fondamentale imposée par le régime militaire voilà 40 ans. Un scrutin dont le résultat risque d’être influencé par l’épidémie de Covid-19 qui frappe durement le pays.

Autocollants en faveur de l’approbation du référendum
© AFP / Martin BERNETTI

Un stylo à bille de couleur bleu. Voici le précieux instrument que les quelque 14,8 millions d’électeurs convoqués aux urnes le 25 octobre devront avoir sur eux. Et pas question de le prêter en ces temps d’épidémie ! Il leur permettra de répondre à la question “Voulez-vous une nouvelle constitution ?” en optant pour l’option “J’approuve” ou “Je refuse”. Et ils devront également décider à quel type d’organe ils souhaitent confier la rédaction de ce texte fondamental, deux types de convention leur étant proposées. À trois semaines du scrutin, l’option “J’approuve” est donnée gagnante, avec environ au moins 75 % des voix, selon les derniers sondages publiés. Depuis six mois, cette tendance ne cesse de se confirmer et la plus grande inconnue concerne en fait le taux de participation, lié notamment à l’épidémie de Covid-19.

La quasi-totalité des 7 millions d’habitants de Santiago vient tout juste de retrouver sa liberté de circulation après des mois de confinement. De nombreux électeurs risquent donc d’éviter de se rendre dans les bureaux de vote, et ce malgré les nombreuses mesures de prévention annoncées. La crainte d’un rebond des contagions persistera jusqu’à la date de ce scrutin, initialement prévu en avril, et sa tenue pourrait même être de nouveau repoussée si jamais la crise sanitaire connaissait une nouvelle aggravation.

Lancée le 26 août, la campagne de ce référendum constitutionnel a logiquement dû s’adapter à la situation sanitaire d’un pays très durement touché, où le Covid-19 a tué près de 13 000 personnes. Elle se déroule essentiellement dans les médias, notamment par le biais de clips réalisés par les différents camps. Des réunions publiques devraient également pouvoir se dérouler au cours des prochains jours si elles obtiennent l’accord du ministère de l’Intérieur. Mais il est difficile de savoir jusqu’à quel point la population va se mobiliser. “C’est un sujet assez lointain pour beaucoup de gens qui se préoccupent surtout en ce moment de l’épidémie et de la crise économique qui l’accompagne”, explique à France 24 le sociologue chilien Eugenio Tironi.

Un carcan démocratique

La tenue de ce scrutin revêt pourtant une dimension historique dans ce pays dirigé par un régime militaire entre 1973 et 1990, avec à sa tête Augusto Pinochet. Si la Constitution adoptée en 1980 a déjà été modifiée à plusieurs reprises, notamment en 2005 pour supprimer le principe des sénateurs à vie, elle édicte des principes qui continuent de peser lourdement sur le fonctionnement démocratique de ce pays. “Le principal problème de cette Constitution est qu’elle a permis de laisser en place une minorité de droite capable de s’opposer aux modifications du modèle social et économique”, explique Claudia Heiss, docteure en sciences politiques à l’Université du Chili, dans une interview accordée à France 24. (…)

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Vous pouvez encore consulter notre dossier de presse sur le soulèvement chilien. Contestant d’abord l’augmentation du prix du ticket de métro, la révolte a remis en cause tout le système d’un pays qui, depuis la dictature de Pinochet, est un laboratoire du néo-libéralisme et où les inégalités sont parmi les plus fortes au monde. Malgré une répression très violente et la militarisation des grandes villes, la mobilisation s’est maintenue pendant des mois.
Chili: soulèvement populaire et répression (octobre 2019 / février 2020)