🇨🇺 Cuba peut-elle se relever d’une année 2024 marquée par les pénuries, les coupures de courant et les ouragans? (entretien avec Janette Habel / Lila Olkinuora – RFI)
En 2024, Cuba a connu une année marquée par des tragédies naturelles, des coupures d’électricité prolongées et il semble que face à la nouvelle année, il n’y ait toujours pas de lumière au bout du tunnel, avec une économie qui reste en récession et sans perspectives de reprise. À cela, il faut ajouter le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis, ce qui pourrait impliquer un durcissement de la situation financière et migratoire. Pour faire le bilan de cette année 2024 cauchemardesque pour Cuba, entretien avec Janette Habel, politologue, enseignante à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine à Paris III.
RFI : Pour le président Miguel Díaz-Canel, 2024 a été l’une des années les plus difficiles pour Cuba. Comment évaluer l’état de délabrement dans lequel se trouve le pays aujourd’hui ?
Janette Habel : Délabrement, c’est la bonne expression, même si elle est presque insuffisante tellement la situation est grave, catastrophique, dramatique, pour une large partie de la population. L’année 2024 a été d’abord marquée par des « apagones », comme on dit en espagnol, des coupures de courant comme on en avait rarement, voire jamais vues puisque l’île est restée deux ou trois jours dans l’obscurité quasiment totale. Le problème, c’est que les centrales thermoélectriques sont maintenant trop vieilles, elles ne sont pas entretenues par manque de pièces détachées, et à cause de nombreux problèmes sur les infrastructures de l’île.
Et quelles sont les raisons de cette situation ?
Il y a deux raisons qui expliquent cette situation de l’île. La première, c’est que cela fait soixante ans que les sanctions économiques nord-américaines appliquées à Cuba ont des effets catastrophiques. Elles perturbent tous les échanges monétaires en dollars parce qu’ils ne sont pas possibles ; elles perturbent la circulation des bateaux, car s’ils accostent à Cuba, ils ne peuvent pas accoster aux États-Unis. Rappelons que dès qu’il y a 5% de produits américains dans une importation, aussitôt, les sanctions s’abattent. Et l’on peut continuer… c’est absolument dramatique pour le pays.
Il ne faut pas oublier non plus le caractère extraterritorial des lois américaines. Les sanctions américaines s’appliquent y compris à des banques françaises : la BNP a payé huit milliards de dollars pour avoir eu des échanges monétaires avec Cuba [mais aussi avec l’Iran, le Soudan et la Libye, NDLR].
La deuxième chose à dire, c’est évidemment que cette situation résulte aussi de la politique économique menée le gouvernement cubain. L’effondrement de l’URSS a conduit le gouvernement à une politique économique qui a privilégié le tourisme, et dans des proportions très importantes. Ce choix prioritaire est contesté.
Il y a un débat, une contestation très importante en ce moment. On demande des explications à ce gouvernement. Pour quelles raisons des investissements continuent à se faire sur la construction d’hôtels, qui sont en partie vides ? Et pourquoi les investissements, notamment dans l’agriculture – et y compris dans d’autres secteurs qui ont auparavant été remarquables comme la santé et l’éducation – diminuent ?
Vous dites que l’État cubain met l’accent sur le tourisme, mais récemment, le gouvernement a parlé « d’économie de guerre ». Qu’entend-il par là ?
Ce n’est pas clair ce qu’il entend par là ! Une économie de guerre veut dire que le rationnement actuel, et les difficultés actuelles que subissent les Cubains vont continuer en 2025. C’est ce que le Premier ministre et le président Díaz-Canel – parce qu’il y a eu une séance à l’Assemblée nationale cette fin d’année – ont annoncé. Ils ont en partie le couteau sur la gorge. Entre cette inflation galopante, l’arrivée de Donald Trump qui risque d’aggraver encore plus les sanctions qui leur sont imposées et le fait de ne pas disposer des ressources dont ils disposaient en partie auparavant, cela va aggraver la situation. (…)
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