Chili: course à la vaccination contre la Covid-19 (Espaces Latinos / Justine Fontaine – Libération)

Arguant de sa fragilité économique et se portant volontaire pour des essais cliniques, le Chili parvient à se placer en tête des pays avec le plus de vaccins commandés. Une stratégie qui pourrait s’avérer payante pour le gouvernement de Sebastián Piñera en chute dans les sondages.

Photo EPA-EFE

Comment le Chili est devenu un improbable vainqueur dans la course au vaccin contre la Covid-19 : un article de Verónica Díaz-Cerda (The Conversation), traduit de l’espagnol par Isabelle Santarossa (Espaces Latinos)
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Au premier abord, tout porterait à croire que la course pour l’acquisition des vaccins contre la Covid-19 a été remportée par les nations industrialisées les plus puissantes du monde. Mais à côté du Royaume-Uni, du Canada, des États-Unis et de l’Union Européenne, il y a un autre pays qui s’est assuré, lui aussi, un grand nombre de doses eu égard à sa population.

Le Chili a commandé à ce jour, près de 90 millions de doses, un nombre suffisant pour vacciner deux fois sa population de 19,2 millions d’habitants. Il a signé pour ce faire des accords avec les laboratoires Pfizer, AstraZeneca, Sinovac et Johnson and Johnson, ainsi qu’avec le programme global Covax.

Comment ce petit pays, qui n’a que peu de poids au plan international, a-t-il réussi à se placer aux côtés des nations les plus riches du monde, de celles qui se sont assurées suffisamment de doses de vaccins pour immuniser leur population ?

Ses ressources économiques ont certainement été un facteur important, mais pas de la même manière que pour les autres pays qui sont en tête de la course aux vaccins.

Une manœuvre économique

Le Chili fait partie des économies d’Amérique latine qui, au cours des dernières décennies, ont connu la croissance la plus rapide. Il est membre de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), qui réunit les nations dotées des niveaux de richesses et de développement humain les plus élevés. Cependant, les inégalités de revenus au Chili sont plus élevées que dans n’importe quel autre pays de l’OCDE et dépassent de 65 % la moyenne de l’organisation.

C’est pour cette raison que le Chili s’est trouvé plongé dans une crise sociopolitique qui a commencé à la fin de l’année 2019. Des manifestations de masse et des troubles violents sont à l’origine du malaise social le plus grave depuis la fin de la dictature d’Augusto Pinochet. La conséquence en est le niveau d’approbation du président Sebastián Piñera qui est tombé au niveau le plus bas jamais enregistré par un chef d’état depuis le retour de la démocratie en 1990.

En juin de l’année dernière, une soudaine augmentation des cas de Covid-19 a suscité de vives critiques quant à la capacité du gouvernement à gérer la pandémie, ce qui a supposé des problèmes supplémentaires pour le président. Pour y répondre, Piñera semble avoir compris que la seule façon d’améliorer sa popularité avant que ne finisse sa présidence à la fin de l’année en cours, est d’assurer la plus grande quantité possible de vaccins pour ses concitoyens.

Cette stratégie est même entrée en contradiction avec ses efforts antérieurs pour faire apparaître son pays comme un exemple de stabilité et de bonne gestion économique. Dans le but d’obtenir de meilleurs accords avec les entreprises pharmaceutiques, Piñera n’a, en effet, eu aucun problème à affirmer tout le contraire. Le statut du Chili, un pays à hauts revenus selon la Banque mondiale, a été un point particulier de friction pour négocier les commandes auprès des fabricants de vaccins, tout particulièrement AstraZeneca.

Afin de ne pas payer un prix élevé, le gouvernement a dû démontrer, qu’en raison de la pandémie et de la crise sociopolitique, le Chili se trouve dans une situation économique bien plus mauvaise que celle des économies les plus développées du monde, et qu’en conséquence, il devrait pouvoir payer moins cher ses vaccins. Cette reformulation du Chili comme pays qui affronte des difficultés économiques semble avoir fonctionné, de toute évidence. Dans un ordre international qui se caractérise par des jeux à somme nulle et les intérêts particuliers, Piñera et le gouvernement chilien ont suivi les règles du jeu pour augmenter leurs propres possibilités de survie. (…)

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Le Chili dans le trio de tête de la course à la vaccination (Justine Fontaine / Libération)

Grâce à un vaste réseau de centres de santé publics de proximité et à l’achat anticipé de sérums auprès de différents laboratoires, le pays d’Amérique du Sud est l’un des trois Etats à vacciner le plus vite au monde.

Vaccination contre le Covid-19 dans un centre de santé public, à Santiago
(Ivan Alvarado/Reuters)

À une vingtaine de minutes du centre historique de Santiago, le lycée Carmela Silva Donoso reçoit des visiteurs pour la première fois depuis près d’un an. Pas d’élèves pour l’instant – les vacances d’été austral ne sont pas terminées –, mais des personnes de plus de 65 ans, des soignants, et des travailleurs essentiels. L’établissement fait partie des quelques 1 400 centres de vaccination aménagés à travers tout le pays.

À l’entrée, des agents municipaux vérifient les justificatifs, distribuent du gel hydroalcoolique et prennent la température des patients. La cour de récré a été transformée en salle d’attente à l’air libre, protégée du soleil par un grand chapiteau. Juste à côté, dans une grande salle de classe du rez-de-chaussée, les habitants reçoivent – gratuitement et sur la base du volontariat – le vaccin CoronaVac, du laboratoire chinois Sinovac. «J’attendais le vaccin avec une telle impatience, vous n’imaginez pas, s’enthousiasme María Donoso, 73 ans, deux masques superposés sur le visage. Car j’aime danser, profiter de la vie, et je me suis toujours vaccinée.»

Mercredi (17 février), deux semaines seulement après le début de la campagne de vaccination grand public dans le pays, plus de 2,5 millions de personnes avaient déjà reçu au moins une dose de vaccin contre le coronavirus, sur 18,5 millions d’habitants. Le Chili est ainsi l’un des pays au monde à vacciner le plus rapidement sa population, seulement devancé par Israël et les Emirats arabes unis. Comment expliquer un tel succès jusqu’ici, dans un pays émergent, peu puissant sur la scène internationale, où la gestion de l’épidémie par le gouvernement a été particulièrement critiquée lors de la première vague ? (…)

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