🇬🇹 Guatemala: Bernardo Caal Xol, en tournée en Europe, se bat pour les droits de son peuple q’eqchi (Christophe Paget – RFI / Chantal Guillet / Espaces latinos)


Dans le nord du Guatemala, depuis les années 2010, la vie du peuple maya q’eqchi est bouleversée par la construction de centrales hydroélectriques sur le fleuve Cahabón. L’eau détournée pour ces centrales manque pour les cultures dont se nourrissent les communautés, les animaux qui vivent dans les fleuves meurent. Suite à de fausses accusations, Bernardo Caal Xol, qui se bat pour les droits de sa communauté sur le fleuve soient respectés, a été condamné à sept ans de prison. Libéré en 2021, il continue, malgré les menaces, de défendre son peuple q’eqchi.

Bernardo Caal Xol en 2021 (Photo Comité chrétien pour les droits humains en Amérique latine / CDHAL)

Bernardo Caal Xol : Au Guatemala, nous sommes vingt-trois peuples mayas, avec vingt-trois langues. J’appartiens à l’un d’entre eux, le peuple maya q’eqchi. Nous sommes plus d’un million de personnes, dans le nord du pays : les provinces de Petén, Alta Verapaz, Baja Verapaz, Izaval et Qiché.

Ce n’était pas normal de voir des machines déplaçant des pierres, détournant un fleuve. On s’est donc réunis avec toutes les communautés, et on s’est demandé : « que se passe-t-il avec le fleuve ? » Nous avons enquêté, et compris que c’étaient des centrales hydroélectriques, six centrales, qui étaient en train d’être construites sur le fleuve Cahabón. La plupart appartenaient à l’entreprise Cobra ACS de Florentino Perez, le président du club de football Real Madrid. Nous avons dénoncé ce qui se passait, mais dernièrement on nous a dit que Cobra ACS était maintenant entre les mains d’une entreprise française, Vinci.

Ce qui est important, c’est que les Français comprennent que Cobra ACS a commis des crimes contre l’environnement au Guatemala : elle a privé d’eau des milliers de familles du peuple maya q’eqchi, elle a appauvri beaucoup de ces familles, qui ont dû partir dans d’autres régions du pays, et aussi à l’étranger – le Mexique, les États-Unis… À cause de cet appauvrissement, et parce que nous ne pouvions plus cultiver notre nourriture, elle nous a mis en grand péril. Et en plus, les êtres qui vivaient dans l’eau – les poissons, les crabes, les escargots, sont morts. Ce sont des crimes graves, qui pourraient être considérés comme des crimes contre l’humanité. 

Nous avons commencé à revendiquer nos droits – parce que nous n’avions été ni consultés ni informés. Nous avons manifesté pacifiquement, et les cours de justice ont suspendu des licences de centrales hydroélectriques – ce qui a mis en colère toutes les Chambres du commerce, toutes les associations hydroélectriques, et elles ont lancé une campagne de diffamation et de calomnie contre moi, qui a abouti à deux mandats d’arrestation.

Je n’ai pas pu échapper au second, car ils m’ont accusé de délit aggravé (le vol de deux rouleaux de câbles d’une des entreprises hydroélectriques), et de détention illégale. J’ai été condamné à sept ans de prison, je suis sorti au bout de quatre pour bonne conduite. Mais le reste de la sentence est toujours en suspens, jusqu’en 2027. Ce qui ne me pose pas de problème, parce que je ne suis pas un criminel ou un délinquant : tout ce que je fais, c’est défendre les droits de mon peuple. Et ce que je fais aujourd’hui en Europe, c’est dénoncer l’emprisonnement injuste, demander que les entreprises respectent les peuples indigènes, et qu’elles ne criminalisent pas les défenseurs des droits humains. (…)

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La lutte de Bernardo Caal Xol pour les droits de l’homme et de l’environnement au Guatemala (Chantal Guillet / Espaces latinos)

Bernardo Caal Xol est un leader du peuple maya Q’eqchi au Guatemala, défenseur des droits de l’homme et surtout de l’environnement. Il a été emprisonné entre 2018 et 2022 pour s’être opposé à des projets de constructions de centrales hydroélectriques par des multinationales le long du fleuve Cahabón dans sa région de Alta Verapaz. Il a été libéré grâce à une campagne lancée par Amnesty International, après l’avoir choisi comme prisonnier d’opinion. Nous l’avons rencontré à Paris lors d’une tournée qu’il fait en Europe depuis février.

Photo : Vie catholique

Il y a eu plusieurs objectifs : faire connaître la situation au Guatemala, que l’on vit nous les peuples indiens, le fait d’être marginalisés, la discrimination et le racisme qui existe de la part du système, des structures gouvernementales au Guatemala. On est allé à Genève pour dénoncer l’atteinte aux droits de l’homme au Guatemala contre les peuples autochtones car on n’informe pas suffisamment sur les conséquences qu’ont les entreprises extractives sur ces communautés. Qu’on arrête aussi de criminaliser les défenseurs des droits de l’homme. On a proposé aux représentants qu’ils viennent au Guatemala, pour qu’ils enquêtent officiellement sur ce qui se passe et en faire un rapport devant les Nations unies. Il y a actuellement plusieurs leaders indiens en prison parce qu’ils ont lutté contre ces entreprises et le saccage du territoire. Il faut qu’il y ait une plainte officielle, internationale contre ces emprisonnements. Au Guatemala on a recensé 2 270 attaques contre des personnes défendant les droits fondamentaux en 2022.

D’autre part, comme plusieurs organisations m’ont soutenu lors de l’emprisonnement injuste que j’ai subi de la part d’entreprises extractivistes et du système de justice dans mon pays, je suis venu rencontrer ces organisations, mais aussi des établissements scolaires, des universités. Amnesty avait réuni de nombreux courriers en ma faveur. Je suis donc allé les voir pour leur montrer que maintenant je suis libre et les remercier pour toutes ces lettres envoyées. Et aussi pour exiger la justice face à toutes les injustices qu’il y a dans mon pays. J’ai eu des rendez- vous au niveau diplomatique pour faire connaître la criminalisation que nous avons subie, nous les défenseurs des droits de l’homme, en particulier au Guatemala où le risque est très élevé si l’on veut défendre les droits de tous. On parle de « criminalisation » parce que dans mon cas, sans avoir commis aucun délit , la police m’a arrêté par décision de justice et on m’a mis en prison au milieu de criminels, pendant plus de quatre ans. Voilà ce que fait la justice de mon pays qui en plus saccage nos territoires où vivent les communautés autochtones.

Nous, les peuples indiens, nous protégeons les biens de la vie, les ressources naturelles, les forêts, les fleuves, les montagnes et lacs, les sources d’eau. Parce que depuis l’enfance on nous explique que l’homme et la femme maya ne peuvent pas vivre sans le maïs, et tout vient de la terre, la tomate, l’oignon, la betterave, etc… tout ce que consomme en particulier l’être humain. Pour ceux qui vivent à la campagne, c’est la terre qui nourrit les peuples autochtones. C’est pour cela qu’on l’appelle « la terre mère ». Si elle nous donne tous ces aliments, pourquoi la détruire ? Mais d’autres la voient comme une marchandise, s’attaquent à tous ces biens, ces ressources naturelles. Ils disent qu’elles sont épuisables, inépuisables ou ils trouvent d’autres terres pour continuer à faire du profit sur tous ces biens que nous avons protégés. Au Guatemala, nous avons nos fleuves. Nous les avons utilisés pour nager, pêcher, laver le linge. Et mes ancêtres les ont utilisés comme moyen de transport pour communiquer entre les différentes communautés. Par exemple, il y a des lieux où ont vécu mes ancêtres mayas à Tikal, Palenque, Uaxactum… Au milieu de ces cités, il y a des fleuves comme le Sumasinta, le Cahabón, l’Oxec. Ils ont protégé tous ces fleuves. Par exemple, le fleuve Motagua qui fait 486 km traverse plusieurs villes mayas, et il arrive jusqu’au Honduras où il y a une cité maya Copán. Des gens ont cherché à faire de l’argent avec ces fleuves, avec l’eau. Ils ont construit des centrales hydroélectriques sans demander l’avis des populations et l’électricité produite ne va même pas aux communautés mayas. (…)

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