🇦🇷 Le phénomène “el loco”, comment Javier Milei transforme l’Argentine (entretien avec David Copello / Laurent Huguenin-Elie / Géopolitis)
Il y a presque un an, le 19 novembre 2023, l’Argentine élisait à la présidence l’ultralibéral Javier Milei. Cet économiste provocateur, habitué des plateaux de télévision, applique une politique d’austérité drastique à l’économie du pays et réoriente sa politique étrangère. L’éclairage de David Copello, spécialiste de l’Argentine – chercheur à l’Institut Catholique de Paris et au Centre de Recherche et de Documentation sur les Amériques
“À un moment donné, [les gens] vont mourir de faim, donc ils vont forcément tout faire pour ne pas mourir. Par conséquent, je n’ai pas besoin d’intervenir pour résoudre le problème de consommation. Le problème va se résoudre tout seul.” Le ton est donné par le président argentin Javier Milei, lors d’une conférence donnée à l’Université de Stanford, en mai dernier.
Pour Javier Milei, qui se revendique anarcho-capitaliste, tout doit être géré par le marché, et non par l’État. Depuis son entrée en fonction, en décembre dernier, il a massivement dérégulé l’économie du pays. À peine élu, il a dévalué de plus de 50% le peso argentin. Il a aussi taillé dans les dépenses publiques. Une thérapie de choc pour la troisième plus grande économie d’Amérique latine, qui s’est enfoncée depuis plusieurs années dans une grave crise économique. Le taux d’inflation atteignait plus de 200% sur l’ensemble de l’année 2023.
Les coupes budgétaires du gouvernement de Javier Milei ont un impact direct sur la vie quotidienne d’un grand nombre d’Argentins. “On a vu des scènes assez rocambolesques dans les universités au cours des derniers mois (…), des universités qui ont été obligées de couper les lumières dans les couloirs, de condamner un certain nombre d’ascenseurs”, rapporte dans Géopolitis David Copello, spécialiste de l’Argentine auprès de l’Institut catholique de Paris et du Centre de recherche et de documentation sur les Amériques. Il souligne que l’État argentin a réduit ses dépenses d’environ 30% depuis le début de l’année, une baisse “colossale”. Depuis décembre, cinq millions d’Argentins ont basculé dans la pauvreté. Plus de la moitié de la population vit désormais avec moins de 268 000 pesos par mois, soit l’équivalent de 250 euros. Lors de son investiture, Javier Milei avait prévenu ses compatriotes qu’il y aurait des sacrifices à faire: “Nous savons qu’à court terme, la situation va se dégrader. Mais nous verrons ensuite les fruits de nos efforts, une fois que nous aurons jeté les bases d’une croissance solide et durable dans le temps.”