🇲🇽 Élections au Mexique : une future présidente (Maya Laurens – Fondation Jean Jaurès / Nathaëlle Morissette / La Presse)


L’élection présidentielle au Mexique – dont le premier tour se tiendra le 2 juin prochain, couplé aux élections législatives fédérales – verra très certainement pour la première fois de son histoire une femme accéder à la présidence, les deux principales candidates, Claudia Sheinbaum et Xóchitl Gálvez, étant très nettement en tête dans tous les sondages.

Montage La Presse : Claudia Sheinbaum à gauche, Xochitl Gálvez à droite

Duel Sheinbaum-Gálvez : la future présidente mexicaine, garante de l’approfondissement des droits des femmes ? (Maya Laurens /Fondation Jean Jaurès)

Le 2 juin 2024, la population citoyenne mexicaine élira, pour la première fois de l’histoire du pays, une femme à la présidence. Maya Laurens, chargée de mission à la Fondation, analyse les positionnements politiques des deux postulantes, notamment sur l’enjeu des droits des femmes.

Photo Raquel Cunha, Archives REUTERS : Claudia Sheinbaum Pardo

Deux candidates et un candidat se sont affrontés sur le plateau de la chaîne nationale Milenio le 8 avril dernier, à l’occasion du premier débat présidentiel de la campagne. Un scénario suffisamment rare pour le souligner, d’autant plus que les sondages opposent bel et bien deux favorites. Alors que la montée des droites nationalistes vient menacer les droits des femmes et des autres minorités sur une partie importante du continent américain, des États-Unis à l’Argentine, la perspective d’une présidence mexicaine féminine interroge. La quatrième vague féministe violette et verte a été particulièrement conséquente dans ce pays où plus de 3000 féminicides sont recensés chaque année. En 2020, le gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador avait promis d’en finir avec « le machisme qui tue ». Cette déclaration coïncidait avec l’émergence de l’hymne féministe Canción sin miedo [Chant sans peur], écrit par l’autrice-compositrice Vivir Quintana et qui exigeait du président de ne pas oublier les noms des victimes.

Du côté de la coalition de gouvernement « Sigamos haciendo historia » [Continuons à marquer l’histoire], la candidate Claudia Sheinbaum s’illustre dans la continuité politique du président Andrés Manuel López Obrador (2018-2024), qui bénéficie jusqu’alors d’une certaine popularité de fin de mandat. Issue du parti Mouvement de rénovation nationale (MORENA), de centre-gauche, rallié au Parti du travail (PT) et au Parti vert écologiste du Mexique (PVEM), Claudia Sheinbaum prend principalement appui sur son expérience de cheffe de gouvernement de la ville de Mexico, poste qu’elle a occupé de décembre 2018 à juin 2023, avant de se consacrer aux primaires de MORENA. Sa campagne repose sur les succès, à nuancer, de la « quatrième transformation » du mandat en cours : continuité des réformes économiques, garantie d’un État social, droit des femmes.

Xóchitl Gálvez est à la tête de la coalition de centre-droit « Fuerza y Corazón por México » [Force et cœur pour le Mexique], composée du Parti action nationale (PAN) dont elle est issue, du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) et du Parti de la révolution démocratique (PRD). Issue de la communauté indigène Otomí, d’abord cheffe d’entreprise puis femme politique, Xóchitl Gálvez a travaillé aux relations autochtones sous l’ancien président Vicente Fox (2000-2006) et fonde sa légitimité politique sur sa proximité avec la population mexicaine en annonçant une élection « opposant l’État et les citoyens ». Sa candidature déjoue l’angle d’attaque du camp MORENA, qui déclarait se battre contre un adversaire « néolibéral », « conservateur » et « raciste ». Elle joue ses cartes de campagne sur la déception vis-à-vis du mandat AMLO et sur la nécessité de renforcer la paix et la sécurité.

Le troisième candidat, Jorge Álvarez Máynez, 38 ans, représentant le parti Mouvement citoyen, est loin derrière dans les sondages, qui affichent Claudia Sheinbaum à la tête des préférences (50,5% des intentions de vote), soit 21,7 points devant Xóchitl Gálvez (28,8%), alors que Jorge Álvarez Máynez recueille 4,8% des intentions de vote.

Deux profils féminins bien opposés donc, et que Xóchitl Gálvez souligne dès qu’elle le peut en dénonçant les torts politiques de « Claudia la fría » [Claudia la froide]. Le débat est souvent féroce. Toutefois, un point sur lequel les deux, et même les trois candidats s’accordent de manière étonnamment progressiste est l’approfondissement et la garantie des droits des femmes.

Claudia Sheinbaum honore le bilan d’AMLO, mettant en avant une baisse des indices nationaux de féminicide de plus de 40%, et table sur la nationalisation des mesures prises pour la ville de Mexico sous son gouvernement, telles que la loi « El agresor sale de casa » [l’agresseur quitte le foyer], la création d’un bureau du procureur chargé d’enquêter sur le crime de féminicide ou l’*765, nouvelle ligne téléphonique d’assistance aux femmes. En 2020, l’actuel président avait cependant provoqué la colère d’une partie de la société civile en déclarant qu’en temps de pandémie, 90% des appels pour violence domestique étaient fallacieux.

Xóchitl Gálvez table sur l’amélioration du système de réception des plaintes afin de « répondre à 100% des appels », la formation de psychologues et travailleurs sociaux et le transfert des délits mineurs à la justice civique, justice alternative, afin de garantir le traitement juridique des féminicides. Elle propose également la mise en place d’un fonds de solidarité pour les victimes de violences conjugales, afin que celles-ci puissent, avant tout, s’émanciper financièrement.

Les deux candidates s’accordent sur la nécessité de travailler à la spécialisation de procureurs en matière de féminicides, à la formation des inspecteurs du travail en entreprise et à l’obligation des pères à aider financièrement les mères en cas de séparation, via le système de pension.

Les droits des femmes coïncidant en partie avec ceux de la communauté transgenre et des communautés indigènes, le débat présidentiel a permis aux candidates d’afficher leur soutien aux politiques sociales antidiscriminatoires visant les deux minorités. Parmi les points de programme en commun : la nécessité de pénaliser les discriminations par leur insertion au Code pénal mexicain et la meilleure mise en œuvre de la « ley viviendas » [législation sur le logement] qui permet notamment un meilleur accès à l’eau potable et à l’électricité pour les femmes issues des communautés indigènes. Claudia Sheinbaum propose un amendement constitutionnel en faveur des communautés indigènes, Xóchitl Gálvez la création de postes destinés aux personnes en difficulté d’insertion professionnelle et victimes de discriminations. (…)

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Mujeres, c’est à votre tour (Nathanaëlle Morissette/ La Presse)

« Hoy, es tiempo de las mujeres ! » Elles s’appellent Claudia, Xochitl, Hannah, Clara, Circe, et elles ont toutes décidé de tenter leur chance aux élections du 2 juin, la plus importante de l’histoire mexicaine, où des postes de président, maire, gouverneur d’État et membre des chambres des représentants sont à pourvoir. Au terme de ce scrutin, une femme prendra vraisemblablement les rênes du pays, une première.

Photo Ulises Ruiz, archives AFP Xochitl Gálvez Ruiz

« [Il s’agira] de la première femme élue en Amérique du Nord et ça se passe au Mexique. Qui aurait pu dire ça ? », lance spontanément en entrevue Stéphanie Allard Gomez, déléguée générale du Québec à Mexico depuis 2017.

Au Canada, il y a bel et bien eu Kim Campbell. Mais celle-ci a pris la tête du Parti progressiste-conservateur (PCC) à la suite du départ de Brian Mulroney. Elle n’a pas passé le test des élections.Le Mexique, où il règne encore un machisme ambiant et où la sécurité des femmes demeure un enjeu, sera néanmoins le premier des trois amigos à accomplir cet exploit, remarque Lizbeth Ortiz Acevedo, journaliste mexicaine et féministe autoproclamée.Des trois candidats qui se présentent à l’élection présidentielle du 2 juin, deux sont des femmes : à gauche, Claudia Sheinbaum Pardo, et au centre droit, Xochitl Gálvez Ruiz. Elles sont en tête dans les intentions de vote, loin devant leur adversaire masculin, Jorge Álvarez Maynez.

« La Républica para las mujeres de México ! » « Un pays pour les Mexicaines. » Cette phrase, Claudia Sheinbaum la crie haut et fort à l’occasion de ses nombreux discours. Et ce message attire les femmes, nombreuses à venir soutenir celle qui est favorite dans les sondages, souvent avec leurs enfants, à l’occasion de différents rassemblements.

Le petit quartier de Xochimilco, célèbre pour ses gondoles colorées qui flottent sur des canaux, vibre en ce lundi soir de la fin d’avril aux rythmes de la salsa et de chansons partisanes. Une immense banderole souhaite « la bienvenida » à Claudia Sheinbaum, ancienne mairesse de Mexico et candidate mise de l’avant par l’actuel président Andrés Manuel López Obrador.

Obdulia Flores s’est rendue comme des milliers de personnes dans le centre de Xochimilco pour y entendre la candidate de la coalition du Parti Morena, du Parti vert écologiste du Mexique (PVEM) et du Parti du travail (PT).

« Nous avons besoin de changement pour faire avancer la cause des femmes », remarque Obdulia Flores, accompagnée de sa petite fille et d’autres membres de sa famille.

Non loin de là, des vendeurs déambulent avec des porte-clés représentant Mme Sheinbaum et Andrés Manuel López Obrador. Irena, 25 ans, entretient aussi de grands espoirs. « Elle va gagner, lance-t-elle d’un ton assuré pendant que sa fille joue par terre. C’est maintenant au tour des femmes. »

Des hommes sont présents, aussi. Comme Abraham Garcia, qui ne cache pas son enthousiasme. « Je trouve ça merveilleux qu’une femme puisse se lancer dans une campagne pour accéder à la présidence du Mexique après toutes ces décennies avec des hommes au pouvoir. Je pense que les femmes sont plus ouvertes que les hommes. C’est pourquoi je suis avec elle à 100 %. Le machisme, c’est rétrograde », ajoute-t-il. (…)

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