🇨🇴 COP16. La Colombie demande au monde de faire la paix avec la nature (Guylaine Roujol Perez)
L’objectif du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et de la ministre de l’Environnement de la Colombie, Susana Muhamad, qui présidera la COP16 du 21 octobre au 1er novembre à Cali, fait écho au défi de Gustavo Petro, élu en 2022 avec sa promesse de lancer des dialogues tous azimuts en vue d’une « paix totale », dans un pays rongé par un conflit armé depuis 75 ans.
Faire la paix avec la nature. Le choix de la Colombie pour accueillir la seizième Conférence des Parties de la Convention sur la Diversité Biologique (COP16) ne se résume pas au parallèle d’une paix entre les peuples et de celle entre l’humanité et les autres espèces de la planète qu’elle s’évertue à éliminer chaque jour un peu plus. Le pays le plus septentrional de l’Amérique du Sud n’a pas été choisi au hasard, comme l’a rappelé le 3 septembre Alfonso Prada, à la Casa Colombia, ce lieu éphémère pour promouvoir la culture et le sport et proposer les services consulaires durant les Jeux olympiques et paralympiques à Paris.
La Colombie, qui abrite la plus grande biodiversité au monde au km2, est plus que légitime pour accueillir ce rendez-vous mondial qui aspire à préserver la diversité biologique. Avec le paradoxe que si l’on découvre encore dans ce pays andin de nouvelles espèces, notamment des batraciens, un marsupial, une variété de souris et une autre de scorpion ces dernières années, plus de 1000 espèces végétales et animales y sont par ailleurs menacées, comme ailleurs dans le monde.
Un pays riche de multiples écosystèmes
Avec ses deux façades sur l’océan Atlantique et sur le Pacifique, tous les étages thermiques en raison de la variété de son altitude, du niveau de la mer au Mont Christophe Colomb (5 775 m), le pays des orchidées multiplie les records et recèle tous les paysages, du désert aux zones pluvieuses du bassin de l’Orénoque, de l’Amazonie et de la côte Pacifique en passant par des savanes, des vallées fertiles, des jungles et des régions tropicales, une diversité de population et de métissages hérités de son histoire, de multiples espèces endémiques, et un résumé des écosystèmes de la planète. Un chiffre illustre cette situation : la Colombie abrite 10% de la faune et de la flore mondiale.
La COP16 devra dresser le bilan des actions mises en place – ou pas – durant les deux ans écoulés depuis l’adoption de l’Accord de Kunming-Montréal fixant le cadre de l’action internationale face à la crise de la biodiversité, le 19 décembre 2022. La région de Cali, au cœur de la région du Pacifique, symbole de diversité, n’est pas en reste dans l’accumulation de relevés qui donnent le vertige. Avec les départements limitrophes du Chocó, du Nariño et du Cauca, le Valle del Cauca, et son parc national des Farallones, sanctuaire de plus de 300 espèces d’oiseaux et de mammifères parmi lesquels les ocelots et les pumas, constitue un poumon d’oxygène et d’or bleu, riche de nombreuses espèces endémiques et paradis des amateurs d’ornithologie.
Huit chefs d’État et 92 ministres de l’Environnement des 196 pays membres de la Convention ont déjà confirmé leur présence dans la ville du sud-ouest colombien à forte présence d’Afrodescendants, et dont la région compte de nombreuses communautés de peuples autochtones. « Car il ne s’agit pas seulement de traiter avec des chefs d’État ou leurs représentants mais aussi des acteurs de la société civile » a souligné Luis Fernando Medina, représentant de la Colombie auprès de l’OCDE. « La chimie du changement climatique est connue depuis les années 1960. Quant à la biodiversité, nous savons que les extinctions se produisent à un rythme effréné. Nous avons donc besoin de connaissances et d’une volonté politique générale, pas seulement de la part des gouvernements, mais aussi de la société civile et des communautés » a rajouté l’économiste également diplômé en philosophie.
« Des forums seront spécialement dédiés à des thèmes en lien avec les peuples autochtones et les communautés locales, la biodiversité mais aussi les entreprises, les villes et les gouvernements locaux, à la finance, à la jeunesse, aux femmes et à la science » a par ailleurs précisé au cours de cette présentation Carolina Diaz, numéro 2 de l’Ambassade de Colombie à Paris.
Mais l’objectif principal de la Colombie dans cette COP sera de créer « une coalition mondiale pour la paix avec la nature pour promouvoir la régénération de la vie et inverser la crise climatique. » Agir sur le climat, freiner la désertification et la destruction de la biodiversité, en encourageant des mesures et des actions pour un avenir durable, pour infléchir la dynamique mortifère de cette triple crise planétaire. La COP16 a pour objectif de tenter de préserver ce qui peut l’être encore des écosystèmes, des espèces animales et végétales et des ressources génétiques. Ambitieux programme.
Un important dispositif de sécurité déployé à Cali et dans ses environs
La sécurité sera plus que jamais au cœur du dispositif d’organisation, alors que Cali présente le plus fort taux d’homicides des grandes villes du pays – 610 répertoriés durant les huit premiers mois de l’année, contre 190 à Medellín, et 732 à Bogotá avec une population plus de trois fois supérieure – et que l’EMC (acronyme de État-major central), organisation des dissidents de l’ancienne guérilla des FARC-EP qui ont rejeté les Accords de paix de 2016, avait menacé cet été de saboter la rencontre. « La COP16 échouera, même si elle militarise la ville avec des gringos » avait-elle tweeté, dénonçant au passage la politique du président Gustavo Petro en matière d’exploitation des ressources en eau et en or. Le 1er août, l’EMC a finalement annoncé la suspension de ses opérations militaires offensives contre les forces publiques entre le 11 octobre et le 6 novembre à travers une déclaration de son commandant Andres Patino.
Un important dispositif de sécurité sera déployé dans la métropole et dans les zones rurales proches alors que la métropole attend près de 12 000 visiteurs, exposants et diplomates de 90 pays.
« Nous avons connu des hauts et des bas dans le cadre des dialogues avec l’EMC » a reconnu l’ambassadeur de Colombie en France. « Nous avons aussi des réponses militaires. Et j’affirme ici clairement qu’il y a une impossibilité totale qu’ils génèrent un risque pour l’État colombien et pour cet événement » a précisé le diplomate, qui a assuré que dans le cas où les services de renseignements disposeraient de la moindre information à ce sujet, la sécurité déjà à son climax serait encore renforcée.
Mercredi 4 septembre, la police colombienne a annoncé avoir déjoué une tentative d’attentat terroriste dans la capitale de la région Pacifique, avec des explosifs retrouvés dans une voiture dans le secteur d’El Vallado, une zone déprimée de la ville.
Fin octobre, les projecteurs du monde entier seront braqués vers la “Succursale du Ciel”, troisième ville du pays par sa population, mal connue des touristes, de plus en plus nombreux dans le pays andin, mais qui lui préfèrent Medellín. Localement, l’espoir d’un impact sur l’économie locale et sur l’image de la région est aussi grand que celui des organisateurs de restaurer une harmonie entre l’homme et la nature.