🇭🇹 Haïti : la solution volée (Frédéric Thomas / CETRI) / Grand Angle : l’ONU appelle à envoyer une force d’intervention internationale en Haïti (vidéo – TV5 Monde)


Il y a deux ans, était assassiné le président haïtien, Jovenel Moïse. L’ONU développe ces dernières semaines une offensive diplomatique pour appuyer l’envoi d’une force internationale sur place. La communauté internationale s’obstine à passer à côté de la solution avancée par une grande partie de la société civile haïtienne.

Mission de paix de l’ONU en Haïti, 2016 (Photo : Marinha do Brasil)

Il y a deux ans, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, le président d’Haïti, Jovenel Moïse, était assassiné. Si la plupart des exécuteurs – dont dix-huit mercenaires colombiens – ont été arrêtés et sont incarcérés en Haïti et aux États-Unis, le flou demeure quant aux commanditaires. L’hypothèse la plus probable est que cet assassinat résulte d’un règlement de compte interne entre des clans de l’oligarchie locale. Mais, l’enquête, côté haïtien, est au point mort.

Depuis, Haïti s’enfonce dans une crise sans fin. La moitié de la population vit dans l’extrême pauvreté et en insécurité alimentaire, et les gangs armés, qui violent et tuent, contrôlent 80% de la capitale, Port-au-Prince. Au cours du premier trimestre 2023, 1634 personnes ont été enlevées, blessées ou tuées dans la zone métropolitaine, soit 28% de plus qu’à la même période en 2022. L’appel humanitaire lancé par l’ONU pour 2023 s’élève à 720 millions de dollars (662 millions d’euros), soit plus du double de l’année dernière et le montant le plus élevé depuis le séisme de 2010.

Depuis janvier de cette année, il n’y a plus un seul élu en Haïti et le soutien international au gouvernement du Premier ministre, Ariel Henry, est proportionnel à son impopularité sur place. Les analystes peuvent encore discuter longtemps pour savoir ce qui, dans son inaction, relève de son incapacité ou de son indifférence, de sa corruption ou de ses liens avec les bandes armées. Le résultat est là : depuis qu’il est au pouvoir, à la suite du meurtre de Jovenel Moïse, les gangs ont gagné en puissance, l’impunité règne et la situation se dégrade de façon accélérée.

Offensive diplomatique

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, était, début juillet, à Port-au-Prince. Sa visite avait été précédée par celles des directrices exécutives du Programme alimentaire mondial (Pam) et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et de l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits humains dans le pays.

Ces dernières semaines donnent donc lieu à une véritable offensive diplomatique internationale. Antonio Guterres a appelé la communauté internationale à ne pas oublier Haïti et à faire davantage. C’est le même message qu’il a porté, quelques jours plus tard, en présence d’Ariel Henry, au Sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (Caricom), à Trinidad-et-Tobago.

Les discours des émissaires onusiens se ressemblent et adoptent la même argumentation en deux temps : ils disent l’horreur de la situation pour mieux souligner les signes d’espoirs qu’ils s’obstinent à trouver dans la moindre déclaration ou nomination gouvernementale sans effet. Seul le Fonds monétaire international (FMI) se montre plus positif, estimant que la politique économique poursuivie – et dictée par lui – va dans le bon sens. Si seulement plus d’Haïtien·nes pouvaient lire les rapports de l’institution financière internationale.

Les diplomates et journalistes évoquent le vacuum politique depuis l’assassinat de Jovenel Moïse. Mais il faut, en réalité, remonter au soulèvement populaire de 2018 pour trouver la cause immédiate de la crise actuelle. Au cours de l’été et de l’automne de cette année-là, des centaines de milliers d’Haïtiens et Haïtiennes sont descendu·es dans les rues. Ils disaient leur ras-le-bol de la vie chère et de la corruption, et, par-delà, d’une oligarchie qui vivait du mépris et de la dépendance du pays.

Au milieu de cette contestation, les 13 et 14 novembre 2018, dans le quartier populaire de La Saline, à Port-au-Prince, eu lieu un massacre de grande ampleur. Le premier d’une longue série. Depuis, il y en a eu une quinzaine d’autres. Tous sont restés impunis. La Saline marque à la fois la montée en puissance des gangs, l’usage de la terreur pour réprimer la population et le resserrement des liens entre l’élite et les bandes armées. Elle marque également la substitution des questions sécuritaire et humanitaire à celles de justice et de changement mis en avant par les Haïtiens et Haïtiennes.

L’agitation diplomatique d’Antonio Guterres a ainsi un objectif plus immédiat. Ces jours-ci Haïti sera à nouveau à l’agenda du Conseil de sécurité. Et sera remis sur la table, la demande faite par Ariel Henry, le 7 octobre 2022, de l’envoi d’une force armée internationale pour prétendument lutter contre les gangs et, plus sûrement, assurer son pouvoir. Au vu de l’absence de consensus aux niveaux international et national – la Russie et la Chine et, plus encore, une grande partie des Haïtien·nes sont opposé·es à une telle intervention – et malgré la pression de Washington, aucun État n’a jusqu’à présent osé prendre le leadership d’une telle mission.

« Je continue d’exhorter le Conseil de sécurité à autoriser le déploiement immédiat d’une force de sécurité internationale robuste » a réaffirmé le Secrétaire général de l’ONU à la fin de sa visite en Haïti. Il faut dire que la crise embarrasse Antonio Gutteres. Elle met en exergue la faillite de la diplomatie onusienne, les divisions au sein du Conseil de sécurité et le manque d’indépendance par rapport à la Maison blanche. L’envoi d’une force multinationale permettrait de reprendre la main. Et d’écarter les alternatives qui sont sur la table. (…)

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Grand Angle : l’ONU appelle à envoyer une force d’intervention internationale en Haïti (TV5 Monde)

Qui pour venir en aide aux Haïtiens ? Depuis deux ans, depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, le pays s’enfonce dans la misère, le chaos, la violence. Un sommet vient de s’achever dans les Caraïbes, en présence du chef de l’ONU et du secrétaire d’État américain Antony Blinken.

Ornella Braceschi, présidente du Collectif Haïti de France, et Christine Houblon de l’association des Maires de Guadeloupe, répondent à nos questions.

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