🇨🇱 🇫🇷 Participation de FAL à la commémoration du 11 septembre 1973 à Paris. Cinquante ans : ni pardon ni oubli !


Dans le cadre de la commémoration des cinquante ans des coups d’État au Chili et en Uruguay, FAL, l’Association des Ex-Prisonniers Politiques Chiliens en France, et ¿Dónde están? ont participé à un rassemblement qui s’est tenu lundi 11 septembre place Salvador Allende, rue de Grenelle à Paris à partir de 17h, en présence de nombreux·se·s représentant·e·s de partis politiques et de syndicats français, organisations de solidarité et organisations chiliennes et latino-américaines. Pour ne jamais oublier !

Prise de parole de Renata Molina, co-présidente de France Amérique Latine

Mesdames messieurs, 
Chers amis, 
Chers camarades, 

C’est une grande émotion pour moi et pour France Amérique Latine d’être ici ce soir pour commémorer ensemble les cinquante ans du coup d’État militaire sauvage et sanglant du 11 septembre 1973 au Chili. Grande émotion aussi parce que je suis chilienne et française et fille d’un détenu disparu de la dictature. 

Émotion que partagent les Chiliennes et les Chiliens de France, leurs amis, leurs compagnons d’exil, leurs racines et familles au Chili comme les racines que nous avons prises ici dans ce pays qui est le nôtre aujourd’hui. 

Nous avons bien sûr une pensée pour nos camarades uruguayens qui connurent cette même année 1973, un coup d’État le 27 juin. 

C’est aussi une émotion pour toute l’association France Amérique Latine, tant notre histoire est liée au Chili. Nous nous sommes créés en novembre 1970, en écho à la victoire de l’Unité populaire avec l’élection de Salvador Allende. Cette victoire de la gauche était porteuse d’une ambition révolutionnaire par les urnes. Elle a été et reste un coup de tonnerre, au cœur de la guerre froide. 

Pour le capitalisme et la classe dominante d’abord, qui pouvait voir le peuple chilien prendre son destin en main – dans sa diversité et dans sa force, dans le dénuement des campagnes et des poblaciones, comme dans la richesse des cultures, de la création et des chants -. L’élan créé par la victoire d’Allende secouait le monde et FAL en fut une conséquence. 

Trois ans plus tard, notre association et beaucoup d’autres refusaient le coup d’État sanglant de Pinochet et organisaient déjà la solidarité internationale avec toutes celles et tous ceux qui refusaient l’assassinat de la démocratie. Des milliers de femmes et d’hommes sincères, engagés, courageux, chiliens bien sûr et français aussi. Ouvriers, artistes, étudiants, paysans et citadins, prêtres, communistes, trotskystes, syndicalistes et tant d’autres… ils se battirent autant que possible. 

Les personnes exilées, emprisonnées, torturées, tuées, disparues et survivantes restent liées… et leurs enfants et petits-enfants aussi. La lumière continue de chasser encore aujourd’hui des zones d’ombre de l’horreur et de la folie répressive. 

Encore aujourd’hui, il est des pudeurs que nous devons dénoncer. Des vérités à dire plus crument qu’en se réfugiant derrière l’allusion pudique et désolé qu’est devenu le plan Condor. 

La vérité, c’est que la CIA a embauché et reclassé des anciens nazis comme Klaus Barbie ou des tortionnaires français comme Aussaresses pour former les juntes, les services spéciaux et les tortionnaires du continent sud-américain. 

La vérité c’est que les États-Unis, eux qui se font systématiquement appelés « les Américains » comme s’ils étaient les seuls habitants de nos continents, refusaient de voir les peuples et les richesses de l’Amérique latine et de la Caraïbe échapper à leur prédation pour nourrir leur machine impérialiste mondiale. 

La vérité – et particulièrement au Chili – est qu’il fallait un terrain d’expérimentation à l’école de Chicago et au néo-libéralisme de guerre. Un endroit où tout privatiser, tout marchandiser allant jusqu’à vendre nos fleuves et nos rivières. 

Après près de 20 ans de dictature et 30 ans de lent processus de déconstruction, la bataille est encore loin d’être gagnée. 

Le Chili comme son peuple, plongé dans cette crise internationale écologique, économique, culturelle, identitaire, alimentaire, climatique, énergétique entre autres, hoquète pour sortir à nouveau et pour de bon de sa mise au pas de 1973 par les États-Unis et le néo-libéralisme autoritaire. 

Le peuple chilien se révolte en 2019 et obtient une constituante. Mais l’extrême-droite négationniste réussit à reprendre la plume d’une constitution post Pinochet. 

La gauche emporte une présidentielle face aux nostalgiques de la dictature mais les crises et les institutions mondiales étranglent le Chili. 

50 ans plus tard donc, le combat qui se mène au Chili est révélateur de celui qui se mène à l’échelle du monde et de toute l’Amérique latine et de la Caraïbe. 

Cette année, FAL, avec nos amis de l’association d’ex prisonniers politiques chiliens et nos amis de l’association Donde Están ?, avec toutes celles et tous ceux qui le souhaitent ou voudront construire des choses avec nous, nous allons certes commémorer, raconter, montrer, expliquer ce qui s’est passé. Bien sûr, nous le ferons.  

Mais nous allons aussi et surtout parler d’aujourd’hui et regarder et préparer demain. C’est ce que nous avons toujours fait ! 

Modestement et avec toute notre détermination, nous le dirons encore. 

  • Parce que nos morts, nos disparus, nos exilés, nos combattants et leurs enfants et petits-enfants sont présents. 
  • Parce que nous sommes terre, eau, feu, air, racines et boutures 
  • Parce que la vie trouve toujours son chemin 
  • Parce que les peuples originaires et leurs cultures nous irriguent et se répandent 
  • Parce que la terre, la planète nous appelle. 

Et pour reprendre les derniers mots de Salvador Allende : 
¡ Viva Chile, viva el pueblo, vivan los trabajadores ! ¡ La lucha continua ! 
¡ Compañero Salvador Allende ! ¡ Presente ! ¡ Ahora y siempre ! 







(Photos de Fabien Cohen et de Gérald Lebrun)