Haïti : l’assassinat du président « est le marqueur de la privatisation de toutes les institutions publiques » (Frédéric Thomas / Bastamag)


Le président d’Haïti, Jovenel Moïse, a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet. Cet acte jette une lumière crue sur le pouvoir haïtien et sur la complicité internationale dont celui-ci n’a cessé de jouir, analyse le chercheur Frédéric Thomas.

Dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, le président haïtien, Jovenel Moïse, a été assassiné. L’impact médiatique a été redoublé par les ramifications internationales et les circonstances du crime, ainsi que par l’imbroglio institutionnel qui s’ensuit. Une vingtaine de mercenaires colombiens – dont plusieurs paraissent avoir été des informateurs du FBI et de la DEA (Drug Enforcement Administration), des agences de sécurité privée de Floride, le responsable de la garde présidentielle, sous le coup d’une investigation de Washington pour trafic d’armes, et des citoyens à la double nationalité, haïtienne et états-unienne, sont impliqués.

Depuis, deux premiers ministres, l’un tout juste désigné, mais pas encore entré en fonction, l’autre, ayant été remercié quelques jours plus tôt, se disputent le pouvoir. Des photos du corps de la victime, à la morgue, circule sur les réseaux sociaux, tandis qu’est diffusé un message vocal de la Première dame, blessée et soignée aux États-Unis, qui pourrait bien être un faux. Chaque jour apporte son lot de découvertes. Mais ce qui se donne à voir comme un spectacle doit être brisé.

Impossible ici de signaler tous les détails troublants et incohérences. Relevons-en cependant quelques-uns parmi les plus significatifs. La facilité avec laquelle les assassins ont opéré. Ils ont passé la frontière, ont demeuré dans la capitale haïtienne – pour certains, des semaines durant (en logeant dans une maison appartenant à une femme proche du pouvoir) –, se sont procurés armes et véhicules, sans éveiller le moindre soupçon. Surtout, ils ont eu facilement accès à la résidence présidentiel et n’ont trouvé aucune résistance. Et ils auraient assassiné Jovenel Moïse, non comme des tueurs professionnels, mais comme des mafieux : douze balles, précédées semble-t-il d’actes de tortures.

Jovenel Moïse est la victime d’une violence qu’il a instrumentalisée

Il existe aussi un double décalage étonnant : entre le professionnalisme des mercenaires et l’absence de stratégie de fuite. Voilà des spécialistes, lourdement armés, ayant abattu un président, et qui se laissent « cueillir », quelques heures plus tard sans opposer de résistance ? Trois d’entre eux ont été tués, mais sans qu’on sache dans quelles circonstances. Ce qui nous amène au second paradoxe, plus saisissant encore : l’efficacité de la police haïtienne. En moins de quarante-huit heures, cette institution défaillante, qui brille par son inaction et son absence dans la lutte contre les bandes armées, dont les enquêtes n’aboutissent jamais, arrête la majorité des suspects (cinq seraient encore en fuite), mieux formés et mieux armés qu’elle. (…)

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Voir également Assassinat du président haïtien (déclaration de la plateforme française de solidarité avec Haïti et revue de presse)