France Amérique Latine au Festival d’Avignon 2024 : un succès !
La présence de France Amérique Latine du 3 au 15 juillet 2024 dans le village du off du festival d’Avignon, et cette année pour la première fois dans le In, a donné lieu à de beaux moments culturels et à des échanges passionnants. Un grand merci à France Amérique Latine Vaucluse, aux artistes, militant.e.s, bénévoles et intervenant.e.s qui ont contribué à la réussite de cette édition. Rendez vous en 2025 ! Ci-dessous : revue de presse et compte-rendu.
FALMAG dans le IN et le OFF du festival d’Avignon 2024 (Fabien Cohen, secrétaire général de FAL)
Pour la quatrième année, France Amérique Latine, le comité FAL-Vaucluse et FALMAG ont été partenaires du Festival OFF d’Avignon Pour la première fois, FAL était également présente dans Ie IN, pour exprimer sa solidarité avec les peuples d’Amérique latine et de la Caraïbe et de leurs cultures.
Dans un contexte marqué par la diminution de la durée du Festival du fait des Jeux Olympiques, et par la dissolution de l’Assemblée nationale, FAL a multiplié ses activités à Avignon et centré ses interventions sur la question des migrations. En effet, l’Amérique latine est l’une des régions du monde où se sont développées le plus de problématiques migratoires, reflétées dans les pratiques culturelles.
Pour rappel, voir notre programme : France Amérique Latine au festival d’Avignon 2024
C’est ainsi que, dès le 3 juillet, au Café des Idées, en partenariat avec la revue Esprit, nous avons abordé la question de l’exil et des migrants lors d’un débat au Cloître Saint Louis, le cœur du Festival IN, avec Véronique Nahoum-Grappe anthropologue, Tamara Cubas créatrice de Sea of Silence et Lucie Laplace doctorante rattachée à l’Institut Convergences Migration et juge à la Cour nationale de Droit d’asile. Voir la vidéo de cette rencontre ici.
Toujours dans le IN, nous avons eu l’honneur d’accompagner l’artiste argentin Tiziano Cruz qui poursuit depuis deux ans une carrière internationale dans l’indifférence de son propre pays. Multiprimée, sa trilogie autobiographique porte la voix de la « périphérie » : originaire d’une communauté indigène de la région de Jujuy, il pose la question d’une population autochtone qui se sent étrangère dans son propre pays. FAL a largement contribué, en amont de la présentation de sa pièce Soliloquio, à la déambulation qui rappelle celle des migrants latino-américains ou des indigènes sur le « Grand chemin de l’Inca » passant par toutes les Andes, de la Colombie au Chili. Enfin, l’équipe «Avignon Festival et Compagnies», que nous remercions, nous a permis dans le cadre de sa démarche internationale, de mettre en avant le continent sud-américain, et notamment ces «cultures en migration», thème de la table ronde du 9 juillet, en partenariat avec ETC Caraïbe, avec Carlos Tous (Université de Tours, cultures hispaniques), Nathalie Conio Thauvin (Iva Company, Collectif artistes sans frontières) et Andrise Pierre (dramaturge haïtienne).
Une rencontre avec les huit compagnies théâtrales que nous avons soutenues cette année a également eu lieu, en partenariat avec le Vaucluse matin – Dauphiné libéré , et a été clôturée par un apéritif musical au son de la guitare d’Amando Risueño (el Canto del viento, Argentine).
Le 15 juillet, à l’occasion d’une journée caribéenne organisée dans les locaux de notre partenaire la Scierie, nous avons invité le public à se plonger dans «la révolution au fondement du théâtre caribéen franco-créolophone», avec une conférence sur «les mises en scène révolutionnaires dans le théâtre caribéen et leurs enjeux populaire», avec Axel Artheron, maître de conférences en études théâtrales à l’Université des Antilles et conseiller éditorial d’ETC Caraïbe, tandis que l’exposition Imbo nous a fait découvrir Linnet Luján, artiste cubaine exilée en Belgique, danseuse, comédienne et plasticienne. Autodidacte, elle réalise des œuvres qui évoquent les migrations, le voyage et les femmes dans une palette de couleurs lumineuses. Dans la soirée, la troupe amatrice de FAL Vaucluse a présenté la performance Almas Rojas (âmes rouges), de dans une mise en scène de Christine Matos, qui nous renvoie à ce que les peuples d’Amérique Latine et de la Caraïbe ont subi sous les dictatures. Cette journée s’est terminée par un feu d’artifice musical, avec le groupe Medusa, formé de neuf femmes portant haut les couleurs de la cumbia, née sur la côte caribéenne colombienne.
Le 16 juillet, notre présence à Avignon s’est conclue par une représentation de la pièce Conférence désarticulée sur Pablo Neruda, dans une mise en scène de Victor Quezada Perez avec la troupe amatrice de FAL, d’après un texte inédit de Luis Sepúlveda.
Cette magnifique programmation 2024 n’aurait pu avoir lieu sans la persévérance de Sonia Garcia Tahar et la participation active des membres de FAL 84 et de leur président, Bruno Brillard. Qu’ils et elles soient remercié·es pour leur travail. Elle a reçu le soutien du CRID et mobilisé de nombreux partenaires. Nous espérons que notre appel lancé lors de la première année de notre présence au Festival sera enfin entendu par les décideurs politiques et culturels de France, d’Amérique latine et de la Caraïbe pour donner toute sa place à la culture latino-américano-caribéenne dans cette enceinte du spectacle vivant d’Avignon.
La presse locale parle de FAL
Quelques œuvres que nous avons soutenues
«Soliloquio» (Tiziano Cruz) : un coup de poing dans le ventre du néocolonialisme (Sonia Garcia Tahar / Dauphiné Libéré)
Des cris joyeux et une explosion de couleurs. Au milieu de la rue de la République surgit un groupe métis et bariolé, à l’image de l’Amérique latine. La musique, entraînante, ameute vite la foule qui bat la mesure et suit le cortège. Drôle de cortège en réalité.
Tournoyant et se déhanchant, un homme d’origine indigène en slip blanc danse au milieu de ses amis en costumes folkloriques. Gêne. Bientôt la troupe s’arrête et l’homme se saisit d’un mégaphone. C’est Tiziano Cruz, artiste argentin, qui présente Soliloquio au Festival. Mais dans la rue, l’œuvre prend des allures de manifeste : « Vide de langage et vide de terre, fuyant la violence et la pauvreté, je me suis laissé violer par les institutions du pouvoir », clame l’artiste en espagnol. « Nous, les Sud-américains, sommes condamnés à être exotiques. » (…)
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Tiziano Cruz, le flamboiement du politique (Marina Da Silva / Blog du Diplo)
La révélation de la 78e édition du festival d’Avignon, c’est lui. Tiziano Cruz, pour la première fois en France, dans le « In », au lycée Mistral. Artiste indigène de la région du Jujuy, au nord de l’Argentine, dont les langues du quotidien sont autant le quechua de sa communauté autochtone des hauts plateaux andins que l’espagnol dans la version néolibérale du capitalisme actuellement orchestrée par le président d’extrême droite, Javier Milei.
Avec Soliloquio (me desperté y golpé mi cabeza contra la pared/je me suis réveillé et ai tapé ma tête contre le mur), créée en 2022, et Wayqeycuna (Mes frères), en 2024, deux volets d’une trilogie autobiographique qu’il entame en 2015, après la mort brutale de sa jeune sœur à l’hôpital, il produit un véritable choc esthétique et politique.
En 2019, Adios Matépac (Adieu père), la première pièce, replaçait cette disparition dans son contexte socio-politique. Se refusant à s’exprimer en espagnol, la langue coloniale qui recouvre la diversité culturelle de son pays et à laquelle elle ne voulait pas obtempérer, sa sœur avait perdu la vie par manque de soins. Ce mépris de race, de classe et de genre composera le fil rouge, sans cesse retissé, de ce triptyque puissant et dérangeant où il analyse l’invisibilité des corps indigènes : « Nous sommes migrant·es sur notre propre territoire. » En avril 2020, alors qu’il joue et affronte son deuil dans la solitude à Buenos Aires – il n’est pas rentré dans son village depuis six ans -, il est confiné de longs mois durant le covid et confronté à la menace de sa propre disparition et peut-être de celle du monde. Il écrit, sur cette période, 58 lettres à sa mère, nourrissant avec elle une nouvelle relation jusqu’à ce qu’elle ne soit à son tour emportée par le chagrin. Une trame existentielle dont il fait la matière vivante et enragée de sa performance. (…)
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«Soliloquio» : voir également l’entretien de FALMag avec Tiziano Cruz (numéro 157, juin 2024, pages 44 et 45)
«Los dias afuera» : une œuvre joyeuse et un tableau sans concession (Sonia Garcia Tahar / Dauphiné Libéré)
Un grand échafaudage, un écran qui le surplombe et une voiture de cinéma avec fond vert en arrière-plan. Telle est la scénographie de Los dias afuera , deuxième opus que l’artiste argentine Lola Arias créé avec des femmes cis (dont le genre est conforme à celui attribué à la naissance, N.D.L.R) et transgenres récemment sorties de prison, après la sortie de son film REAS.
Elles sont six. Ou plutôt « iels » sont six. On les sent dures. Et fragiles en même temps. Alors que le public plonge très vite dans une ambiance un peu ciné, avec des actrices qui ne parlent qu’avec micro, et chantent de tout leur cœur des airs populaires de cumbia, on mesure rapidement la prouesse qu’elles accomplissent en s’exposant ainsi aux yeux de tous, en affrontant les regards et les jugements sur leurs vies. Et quelles vies ! Très loin du théâtre documentaire, en composant avec les références culturelles qui sont celles de ses actrices, Lola Arias réalise avec beaucoup de générosité et de tendresse une œuvre joyeuse mais dresse un tableau sans concession d’une société argentine injuste et violente, où les plus pauvres n’auront jamais droit qu’au malheur. (…)
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«Los dias afuera» : voir également notre rubrique En images : «Dans les prisons pour femmes en Argentine» (FALMag numéro 157, juin 2024, pages 40 à 43)
«Monstres» / La Factory / Mise en scène : Elisa Sitbon Kendall, Gaïl-Ann Willig
C’est un moment bien agréable que nous avons passé avec Monstres, première création du collectif La Factory. La pièce évoque la difficulté de créer quand nos identités et nos imaginaires nous accompagnent à chaque moment de la vie. De fait, peut-on s’identifier à un autre sans être ostracisé comme l’a été André Schwarz-Bart, “petit juif” rescapé de la Shoah qui, ayant épousé Simone, guadeloupéenne, écrivit sur l’esclavage, lui un blanc. Partant de là, l’auteure, petite juive d’origine tunisienne, met en scène quatre personnages bien décidés à monter un spectacle sur un migrant haïtien et son attrait pour la culture afro-américaine. Rattrapée par l’identité et la critique de chacun de ses personnages, cette pièce nous interroge sur cette perpétuelle interpénétration entre nos cultures et nos envies, le jugement des autres et la liberté artistique. Un très bon moment poétique et engagé, une première pièce qui en appelle d’autres ! Fabien Cohen
«Le Cabaret des Mots» / Mise en scène : Victor Quezada-Perez
Pour célébrer ses vingt ans de collaboration avec l’écrivain Matéi Visniec, le metteur en scène Victor Quezada-Perez nous propose de jouer avec les mots incarnés par quatre clowns qui se retrouvent dans un grenier perdu, un lieu où les mots sont emprisonnés. Chacun d’entre eux joue avec les autres, nous proposant une réflexion sur le langage et la créativité. Il n’y a pas de clown sans humour ni sans tendresse et poésie. Ce voyage nous enchante et nous invite à découvrir le mystère des mots et leur capacité à construire des univers imaginaires par le simple fait de les associer d’une façon insolite ou contradictoire. Venus l’un de Roumanie, l’autre du Chili, les auteurs réussissent par leurs rêves et leurs énergies, à transformer leur paysage littéraire grâce à la poésie, arme du combat politique, de la contestation… mais aussi espace de liberté, terre d’asile philosophique. Fabien Cohen
«Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur» / Mise en scène : Charlotte Gosselin et Sélim Alik
Luis Sepúlveda nous a quittés il y a peu, mais sa littérature vit pour toujours.
Ce conte est à l’image de l’homme, de l’écrivain, celui qui met en doute nos certitudes en posant trop de questions, comme ce petit escargot, rejeté des siens, qui part à l’aventure pour trouver des réponses sur son identité de gastéropode. S’il découvre le monde, il prend aussi conscience que l’Homme est prédateur de la nature.
Écologiste, Luis Sepúlveda n’a cessé dans ses romans de donner la parole aux animaux, mais au-delà, l’écrivain humaniste a cherché à partager et transmettre aux jeunes générations comme aux familles, sa volonté de défendre les droits humains et ceux de la nature. En ces temps troublés par les avancées de l’extrême-droite en France et dans le monde, ce roman imprégné par la dictature chilienne est un appel à refuser d’adopter des réflexes de peuple soumis, d’accepter la contrainte et les normes. Par la poésie de ce texte et la qualité tant de l’animation que de la mise en scène, ce spectacle est pour les plus jeunes comme les anciens, un moment de rejet de l’asservissement des peuples. Il nous invite à ne jamais perdre la mémoire, des individualités et des noms, mais aussi de sa langue, de son Histoire, la petite comme la grande. Il en va de la Démocratie. Fabien Cohen
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«Los Guardiola: Fantaisie en sept rêves et demi» / Auteurs, interprétés: Marcelo Guardiola et Giorgia Marchiori / Mise en scène : Marcelo Guardiola
Il et elle n’ont pas eu d’Oscar, comme “The Artist”, et pourtant leur spectacle de mime et musical le mériterait, tant ces sept tableaux où le tango a la part belle nous bouleversent. Artistes de renommée internationale, ils maîtrisent tout au long de ce spectacle, à la fois la danse et le gestuel, et le langage de leur corps est universel tout comme leur musique.Ces Fantaisies sont un ravissement, un moment de pur plaisir et de poésie, d’humour et de découverte du tango dansé merveilleusement.
Tels les migrants, nous voyageons sans bagages mais pleins de rêves. Fabien Cohen
«Les Sept vies de Lucía O.» / Mise en scène : Marielle Nordmann
À travers la voix, le chant et le bandonéon, Eduardo García nous fait remonter le temps de celles et ceux qui ont migré en Argentine. Une véritable histoire d’un destin extraordinaire, qu’il nous conte avec humour et sensibilité.
D’un petit village isolé de Galice, dans cette Espagne des années 1930, Lucía va nous faire vivre ses différentes vies dans cette période si rude et si exaltante de l’histoire, côtoyant la générosité révolutionnaire des républicains espagnols et des brigadistes internationaux à la lâcheté de la période fasciste française. Rien ne sera épargné à cette jeune femme, qui sut trouver dans l’accueil argentin, la lumière au bout du tunnel de la guerre, de l’exil, de l’enfermement dans un camp, … pour trouver la paix et l’espoir.
En remontant son histoire familiale, l’auteur nous transmet cette impérieuse nécessité de se battre pour gagner sa liberté. Un moment de partage où la musicalité du bandonéon donne une atmosphère émotionnelle forte au spectacle. En cette période trouble en France comme dans le monde, ces sept vies en valent des millions d’autres qui cherchent elles aussi justice et bonheur. Fabien Cohen
«Fridalilogue» / Brigitte Bloch-Tabet / Mise en scène : Dominique Fataccioli
FAL ne pouvait passer à côté d’une telle rencontre, aussi fictive soit-elle, celle de Frida Kahlo avec Salvador Dali. Un tel duo n’aurait pu que s’affronter d’une manière cataclysmique et surréaliste. La Casa Azul aurait ainsi pu être, en cette année 1953, témoin de cet échange entre cette grande peintre révolutionnaire que fut Frida Kahlo, en fin de vie avec ces souffrances atroces, et l’exubérant, le narcissique Dali. Deux monstres de la peinture de leur époque, si éloignés l’un de l’autre.
Nous passons plus d’une heure à découvrir ces deux plasticiens, leur peinture comme leur personnalité que tout oppose, sauf la langue, mais aussi la fréquentation des mêmes galeries comme de ce même courant surréaliste. Un très bon moment de partage pictural, politique, philosophique et humain qui nous invite à découvrir ou à redécouvrir ces deux icônes du XXème siècle. Fabien Cohen
«Tebas Land» / Sergio Blanco / Mise en scène : Victor Garcia Peralta
Sergio Blanco nous plonge dès les premières minutes dans un espace-temps dont on sait qu’on ne sortira pas indemne. Durant plus d’une heure, deux personnages, l’auteur de la pièce et le meurtrier qui purge sa peine au fond d’une prison brésilienne, s’appuient l’un sur l’autre pour poser la question de la culpabilité dans un parricide et la fascination qu’elle engendre à l’homme de théâtre. Entre les deux, une relation complexe va se nouer, explorant les zones d’ombre de chacun. Le spectateur pour sa part s’interroge sur les limites d’un tel exercice où l’on invoque Œdipe pour évoquer les limites de la responsabilité du jeune meurtrier et soulager celle de l’écrivain de lui donner une tournure médiatique. La pièce questionne la responsabilité de l’écrivain dans la transformation d’un meurtrier en un objet de fascination médiatique.
Émouvant tout autant que captivant, ce grand succès public et critique des scènes brésiliennes mérite de triompher aussi en France, après Avignon. Fabien Cohen
«Bart et Balt» / Mise en scène : Stéphanie Chevara
C’est une jolie comédie, pleine d’humour et de dynamique sportive en cette période des Jeux olympiques, que nous propose Stéphanie Chevera à Avignon comme à Gentilly, cet été. Un succès qui doit beaucoup aux deux héros, inspirés de la vie des deux interprètes : Barthélémy Goutet et Balthazar Gouzou.
Ils nous plongent dans le monde hospitalier, si malmené et sous-doté, où finalement le sport est présenté comme un médicament efficace. Nourri par son expérience, réunie sur le plateau, ce duo burlesque fait preuve d’une forte vitalité face à l’adversité. Harcelé téléphoniquement durant ses consultations par une direction le sommant d’accélérer la cadence, le médecin va trouver dans l’hyperactivité sportive de son patient l’occasion de fuir cette situation tendue. Loin des restrictions budgétaires de l’hôpital, du manque de moyens et des tracas administratifs, la folie des JO leur ouvre les bras et la gloire olympique !
En cette période morose, rien de mieux que de passer dans ce monde parallèle drôle et réjouissant ! Fabien Cohen