Pérou : nouveau remaniement ministériel (revue de presse)


Le président Pedro Castillo vient de nommer un nouveau gouvernement suite à la démission de la Première ministre et du ministre de l’Intérieur qui lui reprochaient de ne pas s’attaquer à la corruption. C’est le troisième gouvernement depuis sa prise de fonction il y a six mois. Le nouveau Premier ministre, Héctor Valer est un avocat qui a oscillé entre les partis politiques et a été élu au Congrès pour la première fois l’année dernière. Sa nomination a soulevé de très nombreuses critiques. De manière générale, le nouveau gouvernement opère un virage vers le conservatisme.

Pérou : nouveau remaniement ministériel
sur fond de profonde crise politique
(Amanda Chaparro / Le Monde)

Six mois après son entrée en fonctions, le président de gauche, Pedro Castillo, a nommé au poste de premier ministre un conservateur membre de l’Opus Dei.

Pedro Castillo et le nouveau Premier ministre, Héctor Valer. Photo : Congreso

La crise au sein de l’exécutif couvait depuis plusieurs semaines. Les tensions n’avaient fait que croître entre le président de gauche, Pedro Castillo, et son ex-ministre de l’intérieur, Avelino Guillén, ex-procureur anticorruption et figure publique respectée, connu pour son rôle dans les procès contre l’ex-autocrate Alberto Fujimori (1990-2000).

À l’origine de la rupture : des désaccords sur la nomination à des postes-clés de la police nationale, et la demande ignorée de M. Guillén de révoquer le commandant général, sur fond de soupçons de corruption. Une crise de confiance, qui a également entraîné le départ de la première ministre, Mirtha Vasquez, militante des droits humains et de l’environnement, précipitant l’annonce de M. Castillo, lundi 31 janvier, de renouveler entièrement son cabinet, pour la seconde fois depuis son arrivée au pouvoir, à la fin de juillet 2021.

Mais le cabinet présenté mardi soir fait déjà l’unanimité contre lui, à gauche comme à droite : il est débarrassé de ses figures de la gauche progressiste, dépourvu de figure politique majeure et sans atout à faire valoir, comme l’était l’ex-ministre de l’économie, l’économiste de gauche modéré Pedro Francke. En poste depuis le début de la présidence de M. Castillo, il se présentait comme le garant de la stabilité économique du pays, ayant su rassurer les investisseurs, paniqués par l’arrivée d’une gauche dite « radicale » au pouvoir.

Rejet croissant de l’exécutif

Cette fois, le gouvernement de Castillo opère un virage vers le conservatisme social. L’annonce du choix du nouveau premier ministre, Héctor Valer, député élu en avril 2021 au Congrès sous l’étiquette du parti ultraconservateur Renovación Popular – avant de s’en séparer pour se positionner au centre –, et membre de l’Opus Dei, a dérouté dans les rangs de la gauche. La révélation par la presse, mercredi, qu’il avait été dénoncé pour avoir commis des violences contre son épouse et sa fille, a soulevé l’indignation de collectifs féministes et de parlementaires, qui ont exigé son départ.

Autre poste controversé, celui de la ministre des femmes et des populations vulnérables, Katy Ugarte, une enseignante de 50 ans, dont les propos réactionnaires sur l’approche du genre ont douché les derniers espoirs des progressistes. Divers collectifs féministes ont mis en garde contre un clair « recul dans la lutte pour l’égalité ».

Avec ce nouveau cabinet, Pedro Castillo tente pourtant de sauver sa présidence. En six mois à la tête du pays, il a réussi à mécontenter une large part de l’opinion publique, l’opposition et une partie de ses soutiens. Les enquêtes d’opinion témoignent d’un rejet croissant de l’exécutif. Un sondage de l’Institut des études péruviennes, diffusé dimanche, indique que 61 % des sondés désapprouvent le gouvernement, un des pires scores en six mois. Manque de réformes majeures, manque de cap, valse ministérielle et une image de président distant, taiseux et énigmatique, qui n’inspire pas la confiance : telles sont les principales critiques à son encontre. (…)

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Au Pérou, le virage à droite du président Castillo
provoque une crise politique
(rédaction de Médiapart)

À peine six mois après son entrée en fonction, le président péruvien de gauche a nommé lundi son troisième gouvernement. Mais sa décision de nommer comme premier ministre un homme politique conservateur accusé d’agressions physiques envers sa femme et sa fille suscite l’indignation.

Trois gouvernements en six mois. Et peut-être bientôt un quatrième… Le Pérou affronte de nouveau une sérieuse crise politique après la décision lundi 31 janvier du président de gauche Pedro Castillo de nommer comme premier ministre un homme politique conservateur, Héctor Valer, qui avait été accusé par sa femme – décédée en 2021 – et sa fille de les avoir agressées physiquement.

Des centaines de femmes ont signé une pétition pour dénoncer cette « désignation qui [les] agresse ». Elles s’indignent également de la nomination au poste de ministre de la défense de José Luis Gavidia, un ancien militaire qui non seulement a minimisé les accusations portées à l’encontre de Héctor Valer – « Ce sont des sujets personnels », a-t-il dit aux journalistes –, mais qui est également soupçonné de harcèlement envers sa femme. 

Une manifestation a été convoquée vendredi à Lima devant le ministère de la femme et des populations vulnérables, dont la nouvelle titulaire, une enseignante, est aussi l’objet de critiques en raison de ses prises de position conservatrices sur l’éducation aux questions de genre. 

Divorce avec le parti de gauche Nuevo Péru

À l’occasion de ce remaniement, Pedro Castillo – ancien maître d’école élu en juin 2021 face à une candidate de droite, Keiko Fujimori, fille de l’ancien président Alberto Fujimori – a aussi perdu le soutien du parti de gauche Nuevo Perú et de sa dirigeante Verónika Mendoza, qui l’avait rallié à l’issue du premier tour de la présidentielle, où elle était arrivée en sixième position. (…)

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L’interminable valse des ministres
(François-Xavier Gomez / Libération)
[article publié avant la nomination du nouveau cabinet]

Le président de gauche Pedro Castillo, en fonction depuis six mois, doit nommer un nouveau gouvernement : la Première ministre et le ministre de l’Intérieur ont démissionné, lui reprochant de ne pas s’attaquer à la corruption.

En six mois de présidence, l’ex-instituteur rural Pedro Castillo a déjà usé deux Premiers ministres, et s’apprête à en nommer un (ou une) troisième. Lundi [31 janvier], il a été lâché par Mirtha Vásquez, nommée en octobre en remplacement de Guido Bellido, dont le radicalisme effrayait les milieux d’affaires et les investisseurs étrangers. Le départ de la Première ministre, survenu trois jours après celui du ministre de l’Intérieur, entraîne un renouvellement complet du gouvernement. Dans sa lettre de démission, Mirtha Vásquez met en cause sans langue de bois «le remplacement d’un dirigeant hautement contesté de la PNR», la police nationale. Le départ du ministre de l’Intérieur, Avelino Guillén, est en effet intervenu après le bras de fer qui l’a opposé au commandant général de la police, Javier Gallardo, le «dirigeant contesté» évoqué par l’ex-cheffe du gouvernement

Généraux à la retraite

En novembre, le Président avait nommé 25 nouveaux généraux. Un mois plus tard, 18 généraux en place étaient mis à la retraite. Parmi eux, les deux principaux responsables de la région de Lima lors de la répression de protestations en novembre 2020, avec un bilan de deux manifestants tués. Mais à ce jour, aucun des nouveaux gradés n’a reçu son affectation, car Gallardo et Guillén étaient en désaccord sur la liste des partants. Confronté au refus de Pedro Castillo de limoger le chef de la police, le ministre a jeté l’éponge.

L’instabilité au sein de la police arrive à un moment critique : la hausse de l’insécurité a provoqué, mercredi dernier, l’instauration de l’état d’urgence dans les régions de Lima et de Callao, le grand port proche de la capitale. L’armée est désormais associée au maintien de l’ordre.

Certains médias rendent responsable le chef de la police de l’aggravation de la délinquance : depuis sa nomination en septembre, il aurait déplacé 1 600 policiers et désarticulé des secteurs clés comme la lutte contre le narcotrafic ou les délits financiers. Un exemple donné par le site d’investigation IDL-Reporteros : des centaines d’agents ont été mutés sans raison vers les brigades de la sécurité routière. Qui n’ont pas assez de véhicules à fournir aux nouveaux arrivants.

Impossible moralisation

Élu sur un programme anticorruption, qui opposait les élites de nantis blancs des plaines aux autochtones pauvres des montagnes, Pedro Castillo n’a guère fait avancer les enquêtes sur les affaires de malversations. L’un de ses proches conseillers, Biberto Castillo (sans lien de parenté), a même été mêlé à des scandales dans le BTP. Les départs d’Avelino Guillén, à la réputation d’homme intègre (il avait participé comme procureur aux procès contre l’ex-président Alberto Fujimori), et de Mirtha Vásquez, témoignent de l’impossibilité de mener à bien la moralisation des pratiques financières dans le pays. (…)

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