Résiliences féminines : la Salvadorienne Claudia Hernández publie son premier roman « Défriche coupe brûle » (Lionel Igersheim / Espaces Latinos)

Reconstruire sa vie après la guerre est encore un combat. Dans son premier roman, Défriche coupe brûle, à paraître aux éditions Métailié ce jeudi 4 mars, l’autrice salvadorienne Claudia Hernández nous immerge dans la lutte quotidienne de trois générations de femmes. 
Un ouvrage que France Amérique Latine vous recommande.

«La guerre est finie. Ses filles lui disent qu’il n’y a plus rien à craindre. Mais elle se méfie. » La mère est une ex-combattante. Comme son père et ses frères, elle s’est battue pour un avenir meilleur, étant alors encore presqu’une enfant. Sans qu’elle ait vraiment le choix, on l’a faite soldat, puis mère, l’obligeant à mener ces deux responsabilités de front. Après la paix et le processus de réconciliation, depuis le petit terrain qu’on lui attribue, elle engage une autre bataille, pour un autre avenir, celui de ses filles. Avec le même courage et aussi peu de moyens, elle affronte alors un ennemi multiforme : la pauvreté, la violence de la société et du patriarcat, et ses propres traumatismes. On sait que la mère a deux noms : celui que ses parents lui ont donné à la naissance et celui qu’elle a dû adopter aux côtés de la guérilla, dans la montagne, là où elle a appris à être toujours sur le qui-vive. Pourtant, on n’en connaîtra aucun, tout au long du roman, ni celui des autres personnages.

Même anonymat pour les lieux, les pays et les évènements. Ce qu’on comprend être le Salvador est simplement « le pays » et le conflit armé, « la guerre ». Seules exceptions, la ville de Paris et l’Afrique agissent comme deux pôles symboliques. La capitale française représente l’éloignement forcé du premier enfant de la mère, qui lui a été retiré à la naissance, puis donné en adoption. L’Afrique incarne l’ambition de « la deuxième des filles qui a grandi auprès d’elle ». C’est là qu’elle rêve d’aller exercer la médecine. 

Dans un premier temps, l’absence quasi totale de noms propres, de descriptions et de repères chronologiques déstabilise le lecteur qui peine à se situer dans le récit. Pourtant, elle s’impose. Elle illustre la nécessité de la discrétion dans le contexte de la lutte armée. Ne pas connaître les noms et les endroits est une garantie qu’on ne puisse les livrer aux militaires. D’un point de vue littéraire, cette figure permet de rester au plus près de la subjectivité des personnages, tout en donnant un caractère universel à leur combat. 

« Aucune partie de Défriche coupe brûle ne vient de moi » 

Claudia Hernández est née au Salvador en 1975. Tous ses écrits sont marqués par la guerre civile qui opposa la guérilla du Front Farabundo Marti de libération nationale aux forces gouvernementales entre 1980 et 1992. Après avoir publié six recueils de contes et nouvelles, qui ne sont malheureusement pas encore traduits en français, Défriche coupe brûle est son premier roman. C’est l’occasion pour la Salvadorienne d’adopter une nouvelle approche littéraire. Délaissant un langage plus symbolique propre aux contes, elle se concentre sur ses personnages, en l’occurrence des femmes, qui pour elle cristallisent la résistance et la détermination des populations face aux travers de la société. (…)

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Défriche coupe brûle de Claudia Hernández:
présentation par les éditions Métailié

Trois générations de femmes, une guérilla populaire, des forêts reculées. Elle a survécu à la guerre, abandonné les armes, mais conservé le vertige, maintenant que sa lutte est de protéger ses filles dans une après-guerre où la paix, la justice et la dignité sont plus que relatives.

Pas de noms propres, on est la mère ou la fille, de la première à la cinquième, ou la mère de la mère, ou la tante, ou celle qui… À travers ces femmes sans nom, avec une écriture brute, précise et élégante, c’est le point de vue de celles qu’on entend rarement, femmes du peuple qui se sont retrouvées propulsées dans l’Histoire et doivent ensuite retrouver la vie « normale » : le patriarcat, le harcèlement, le ménage. Des destins précis, une portée universelle.

Si le monde était bien fait, c’est à ce premier roman puissant que ressemblerait le meilleur de la littérature féminine : l’histoire des femmes, depuis toujours gardiennes et garantes de la famille, de la transmission, depuis toujours flouées et reléguées dans l’obscurité de leurs cuisines, même quand elles ont pris part aux durs combats des hommes.

Défricher, couper, brûler : une manière de survivre quand tout est à reconstruire.

  • Titre original : Roza tumba quema
  • Langue originale : Espagnol (Salvador)
  • Traduit par : René Solis
  • 304 pages

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