Covid-19 : une bataille stratégique entre la Chine et les États-Unis en Amérique latine (Christophe Ventura / IRIS)

Plus tardivement touchée que l’Europe – les premiers cas de malades du coronavirus apparaissent en Amérique latine les 26 et 29 février 2020 au Brésil puis en Équateur, avant d’autres début mars au Chili, en Colombie et au Pérou -, la région n’en est pas moins devenue, avec les États-Unis, l’épicentre mondial de la pandémie de Covid-19 à partir de juin 2020. Plus de 10 millions de personnes y sont (officiellement) infectées et plus de 380 000 morts y sont à déplorer.[1] 

Cinq pays parmi les dix plus touchés au monde en nombre de personnes contaminées sont latino-américains (Brésil – 3ème -, Argentine – 5ème -, Colombie – 7ème -, Pérou – 9ème -, Mexique -10ème). Le Brésil (2ème), le Mexique (4ème), le Pérou (9ème), la Colombie (11ème), l’Argentine (12ème), le Chili (15ème) intègrent la liste des quinze pays qui comptent le plus de morts au monde. Enfin, six pays parmi les dix où le taux de morts pour un million d’habitants est le plus haut au monde sont également latino-américains (Pérou – 1er-, Bolivie – 4ème -, Brésil – 5ème -, Chili – 7ème -, Equateur – 8ème -, Mexique – 9ème)[2].

Fragilités structurelles face à la pandémie

La vulnérabilité de l’Amérique latine ne saurait constituer une surprise. Cette région conjugue en effet plusieurs facteurs structurels qui la rendent particulièrement exposée. Sur le plan sanitaire, elle est déjà frappée par l’épidémie de dengue la plus forte de son histoire (plus de trois millions de personnes infectées en 2019, plus de 1,9 million au premier semestre 2020). Dans le même temps, les pays latino-américains sont particulièrement touchés par de nombreuses maladies qui favorisent la létalité du coronavirus chez les personnes touchées : obésité, maladies cardio-vasculaires, diabète, etc.

Ces périls pèsent directement sur des systèmes de santé sous-équipés et sous-financés. Les États latino-américains ont ainsi dépensé 2,2 % du PIB régional dans ce secteur en 2018, tandis que l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) estime que ce montant devrait atteindre 6 % par an pour progressivement permettre une couverture universelle pour les populations et réduire les inégalités d’accès. En effet, les systèmes de santé latino-américains sont morcelés entre offres publiques défaillantes réservées à la masse des personnes pauvres ou disposant de peu de revenus et offres privées mieux dotées proposées à celles qui en disposent. Et ce, tandis que la région révèle une situation socio-économique dégradée depuis une dizaine d’année qui attise la propagation du virus. Ainsi, près de 40 % de la population latino-américaine est pauvre, plus de la moitié des travailleurs dépend du secteur informel[3], plus de 100 millions de personnes (soit environ une personne sur six) vivent dans des conditions d’habitat insalubres dans des pays caractérisés par de fortes concentrations urbaines. La combinaison de l’ensemble de ces phénomènes sanitaires, sociaux et institutionnels entrave, d’une part, la bonne application des règles sanitaires et de distanciation physique exigées pour enrayer la propagation virale et exacerbe, d’autre part, les vulnérabilités et les fractures de l’organisation sociale et des États latino-américains. (…)

(…) Lire la suite de l’article ici