Déclaration de France Amérique Latine: droits humains au Pérou en grand danger

France Amérique Latine (FAL) exprime sa profonde préoccupation face à la grave crise des droits humains qui s’ajoute à la crise sanitaire, politique et sociale au Pérou.

Pérou: démission du président par intérim, Manuel Merino (Le Monde / AFP / Libération / France 24)
Manifestation le 14 novembre à Lima. Ernesto Benavides / AFP

Le 12 novembre dernier, FAL s’était prononcée au sujet de la violente répression de citoyens péruviens qui, exerçant leur droit à la protestation sociale, contestaient dans les rues, la légitimité du président intérimaire Manuel Merino. Les manifestants, parmi eux beaucoup de jeunes, avaient en effet affronté une répression brutale et des violences policières disproportionnées. Ces violences s’étaient soldées le 14 novembre, par la mort de deux jeunes étudiants, Inti Sotelo et Bryan Pintado, deux cents blessés et de nombreuses détentions, disparitions ou séquestrations.

Parmi les victimes, on comptait également des journalistes (selon l’Association Nationale de Journalistes, trente-cinq personnes réalisant la couverture de presse des manifestations ont été agressées ou blessées) et des défenseurs des droits humains, empêchés d’accomplir leur mission. 

Dans un rapport publié récemment par le Haut-Commissariat des Nations Unies, les rapporteurs confirment ces faits en faisant état de cinq types de violations des droits humains de la part des forces policières : utilisation excessive et sans discrimination d’armes et de bombes lacrymogènes, infiltrations et arrestations réalisées au cours des manifestations par des policiers en civil, détentions arbitraires, empêchement de réaliser leur mission faite aux défenseurs des droits humains, agressions, harcèlement et menaces d’intimidation faites aux journalistes. La CIDH (Comité International des Droits de l’Homme de l’OEA) ajoute que les policiers ont tiré des chevrotines et des gaz lacrymogènes à bout portant, sans discrimination et directement sur la tête et le haut du corps des personnes.

À cela, nous ajoutons la dénonciation des conditions de détention : lieux insalubres et sans lumière, aucun respect de mesures sanitaires pour éviter le COVID, mauvais traitements en particulier contre les femmes et la population LGBT (déshabillage forcé, commentaires misogynes et homophobes). Ceci sans compter la situation de violence dans les prisons péruviennes, qui avait entrainé entre mars et avril 2020, de nombreuses émeutes dans les milieux carcéraux, provoquant la mort de 16 détenus et une centaine de blessés. Dans son rapport publié en mai, la mission du CIDH réclamait à l’État péruvien l’adoption urgente de mesures garantissant le droit à la vie, à l’intégrité personnelle et à la santé.

FAL déplore que depuis la nomination du nouveau gouvernement intérimaire nommé par le Parlement à la mi-novembre, la répression à l’encontre des mouvements sociaux se poursuive et que de nouvelles violations des droits humains comme des décès de manifestants aient été enregistrées.

Il est dénoncé aussi, de nouveaux crimes par balles policières, en décembre, pour réprimer la lutte des travailleurs agricoles du secteur agro-exportateur contre la prolongation jusqu’en 2031 de la loi de promotion agraire. Ils dénonçaient une loi favorisant les entreprises au moyen d’exonérations fiscales et de contributions sociales au détriment des conditions salariales.

Cela s’inscrit dans une criminalisation croissante des défenseurs des droits humains et des condamnations judiciaires lourdes à l’encontre de dirigeants paysans, ces derniers mois.

Une interprétation restreinte de l’article 149 de la Constitution de la part du Tribunal Constitutionnel a entrainé une remise en cause de la justice « ronderile » et des condamnations à de longues peines de détention de plusieurs membres de rondes paysannes, notamment Fernando Chuquilli et Juan Carlos Guevara de San Miguel à Cajamarca.

Dans ce contexte inadmissible, FAL veut dénoncer cette situation intolérable au Pérou.

FAL s’associe aux organisations de défense des droits humains pour combattre l’impunité des responsables de violations des droits humains, notamment parmi les forces de l’ordre, et exige l’abrogation de la loi de protection policière N° 31102 promulguée le 28 mars 2020 qui ouvre la voie à l’impunité et bafoue les droits humains 

FAL dénonce la criminalisation des protestations sociales et les condamnations judiciaires injustes et disproportionnées envers les dirigeants populaires et les défenseurs de l’environnement

FAL exige la suspension de l’exécution des sentences à l’égard des dirigeants Del Valle del Tambo.

France Amérique Latine demande au Gouvernement français et à l’Union européenne d’intervenir pour que cesse une telle atteinte à la démocratie et aux droits humains dans ce pays. Elle appelle à une initiative commune pour y parvenir.  

Bureau National de FAL
Paris, le 8 Février 2021

Voir aussi notre communiqué du 12 novembre 2020
Crise politique au Pérou: communiqué de France Amérique Latine