Présidentielle au Chili : l’avortement et le mariage homosexuel au cœur de la campagne (David Gormezano / France 24)

L’issue du second tour de la présidentielle, qui opposera le 19 décembre le candidat de gauche Gabriel Boric à celui d’extrême droite José Antonio Kast, est plus qu’indécise. Ordre, immigration, justice sociale ou la question des indigènes mapuches sont au cœur des débats au Chili. Les questions du droit à l’avortement et du mariage homosexuel fracturent elles aussi l’électorat.


Manifestation pour le droit à l’avortement
(Santiago de Chile / janvier 2021) Photo: DW

Finies les alternances entre le centre droit et le centre gauche qui ont rythmé la vie politique chilienne depuis le retour à la démocratie en 1990. Au terme du premier tour de la présidentielle, le 21 novembre, pour lequel 47 % seulement des Chiliens se sont mobilisés, un candidat de “la gauche de la gauche”, Gabriel Boric, et un candidat d’extrême droite, José Antonio Kast, s’affronteront dans un peu moins de trois semaines.

Depuis trente ans, c’est toujours le candidat arrivé en tête au premier tour qui l’emporte au second.  Avec 27,91 % des voix, l’avocat et homme d’affaires ultraconservateur José Antonio Kast semble donc favori. Mais dans une élection aussi inédite qu’imprévisible, où les candidats des partis traditionnels ont été éliminés au premier tour, rien ne semble joué. Plusieurs sondages parus dimanche prédisent la victoire du candidat de gauche et figure du mouvement étudiant de 2011, Gabriel Boric (25,81 %), avec une avance allant de 2 à 16 % !

Bataille législative autour de l’avortement et du mariage homosexuel

Mais à l’heure où le candidat nostalgique de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990) tente de rallier la droite et les libéraux, deux sujets de société se sont invités dans la campagne : le droit à l’avortement et le mariage homosexuel. En 2021, le président de droite sortant, Sebastian Piñera, qui n’est pas candidat, a permis au Parlement chilien d’examiner deux textes de lois sur ces questions qui polarisent fortement la société chilienne.

Mardi 30 novembre, les députés chiliens ont rejeté une proposition de loi en faveur de la dépénalisation de l’avortement, avec pour conséquence un gel de son examen au Parlement pendant un an. Celle-ci prévoyait “une dépénalisation l’avortement consenti (…) jusqu’à 14 semaines de grossesse” pour éviter une peine de prison de trois à cinq ans aux femmes choisissant d’avorter.

Pourtant, ces mêmes députés chiliens avaient approuvé le texte “en général” le 28 septembre, permettant l’ouverture du débat. Depuis, le texte est retourné en Commission où il a été adapté à la loi existante sur l’identité de genre. C’est cette version modifiée qui a été rejetée.

En ce qui concerne la reconnaissance du mariage homosexuel, une proposition de loi soutenue par l’opposition de gauche a obtenu dans les deux chambres la majorité, en juillet et en novembre, malgré le rejet de la droite au pouvoir. Le Sénat doit se prononcer à nouveau la semaine prochaine sur l’adoption définitive d’un texte autorisant le mariage entre personnes de même sexe.

Avec José Antonio Kast, la défense de l’ordre moral 

Si Gabriel Boric, 35 ans, le candidat de la gauche progressiste avec la liste “Apruebo Dignidad”, qui comprend notamment le parti communiste, s’est prononcé en faveur de ces deux mesures, son adversaire campe, lui, sur des positions ultra conservatrices et souhaite remettre en cause les avancées obtenues par les mouvements de défense des droits des femmes et des militants LGBT ces dernières années.

Pour le chercheur Christophe Ventura, contacté par France 24, “ces questions représentent une frontière politique entre les deux adversaires. L’opinion moyenne au sein de la droite chilienne est très conservatrice et José Antonio Kast a réinvesti ces sujets, estimant que l’actuel président libéral, Sebastian Piñera, avait cédé aux mouvements sociaux, qu’il assimile selon ses propres termes au communisme. Pour José Antonio Kast, le gouvernement a cédé à la rue sur ces questions.” (…)

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