La diversité sexuelle et de genre aux temps de la nouvelle Constitution chilienne (Nina Morelli / Espaces Latinos)

La question de la diversité sexuelle et de genre se pose de plus en plus au Chili dans un contexte politique inédit. Le peuple s’apprête à aller aux urnes pour élire les membres de l’Assemblée Constituante qui soumettra une nouvelle Constitution en 2022. Nous proposons un rapide panorama du sujet enrichi du portrait de Felipe Pino Cifuentes, activiste LGBTQIA+ à Valdivia et candidat à l’Assemblée Constituante pour la liste Apruebo Dignidad Los Ríos, dans le district 24 au sud du pays.

Gay Pride de juin 2019 à Santiago de Chile (EFE/ Alberto Valdes)

Le Chili prépare activement l’élection des membres de l’Assemblée Constituante pour rédiger une nouvelle constitution, tirant ainsi – peut-être – un trait sur l’héritage de Pinochet. Occasion rêvée pour insuffler un renouveau dans un pays en proie au néolibéralisme et aux abus, c’est aussi le moment propice pour faire valoir des avancées sociales. Qu’en est-il de la question de la diversité sexuelle et de genre dans la société chilienne ? A-t-elle fait son chemin, du moins assez pour être inscrite dans cette future Constitution ?

Les dates clés de la diversité sexuelle au Chili

L’année 1999 marque le coup d’envoi du débat sur la diversité sexuelle et de genre au Chili avec la première victoire symbolique dans la lutte LGBTQIA+ : la dépénalisation de la sodomie. Avant cela, selon l’article 365 du Code Pénal de 1875, toute pratique homosexuelle était considérée comme un délit et ceux qui dérogeaient à la loi risquaient la prison. Les actions se multiplient lors de la première décennie du nouveau millénaire mais ne permettent pas la création d’un débat national sur la question. L’organisme Movimiento de Integración y Liberación Homosexual (Mouvement d’Intégration et Libération Homosexuelle) s’efforce dès 1991 à mettre sur le devant de la scène ces sujets trop souvent passés sous silence. Les quelques victoires, projets de lois, réincorporations d’étudiants et travailleurs discriminés sur leurs lieux d’étude et de travail sont balayés d’un revers de la main par le mutisme et la réticence des députés qui ne donnent aucune nouvelle protection légale à ces citoyens chiliens.

Il faudra attendre l’irréparable pour que la question LGBTQIA+ soit réellement médiatisée et débattue. Le 27 mars 2012, le jeune Daniel Zamudio meurt des suites d’une violente attaque homophobe perpétrée quelques semaines plus tôt à Santiago. L’émotion saisit le pays et c’est au prix du sang que le débat s’ouvre enfin. La Ley Antidiscriminación (Loi Anti-discrimination) est promulguée quelques mois après la mort de Zamudio, dont le nom inspirera le surnom populaire de ladite loi (Ley Zamudio).

Depuis 2012, un corpus légal se constitue petit à petit. En 2015, les unions civiles sont légalisées grâce à l’Acuerdo de Unión Civil (Accord d’Union Civile). Trois ans plus tard, en 2018, c’est la Ley de Identidad de Género (Loi d’Identité de Genre) qui est promulguée et qui reconnait et protège l’identité de genre – dès lors, tout citoyen dont le sexe et l’identité de genre ne correspondent pas peut demander une rectification auprès des organismes administratifs et judiciaires. L’orientation sexuelle et l’identité de genre sont considérées comme des catégories protégées de la discrimination dans différentes lois comme la Ley que permite la introducción de la Televisión Digital Terrestre (Loi qui permet l’Introduction de la Télévision Numérique Terrestre) de 2014 ou encore celle contre la torture de 2016. Le projet de loi concernant le mariage entre personnes du même sexe est en débat depuis 2017 et pourrait être adopté d’ici quelques temps. Cependant le chemin est encore long, le sujet divise. Les membres de la communauté LGBTIQA+ ne se sentent pas considérés par la Justice car beaucoup d’actes homophobes et transphobes restent impunis. (…)

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