Crise politique au Pérou: communiqué de France Amérique Latine

Le Pérou vit la pire crise sanitaire, sociale et économique de son histoire: sa population lutte pour sa santé et sa survie, la pandémie a déjà provoqué la mort de 35000 citoyens, et les décisions économiques du gouvernement Vizcarra plongent la population dans la misère. Dans ce contexte, le coup d’État institutionnel perpétré par le Parlement le 9 novembre, à cinq mois des élections générales, provoque la colère et l’indignation générale des citoyen.ne.s péruvien.ne.s, mobilisé.e.s depuis deux jours dans tout le pays pour répudier le gouvernement illégitime de Manuel Merino.

Au mépris des intérêts de la population, un conglomérat de parlementaires, eux-mêmes corrompus (soixante-huit d’entre eux sont actuellement sous procédures judiciaires), représentant différentes forces politiques et intérêts personnels mafieux, a voté, le 9 novembre, la destitution du président Martín Vizcarra pour « incapacité morale permanente » en utilisant fallacieusement l’article 113 de la Constitution.

La corruption, mal endémique au Pérou, a déjà provoqué le jugement, l’emprisonnement, la fuite, la destitution ou le suicide de cinq présidents de la République au cours de ces dernières années.  À l’encontre de Martín Vizcarra, c’est la seconde tentative de destitution en l’espace de deux mois. Les faits incriminés remontent à 2014 et se référent à de présumés pots de vin touchés lors de la réalisation d’œuvres publiques dans la région de Moquegua quand il en occupait le poste de gouverneur. Une enquête avait été déjà lancée et le procès devait se réaliser dès la fin de son mandat présidentiel.

Derrière cette manœuvre politique de prétendue « lutte contre la corruption », se cachent les intérêts de plusieurs secteurs politiques qui tentent d’échapper à la justice en s’accrochant à leur immunité parlementaire. Intervient également la volonté politique de dominer l’élection imminente des magistrats du tribunal Constitutionnel et de s’opposer à la réforme judiciaire et politique. Il s’agit de peser sur la programmation du processus électoral en cours, de garder la main mise sur le vote prochain du budget et de défendre la privatisation de l’enseignement universitaire.

La prise de pouvoir illégitime de l’ancien président du Parlement, Manuel Merino, la nomination comme président du conseil des ministres d’Ántero Flores-Aráoz (ancien ministre de la défense d’Alan García et responsable politique du baguazo) compromet l’État de droit, l’équilibre des pouvoirs et l’indépendance du système de justice.   

  • France Amérique Latine (FAL) s’associe aux organisations de défense des droits humains – péruviennes (APRODEH, CNDDH…) et internationales (CIDH,FIDH, Amnesty International…) – pour exprimer sa profonde préoccupation face à la crise politique actuelle. 
  • FAL se solidarise avec les citoyen.nes péruvien.nes en lutte contre ce coup d’état institutionnel, qui exercent leur droit à protestation sociale et sont victimes de la répression. Elle dénonce l’usage excessif de la force par la police et l’arrestation de l’avocat Carlos Rodriguez Huambachano, membre de la CNDDH , alors qu’il exerçait sa mission de défenseur des droits humains. 
  • FAL formule le vœu que l’unité des forces progressistes et démocratiques péruviennes se réalise dans la rue comme dans les urnes, pour ouvrir la voie, via la réalisation d’une assemblée constituante, à une alternative politique favorable aux intérêts des classes populaires et des populations autochtones en rupture avec la politique néo-libérale actuelle.

Bureau National de FAL
Paris, le 12 Novembre 2020