🇸🇻 Déclaration conjointe face au contexte de persécution et de criminalisation des personnes et organisations défenseures des droits humains au Salvador.
Les réseaux, organisations, mouvements, collectifs de la société civile salvadorienne et organisations internationales alliées signataires, dénonçons avec une profonde préoccupation la persécution croissante et la criminalisation dont sont victimes les leaders communautaires, syndicaux, ainsi que les défenseur·es des droits humains et environnementaux au Salvador. France Amérique Latine est signataire de ce texte.
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Nous condamnons l’arrestation récente de Ruth Eleonora López et d’autres personnes engagées dans la défense des droits humains, sociaux et environnementaux, telles que l’avocat et défenseur Alejandro Henriquez et le leader communautaire et pasteur Ángel Pérez. Ces faits s’inscrivent dans une escalade de violence qui a généré un dangereux climat de criminalisation et de censure à l’encontre de la défense des droits humains de la part de l’État salvadorien. Cela constitue une atteinte directe au droit de réunion pacifique, à la liberté d’expression et au droit d’association.
Nous rejetons fermement les accusations infondées et les discours stigmatisants émis par des représentants de l’État salvadorien, qui cherchent à discréditer et diffamer le travail légitime des organisations sociales et leur précieuse contribution au développement du pays à travers la défense des droits humains et l’accompagnement des populations les plus vulnérables. Ce récit est non seulement faux, mais constitue également une régression des droits fondamentaux tels que la participation citoyenne, la liberté d’expression, l’indépendance des pouvoirs et le rôle de contrôle de la société civile sur le pouvoir de l’État.
Dans ce contexte déjà défavorable, nous soulignons les graves conséquences de l’adoption récente de la Loi sur les Agents Étrangers. Une nouvelle obligation d’enregistrement des Agents Étrangers est imposée, bien que les organisations soient déjà légalement enregistrées auprès des instances de l’État. Ce ré-enregistrement a été utilisé dans d’autres pays pour refuser ou annuler la personnalité juridique des organisations considérées comme critiques envers le pouvoir en place.
La loi récemment adoptée impose une taxe de 30 %, sans en préciser l’objectif, qui sera appliquée aux transferts internationaux, y compris les dons provenant de toute source (nationale ou internationale), impactant directement la durabilité du travail des organisations à but non lucratif (OBNL).
De plus, la loi prévoit des sanctions disproportionnées allant jusqu’à 250 000 dollars pour non-enregistrement ou pour violation de dispositions vagues, telles que l’interdiction de mener des activités à des fins « politiques ou autres » qui pourraient, de manière discrétionnaire, être interprétées comme une menace à l’ordre public ou à la stabilité sociale. Nous sommes préoccupés par l’implication du Procureur général de la République et par l’introduction de responsabilités pénales pour des supposées menaces à la sécurité nationale — sans définition claire — qui renforcent un cadre juridique autorisant la criminalisation arbitraire du travail des organisations de la société civile.
Ces dispositions contreviennent aux normes internationales, telles que celles établies dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 22) et la Convention américaine relative aux droits de l’homme (art. 16), qui protègent le droit à la liberté d’association et à recevoir un financement sans restrictions injustifiées. La possibilité de suspension ou d’annulation de la personnalité juridique pour des manquements présumés viole le principe de proportionnalité, largement reconnu par les systèmes internationaux de protection des droits humains, et souligné par des rapporteurs spéciaux des Nations Unies comme une mesure extrême ne devant être appliquée que dans des circonstances exceptionnelles. Loin de renforcer l’institutionnalité démocratique, cette loi sape la légitimité et l’efficacité des acteurs qui jouent un rôle essentiel dans la défense des droits, l’action humanitaire et la participation citoyenne.
Dans le contexte actuel de fermeture progressive de l’espace civique, il est urgent de rejeter et dénoncer cette législation en raison de son potentiel d’instrumentalisation politique et de son impact direct sur les communautés les plus vulnérables du pays.
Depuis des décennies, les organisations sociales et ONG ont contribué à la construction d’espaces participatifs, créé des opportunités d’emploi et promu le développement des communautés dans un esprit de solidarité, d’engagement pour la justice sociale et de défense de la dignité humaine.
Les organisations sociales et défenseur·e·s des droits humains ont historiquement représenté un soutien face à l’abandon structurel de l’État ; elles ont contribué à générer des changements favorables dans notre société, à réduire les inégalités et à promouvoir la création de lois garantissant les droits humains et protégeant la nature en tant que bien commun.
Nous réaffirmons que défendre les droits humains n’est pas un crime. C’est un devoir et un droit citoyen qui doit être garanti, respecté et protégé par l’État. Ni l’autoritarisme, ni la répression, ni l’absence de garanties judiciaires, ni les politiques et lois qui portent atteinte aux citoyen·ne·s ne constituent un chemin vers la démocratie et l’État de droit ; bien au contraire, ce sont des pratiques qui ont laissé dans le passé des blessures dont nous ne sommes pas encore guéris. C’est pourquoi, et pour une société juste et démocratique, il est nécessaire de travailler pour les droits humains, le respect et les garanties pour toute la population, en particulier celle qui est en situation de plus grande vulnérabilité.
Ainsi, les organisations sociales articulées réaffirmons notre engagement envers le peuple salvadorien et exigeons de l’État :
- la libération immédiate des défenseur·e·s des droits humains et environnementaux détenus arbitrairement, ainsi que la cessation de tout processus judiciaire sans fondement, dépourvu de garanties et de respect du droit à un procès équitable.
- le respect et la garantie pleins du droit à la libre association, à la participation citoyenne et à la liberté d’expression, sans menaces, représailles ni stigmatisation envers ceux et celles qui défendent les droits fondamentaux.
- le veto ou l’abrogation de la Loi sur les Agents Étrangers, en tant que réglementation favorisant la criminalisation, le contrôle et la censure des organisations sociales, avec un impact direct sur les populations les plus appauvries et marginalisées, qui perdront l’accès à des programmes et projets de santé communautaire, d’attention psychosociale, de prévention de la violence à l’égard des femmes et des filles, d’accompagnement des victimes, de soutien aux initiatives économiques, ainsi que de défense des territoires et de la nature.
À la communauté internationale et au corps diplomatique accrédité dans le pays : nous vous exhortons à accompagner et soutenir le travail légitime des défenseur·e·s et des organisations, à vous prononcer et à dénoncer les actions portant atteinte aux principes démocratiques qui fondent votre mission institutionnelle.
En particulier, nous lançons un appel aux organes internationaux de défense des droits humains, tant des Nations Unies que du Système interaméricain, et/ou à d’autres impliqués dans les relations bilatérales avec l’État, à prêter attention et à assurer un suivi approprié des événements graves en cours dans le pays, à exhorter l’État à renoncer à adopter des mesures contraires à ses obligations internationales et à ne pas aggraver la crise démocratique que traverse actuellement le Salvador.
San Salvador, le 21 mai 2025
Texte signé par les organisations sociales nationales et internationales suivantes :
- Alianza Ciudadana contra la Privatización de la Salud
- Alianza Nacional contra la Privatización del Agua
- Asamblea Feminista de El Salvador
- Asociación de Desarrollo Económico y Social de Santa Marta – ADES
- Agrupación Ciudadana por la Despenalización del Aborto en El Salvador
- Asociación Pro-Búsqueda de Niñas y Niños Desaparecidos
- FDIM El Salvador
- Asociación de Periodistas de El Salvador – APES
- Colectivo Voces Diversas
- Cristosal
- Instituto de Derechos Humanos de la UCA – Idhuca
- Foro Nacional de Salud
- Mesa Contra la Impunidad en El Salvador – MECIES
- Mesa por el Derecho a Defender Derechos – MDDD
- Unión Nacional para la Defensa de la Clase Trabajadora – UNT
- Servicio Social Pasionista – SSPAS
- Socorro Jurídico Humanitario
- Colectiva Feminista para el Desarrollo Local
- Fundación de Estudios para la Aplicación del Derechos – FESPA
- CooperAcció
- Coordinadora de ONGD de Castilla y León (España) – COODECyL
- Entrepueblos-Entrepobles-Herriarte-Entrepobos
- Comité Oscar Romero de Valladolid
- Red de solidaridad para la transformación social (Reds)
- Asociación Acción Verapaz
- Coordinadora Asturiana de ONGD (CODOPA)
- Unión Sindical de Trabajadoras y Trabajadores del ISDEMU- USTTISDEMU
- Comité de Familiares Víctimas del Régimen de Exención del Bajo Lempa
- Comunidades Eclesiales de Base del Bajo Lempa
- Iniciativas de Cooperación Internacional para el Desarrollo – ICID
- Coordinadora Cántabra de ONGD (España)
- Red de ONGD de Madrid
- SOLdePaz.Pachakuti
- Asociación Nayarit Mujeres y Juventudes
- Red Salvadoreña de Defensoras de DDHH
- Coordinadora Extremeña de ONGD (CONGDEX)
- Mesa Permanente por una Ley de Identidad de Género
- Federación Salvadoreña LGBTI
- Equipo Ventana Abierta Santa Marta
- La Coordinadora de Organizaciones para el Desarrollo- España
- Asociación Centro Civitas
- Fundación para la Cooperación-APY Solidaridad en acción
- Alianza por la Solidaridad-ActionAid
- FEASIES
- Iniciativa Mesoamericana de Mujeres Defensoras de Derechos Humanos (IM-Defensoras)
- Asociación de Lisiados de Guerra de El Salvador
- Movimiento de Mujeres de Santo Tomás – MOMUJEST
- Instituto de Investigación, Capacitación y Desarrollo de la Mujer (IMU)
- Seguridad en Democracia (SEDEM)
- ForumCiv (Suecia)
- Asociación France Amérique Latine (Francia)
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