🇲🇽 Drogue: la guerre au sein du cartel de Sinaloa ravage le nord du Mexique (Yann Le Ny / RFI)


Depuis l’arrestation d’Ismaël « Mayo » Zambada et de Joaquín « Güero Moreno » Guzmán López, un des fils d’« El Chapo », aux États-Unis, en juillet 2024, leurs partisans se livrent une guerre sanglante. 

Un corps retrouvé sur une route près de Culiacán dans l’État de Sinaloa, le 21 septembre 2024. © Eduardo Verdugo / AP

Jeudi 2 janvier, le décompte des morts dans la guerre interne du cartel de Sinaloa en 2025 a déjà commencé. Trois corps sont retrouvés le long d’une route, selon la presse locale. Le même jour, deux autres corps sont retrouvés dans d’autres parties de l’État. Deux jours plus tard, les Chapitos, la faction des fils d’ « El Chapo » et Los Mayos, ceux soutenant « El Mayo », s’affrontent dans les rues de Culiacán, la capitale de Sinaloa, laissant derrière eux voitures brûlées et impacts de balles.

« Il y a déjà eu des tensions au sein du cartel dans le passé, mais pas à ce niveau-là », analyse Frédéric Saliba, journaliste et auteur du livre Cartels : Voyage au pays des Narcos. Fondé à la fin des années 1980, le cartel de Sinaloa est une fédération de barons de la drogue, plutôt qu’une organisation hiérarchisée. Les différents chefs de faction s’associent pour les affaires importantes, mais gèrent leurs affaires courantes de manière individuelle. Ainsi, s’ils travaillent ensemble, ils se retrouvent aussi parfois en concurrence. 

Entre décapitations, enlèvements et assassinats, la violence atteint des sommets dans l’État pourtant confronté depuis le début de la guerre contre la drogue de Felipe Calderón en 2006 à une insécurité chronique. Et au milieu, les habitants sont pris en étau. Selon un décompte du quotidien mexicain La Jornada, au total, 651 personnes sont mortes et 513 disparus entre septembre et décembre 2024.

La guerre entre ces deux factions commence début septembre 2024, un mois et demi après l’arrestation d’Ismaël « Mayo » Zambada, l’allié historique de Joaquín « El Chapo » Guzmán, à la descente d’un avion privé à El Paso au Texas. « L’arrestation, le 25 juillet, sans aucun coup de feu, dans un avion où il y avait juste le pilote, d'”El Mayo” et d'”El Güero Moreno” [fils de Joaquin « El Chapo » Guzmán NDLR] avait soulevé notre étonnement, chez nous les observateurs », pointe Frédéric Saliba. En effet, « El Mayo », âgé de 76 ans, avait pour l’instant toujours échappé à la justice en faisant profil bas durant des décennies. Cette arrestation, en même temps qu’« El Güero Moreno », dont il est le parrain, a été vécu comme une trahison par ses partisans.  

Un sentiment soutenu par les déclarations de l’avocat d’« El Mayo » au cours du mois d’août. Sa défense a accusé « El Güero Moreno » de l’avoir trahi pour précipiter son arrestation. Joaquín Guzmán López lui aurait demandé de venir à une réunion avec des responsables mexicains où il aurait été pris dans une « embuscade » puis « agressé par un groupe d’hommes, plaqué au sol, menotté, encagoulé, jeté dans un pick-up, violenté et forcé de monter dans un avion privé ».

« El Mayo » était, au moment de son arrestation, supposément à la tête du cartel de Sinaloa. « Il en est le créateur historique, avait la faction la plus puissante au sein de celui-ci et est soupçonné d’avoir été en charge de la corruption politique au sein de l’organisation », décrypte Frédéric Saliba. Une activité délaissée par les autres factions.

Le cartel de Sinaloa était le lieu de tensions modérées depuis l’arrivée sur le marché américain du fentanyl. Car les Chapitos se sont spécialisés dans la confection de cette drogue très addictive, simple à fabriquer et donc très lucrative. Mais l’hécatombe que provoque l’usage de cet opioïde aux États-Unis a braqué le regard de Washington sur le cartel. Les États-Unis ont renforcé leurs opérations suite aux overdoses liées aux opioïdes. « El Mayo » avait sommé les enfants d’« El Chapo » de stopper la production de fentanyl : or, si ceux-ci ont accepté, ils n’ont pourtant jamais arrêté. C’étaient « des tensions relatives à des gestions différentes et à un conflit générationnel […], mais elles n’étaient pas au niveau de ce qu’on peut voir actuellement », résume Frédéric Saliba. 

Après plus de trois mois d’affrontements, s’il est compliqué de savoir quel groupe prend l’ascendant sur l’autre, il semble que ce soient les partisans d’« El Mayo » qui résistent le mieux, profitant d’une meilleure organisation. (…)

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