Manaus, dernier cercle de l’enfer pandémique (Chantal Rayes / Le Temps)

Alors que la principale ville d’Amazonie est en proie à un variant très agressif du Covid-19, l’oxygène manque et les malades sont livrés à eux-mêmes. De jour comme de nuit, elles passent à toute allure, avec en bruit de fond leurs sirènes hurlantes. À Manaus, le ballet des ambulances est incessant. 

Des proches de malades achètent des bonbonnes d’oxygène à Manaus le 18 janvier. © REUTERS/Bruno Kelly

João Mendes, secouriste, cherche à détendre l’atmosphère avant de reprendre un ton grave: «Manaus est face à une crise sanitaire sans précédent.» Et pourtant, il y a des jours où les ambulances sont à l’arrêt. «Comme les hôpitaux sont saturés, ils retiennent nos civières pour mettre les malades dessus. Désormais, ils n’admettent plus personne. Nous devons aller d’un hôpital à l’autre, avec le malade à bord, pour essayer de trouver une place.»

L’État de l’Amazonas présente désormais le taux de transmission le plus élevé du Brésil, troisième pays le plus touché en nombre de cas et deuxième le plus endeuillé, avec 217 000 décès sur près de 9 millions de malades. Le «variant brésilien» détecté dans la région serait plus contaminant et agressif. «On voit désormais des malades de tous les âges, et plus seulement des personnes âgées ou atteintes de comorbidités», décrit le docteur Germán Chaname Tello, qui pratique dans une clinique publique. Ici aussi, il faut refuser du monde.

Pour le praticien, la saturation des structures de soins – déjà insuffisantes avant la pandémie – a été aggravée par la fermeture des hôpitaux de campagne après la première vague du printemps dernier: «Les autorités semblaient convaincues que l’épidémie était déjà derrière nous.» Mais il y a eu les fêtes de fin d’année, les vacances d’été, les pressions des milieux d’affaires pour relâcher la quarantaine… La santé privée a été la première à saturer, «mais eux ont de l’argent pour accroître leur capacité d’accueil», fait remarquer l’infirmière Stela Batista.

Le mythe de l’immunité collective

En juin dernier, Manaus caressait l’espoir d’être la première ville du Brésil à vaincre le nouveau coronavirus. Après le pic épidémique du mois d’avril, le nombre de cas et de décès reculait régulièrement, malgré la réouverture des commerces et des écoles. La capitale de l’Amazonas pensait alors avoir atteint l’immunité collective, comme le suggérait une étude avançant que jusqu’à 76% de ses 2,2 millions d’habitants, les Manauaras, avaient développé des anticorps. La publication de cette étude, très critiquée, aurait contribué à l’abandon des gestes barrières. Depuis, ses auteurs, une équipe internationale de haut vol, semblent rétropédaler. «L’immunité collective pourrait ne pas avoir eu lieu, écrivent-ils à la mi-janvier dans la publication scientifique Science. Nous avons observé une rapide chute des anticorps à Manaus, où les événements révèlent la tragédie que représente le virus si on le laisse courir.»

C’est particulièrement vrai dans une métropole qui concentre à elle seule la moitié de la population de l’Amazonas, le plus grand État du Brésil, encore presque entièrement recouvert par la forêt amazonienne. «Cette densité populationnelle dans le chef-lieu a été le prix à payer pour protéger la forêt», explique le chercheur Marcus Lacerda. Selon lui, les pluies à longueur d’année qui forcent à s’abriter à l’intérieur sont un autre facteur favorisant la transmission du virus. (…)

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