L’éducation en Amérique latine au temps du coronavirus : éviter une catastrophe générationnelle ( Maurice Nahory / Espaces Latinos)

La pandémie de la COVID-19 a déclenché une crise éducative sans précédent en Amérique latine et dans les Caraïbes (ALC). La région a été l’épicentre de la pandémie ; nul pays n’a été épargné au cours de l’année 2020. La Banque mondiale, l’UNICEF et l’UNESCO soulignent que les pays de l’ALC ont été affectés de manière disproportionnée. Alors que débute une deuxième année avec la pandémie, on commence à mesurer son impact sur les enfants et les jeunes d’Amérique latine et des Caraïbes ainsi que les risques et les défis qu’elle impose à des économies affaiblies.

Photo : YouToube Mexique

Selon l’UNESCO, les deux tiers de la population étudiante mondiale est affectée totalement ou en partie par les fermetures des écoles pendant des mois. La pandémie mondiale a un impact sur tous les individus et leurs relations à la famille, à l’école, au travail, à la vie sociale et culturelle. Mais les enfants et les jeunes sont atteints de manière plus brutale dans leur développement et surtout avec des effets durables. La fermeture des écoles, qui entraîne la perte des apprentissages et l’abandon scolaire, en particulier pour les plus vulnérables, fait écrire à l’UNICEF que le risque encouru est une « catastrophe générationnelle ». Ce risque a été récemment mis en lumière par les organisations onusiennes pour la plupart des pays latino-américains où les inégalités sont profondes en matière de santé et d’éducation.

Les plus vulnérables dans l’ébranlement éducatif

Au plus fort de la crise, selon les données globales de l’UNESCO, plus de 1,6 milliard d’apprenants dans plus de 190 pays ont arrêté d’aller à l’école. Plus de 100 millions d’enseignants et de personnels scolaires ont été touchés par la fermeture des établissements d’enseignement, dont 63 millions d’enseignants du primaire et du secondaire.  En mars 2021, les deux tiers de la population apprenante mondiale sont touchés par des fermetures complètes ou partielles et les écoles de 29 pays restent totalement fermées.

En Amérique Latine et dans les Caraïbes, la COVID-19 a privé 97% des étudiants de la poursuite de leur éducation habituelle durant près d’une année. Cela signifie qu’environ 137 millions de filles et garçons n’ont eu aucune éducation en présentiel. Aux déficits scolaires sur les compétences de base qui auront des effets prolongés s’ajoute une augmentation prévue de 15% des abandons scolaires, alors que la région ALC enregistrait, avant même la pandémie, les plus grandes inégalités au monde en termes d’accès des élèves à une éducation de qualité.

Pour atténuer les pertes d’apprentissages, les pays de la région ALC ont dû improviser des réponses permettant, peu à peu, de gérer la continuité éducative. La plupart des écoles ont eu recours aux télévisions, aux nouvelles technologies, au téléphone ou à des contacts épisodiques et aléatoires. En réalité, les brèches économiques, sociales et éducatives se creusent durant cette crise qui se prolonge : les inégalités préexistantes sont amplifiées par la « fracture numérique ».

En effet, environ la moitié de la population mondiale (soit près de 3,6 milliards de personnes) n’a toujours pas de connexion Internet. Cela signifie qu’au moins 463 millions d’élèves, soit près d’un tiers de la population scolaire mondiale, n’ont pas accès à l’apprentissage à distance, faute de politiques publiques pour l’apprentissage en ligne et d’un manque d’équipement des familles pour se connecter depuis chez elles. Dans les écoles comme dans les familles, sans ordinateur ou sans connexion appropriée, les compétences numériques nécessaires n’avaient pas été acquises pour gérer des contenus éducatifs uniquement accessibles par ces moyens. Mais cette impréparation concerne aussi les enseignants. Selon le rapport récent de la Banque mondiale, au niveau de la région Amérique latine et Caraïbes, moins de 43% des écoles primaires et moins de 62% des écoles secondaires ont accès à l’Internet à des fins pédagogiques. Pendant les fermetures des écoles, en particulier dans les quartiers pauvres et les zones rurales, les enseignants ont été obligés d’enseigner à distance, sans avoir eu le temps de se préparer et en bénéficiant de ressources limitées ou inadaptées. En amont, les enseignants auraient eu besoin d’être formés et accompagnés pour adapter les programmes d’enseignement et les méthodes d’évaluation, afin d’atténuer les pertes d’apprentissage et d’empêcher les élèves vulnérables d’abandonner leurs études. En réalité, les enseignants ont dû modifier et improviser les programmes d’enseignement et s’adapter pour continuer un enseignement à partir de solutions de haute technologie, de basse technologie ou sans technologie du tout. (…)

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